jeudi 30 juin 2016

Kara Eflak - De Bucarest à Stamboul

Kara Eflak - ou pays des Valaques - était le nom sous lequel les Ottomans désignaient les provinces roumaines vassalisées à leur empire. Une bien longue histoire en vérité, depuis les premières incursions des Ottomans au 14e siècle jusqu'à l'indépendance proclamée au Traité de Berlin, à la date bien tardive de 1878.

L'album Kara Eflak (ISBN 978-973-0-16038-3)

On a beau avoir quelques notions de cette histoire compliquée en tête, c'est avec une immense surprise que nous écoutons l'album Kara Eflak, proposé par la Formation vocale et instrumentale de musique ancienne Anton Pann (Formația vocal-instrumentală de muzică veche Anton Pann). Les musiques ici présentées mêlent auteurs roumains et ottomans, sans qu'une oreille non avertie ne puisse démêler ce qui revient aux uns et aux autres. L'auditeur occasionnel peut à juste titre se demander si, en Roumanie, l'on écrivait de la musique orientale entre le 17e et la fin du 19e siècle.

Cet étonnement culmine quand nous écoutons des pièces tirées de collections de Dimitrie Cantemir (1673-1723), prince de Moldavie et esprit universel : selon la notice très documentée du CD, Cantemir était "géographe, historien, philosophe, ethnographe, compositeur et musicologue". Ce prince moldave si savant, figure incontournable de l'histoire des Roumains, nous aurait légué des pièces dans la plus pure tradition byzantine ? Les impressions sont trompeuses, et la notice nous invite à la prudence : ces compositions feraient montre d'un syncrétisme comportant des éléments roumains, mais aussi grecs, turcs, voire arabes et persans, et il faudrait donc les distinguer avec soin du modèle impérial.

Ce syncrétisme, il est vrai, est plus évident avec les pièces d'Anton Pann (1793 ou 1797-1854), qui comportent une partie vocale en langue roumaine. L'on demeure néanmoins étonné par l'influence byzantine de la musique et de son instrumentation : A. Pann n'est-il pas connu comme auteur de l'actuel hymne de la Roumanie ? Imaginerait-on notre Rouget de Lisle puiser son inspiration dans l'art d'une autre civilisation, dont il serait de surcroît le vassal ?

Mais un tel rapprochement est inapproprié. France et Roumanie ont des passés très dissemblables. Ce que nous rappelle ce CD, c'est que la nation roumaine actuelle - tournée vers l'Occident et latinisée - est en grande partie d'invention récente. L'historien Lucian Boia, dans son livre passionnant "De ce este România altfel ?" (Pourquoi la Roumanie est-elle différente ?), raconte cette histoire en partie reconstruite à travers un prisme romantique.



L'album Kara Eflak est dès lors un très précieux témoignage d'une Roumanie des temps passés et pas si lointains, province tout à la fois européenne et ottomane. Mais au-delà des considérations nationales et historiques, il nous reste à parler de l'essentiel : la réelle beauté des musiques qui nous sont ici révélées, interprétées avec grand art par les musiciens de l'ensemble de musique ancienne Anton Pann. Si nous avons parlé de deux figures historiques roumaines, Dimitrie Cantemir et Anton Pann, nous découvrons d'autres compositeurs aux noms évocateurs : le mystérieux Adga Riza, Ali Ufki (1610-1675), Sultan Abdülaziz (1830-1876), 32e sultan ottoman, et Tanbur Cemil Bey (1871-1873-1916), compositeur tardif qui renouvela l'approche de la tradition musicale turque.

Précisons tout de même que cette musique pourra décontenancer. Les modes utilisés sonnent de façon inhabituelle aux oreilles occidentales et les nombreuses subtilités de l'accompagnement exigent une attention soutenue. Tous les morceaux proposés sont dignes d'intérêt, mais à titre personnel, je voudrais souligner la réussite de la piste 5 - l'enchaînement de deux pièces, Sirto de Sultan Abdülaziz puis Nu Mă Pedepsi Stăpână (collection Anton Pann), dont on imagine les difficultés de mise en place et d'équilibre pour un résultat qui flatte aussi bien l'oreille que l'esprit. Le magnifique D'ai sti sufletul meu qui suit, tiré de la même collection Anton Pann et peut-être adapté d'une chanson turque, déploie ses charmes en écho chaloupé du Deșteaptă-te, române ! devenu l'hymne national déjà évoqué. Et l'on se prend à se rappeler du mot d'Enesco, fondateur de l'école de musique roumaine, sur "le caractère profondément oriental de notre propre musique". Une envoûtante suite de six danses, venues d'horizons différents et en perpétuel équilibre entre Orient et Occident, achève en beauté cet album de qualité.

Il faut saluer le talent de Constantin Răileanu, maître d'oeuvre de cette découverte, arrangeur, soliste vocal et instrumental : ce musicologue averti est l'auteur de la notice très détaillée et regorgeant d'informations sur cette partie méconnue de l'histoire musicale. Et les mélomanes français ne sont pas oubliés, le livret étant traduit de façon exemplaire dans notre langue par Lucian Nicolae, à qui je dois la révélation de ce très précieux album - que cet article soit une nouvelle fois l'occasion de le remercier pour son geste.

Alain Chotil-Fani, juin 2016


Pour en savoir plus







samedi 19 juillet 2014

Enesco et Constantinescu chez Forgotten Records

Il m'est arrivé de parler d'Enesco avec des mélomanes chevronnés. Plusieurs fois, j'ai entendu le même discours, de la part d'interlocuteurs qui ne se connaissaient pas : la musique d'Enesco se partageait entre des oeuvres bienvenues et d'autres impossibles à écouter. Dans la première catégorie : les Rhapsodies bien sûr, la 1ere Symphonie, l'Octuor. Et les oeuvres impossibles : la Symphonie concertante pour violoncelle et orchestre, la 2e Symphonie, la musique de chambre, les Lieder, l'Ouverture de 1947, la Symphonie de chambre op. 33. J'ignore où mes interlocuteurs plaçaient Oedipe, la 3e Sonate pour violon et piano, les oeuvres pour piano et les Suites orchestrales. Mais il est certain qu'en tête de leur liste noire se trouve la Symphonie de Chambre.


Un CD Forgotten Records. fr 859

La Symphonie de Chambre op. 33, ultime oeuvre du compositeur (qui dicta, malade, ses dernières consignes à Marcel Mihalovici en 1954) n'est certes pas populaire. Elle est construite de fragments thématiques, auxquels répondent des imitations de ces fragments, si bien qu'aucune pensée musicale cohérente ne paraît s'imposer à l'auditeur. Une musique décomposée, difficile d'accès et toute aussi rebutante que certains opus de l'Ecole de Vienne. Pour sa dernière partition, Enesco écrit une page courte - les trois mouvements durent en tout un peu plus d'un quart d'heure - et surprenante d'aridité. C'est du moins ce que laisse penser une écoute superficielle. Le vieux maître possédait toute la maîtrise d'un métier qui s'est enrichi des révolutions musicales du dernier romantisme et de l'époque moderne. Cette page exige une attention constante pour être comprise. C'est qu'elle offre un monde en soi : souvenirs d'enfance et pressentiment de la fin prochaine s'entremêlent, dans l'esprit de ce que fera plus tard Chostakovitch dans ses dernières symphonies. Enesco pense sans doute à son pays natal évoquant par endroit ses propres Suites pour orchestre.

Enesco aimait habiller la modernité de son langage avec des atours hérités du romantisme, chose qui l'a un peu trop fait vite fait passer pour rétrograde. Or il renonce ici à ce procédé : toute son originalité souverainement libre apparaît avec ce qu'elle comporte de cru, d'exigeant et de merveilleux. Musique rare, exceptionnelle d'intensité, et, contre tout préjugé, gorgée de la plus sincère émotion.

Le Dixtuor pour vents de 1906, première oeuvre disponible sur le même CD, est moins connue que l'Octuor pour cordes (1900) avec laquelle elle est souvent couplée. Enescu se souvient certes de Mendelssohn et Brahms - et peut être aussi de Dvořák - dans cette partition lyrique et foisonnante, mais affirme déjà une personnalité hors pair. 

Le CD (Ref. fr 859) publié par Forgotten Records restitue impeccablement la gravure de Constantin Silvestri à la tête des meilleurs solistes roumains de son temps pour chacune de ces deux oeuvres.

Le disque s'achève, toujours sous la direction de Silvestri, par le rare Concerto pour piano de Paul Constantinescu. L'orchestre est celui de l'ORTF, et le grand soliste roumain Valentin Gheorghiu est au piano. Constantinescu est un excellent compositeur, très expressif, dont nous avons souligné plusieurs fois sur ce site la valeur. On est un peu surpris par le caractère très post romantique de cette partition de 1952, proche de Rachmaninov parfois, héroïque, chantante, immédiatement accessible mais manquant bizarrement de cette hargne jubilatoire qui nous rend d'ordinaire l'art de Constantinescu si attachant. Il n'en reste pas moins ici une version de référence par des interprètes qui vivaient cette musique mieux que quiconque.

Alain Chotil-Fani, juillet 2014






samedi 5 juillet 2014

Enesco joue les Sonates et Partitas pour violon seul de Bach

A la fin de la décennie 1940, alors qu'il approche de ses 70 ans, Georges Enesco enregistre pour un label américain les Sonates et Partitas pour violon seul BWV 1001-1006 de Jean-Sébastien Bach. Le musicien roumain n'est pas seulement âgé. Il souffre d’arthrite et sa silhouette est devenue difforme. Jouer du violon devient pour lui un supplice. Sa technique s'en ressent. Il n'est plus l'étincelant virtuose admiré au tournant du siècle.


Un album 2 CD Forgotten Records Ref. fr 836/7


Pourtant Enesco offre ici un témoignage inestimable. Le vieil homme met tout son art, sa science d’interprète et de musicien, sa longue expérience ininterrompue depuis plus d'un demi-siècle déjà, au service de ces partitions exigeantes et d'une ineffable pureté. Le moindre de ses efforts est tendu vers le but d'honorer cette musique qu'il admirait tant. A-t-on jamais entendu un Bach si humain, si profond ?

Cette parution a reçu un accueil mitigé en son temps. On voulait alors un Bach plus métronomique, bien ficelé dans les barres de mesure, et servi avec la froide virtuosité d'un exercice de concours. A ce jeu, d'autres grands noms de l'époque, plus jeunes et plus brillants, ont su s'exercer - certains continuent de nos jours.

Mais Enesco était libre de toute contrainte. Compositeur et interprète d'exception, doué d'une immense culture musicale, il savait mieux que quiconque ce qu'honorer la musique veut dire. Aussi s'applique-t-il à souligner la ferveur, l'humanité et intelligence de ces partitions - en dépit de l'âge, de la douleur physique et de l'exil.

Enesco, non plus virtuose mais artiste hors pair et musicien avant tout, livre ici l'une des plus bouleversantes déclarations qu'un interprète ait jamais donné.



L'édition originale était semble-t-il assez précaire, ce qui a pu nuire à sa diffusion. La récente parution de Forgotten Records parvient à restituer un enregistrement propre, parfaitement audible malgré son âge, et d'un très grand naturel, sans aucun post-traitement artificiel.

Alain Deguernel a eu la formidable idée d'exploiter différentes parutions en microsillons pour les réunir et nous en donner le meilleur : Continental (l'éditeur américain original) et Olympic Records, le label russe Melodiya, Remington et même Electrecord, la firme d'état roumaine.

Deux CD en tous points exceptionnels.

Alain Chotil-Fani, juillet 2014

mercredi 26 mars 2014

Georgescu dirige Franck et Strauss

La firme japonaise Tobu Recordings m'a passé la commande de notices pour accompagner l'édition de CD consacrés au chef George Georgescu. Ci-dessous, voici l'article que j'ai rédigé pour accompagner cette publication d'un enregistrement d’œuvres de César Franck et Richard Strauss.

http://www.tobu-trading.com/shinpu-elect11.html

Georgescu honore la musique de César Franck (1822-1890) tout au long de sa vie artistique. L’œuvre qu’il dirige le plus souvent sont les Variations Symphoniques pour piano et orchestre, données à treize reprises de 1930 à 1962. Le Prélude, choral et fugue, dans l’arrangement réalisé par Gabriel Pierné, est donné quatre fois dans les années 1930. La Symphonie en ré mineur est quant à elle jouée dès 1921 à l’occasion d’un récital consacré à la musique française et russe. Georgescu la dirige encore trois fois jusqu’en 1928, et de nouveau à quatre occasions de 1939 à 1944.

Son ultime interprétation de cette œuvre est celle présentée sur ce CD. Cette prestation qui termine un concert du 15 juin 1964 (1) marque aussi la fin d’une époque : plus jamais Georgescu ne dirigera un orchestre. Le vieux chef est malade de cœur depuis plusieurs années et sa santé continue à se dégrader.

Sous la baguette de Georgescu, la Symphonie de Franck devient une immense prière. Les premières mesures, murmurées dans le souvenir du pianissimo presque inaudible de Nikisch, préludent à une vision fiévreuse, tout en effrois et trémolos. Le chef obtient de ses musiciens une intensité d’interprétation qui souligne la modernité d'une partition longtemps incomprise. La délivrance du Finale, avec le rappel des thèmes musicaux des mouvements précédents selon le principe cyclique, prend ici une ferveur particulière. Il est tentant de voir dans cette salutaire rédemption l’adieu d’un maître.

Richard Strauss (1864-1949) était pour Georgescu un soutien indéfectible et un ami. Le chef le lui rendit bien : il dirigea des oeuvres de Strauss avec constance et amour.

Georgescu est à la fois un chef héritier de la grande tradition berlinoise et un fervent défenseur de la musique contemporaine. Son répertoire comprend des pièces d'Enescu et de la jeune école roumaine, de Ravel et Honegger, de Stravinsky et Prokofiev. Il dirige aussi Sibelius, Khatchatourian, Janáček et Martinů, Britten, Szymanowski, Bartók et Kodály, Respighi et même Gershwin. Cette énumération pourrait encore continuer. Pour ce que nous pouvons en juger, son approche très engagée de la musique moderne procède d'un esprit particulier : c'est qu'il n'est plus le gardien d'une illustre tradition, mais l’un de ses inventeurs, posant les bases d'un nouveau standard d'interprétation. Till Eulenspiegel, enregistré en public le 20 mai 1962, prouve combien Georgescu savait mettre en valeur l'exubérance, l'humour et le lyrisme d'une page exacerbée, sans jamais se départir d'un très grand sens de l'orchestre.

Cette œuvre de Strauss concluait aussi le premier concert de Georgescu à Berlin, le 15 février 1918. Le présent CD permet dès lors d’embrasser de façon symbolique la très longue carrière d’un grand chef.

Alain Chotil-Fani

(1) Concert donné dans la salle de la radio, en raison de l’indisponibilité momentanée de l’Athénée Roumain (Ateneul Român) où se produit habituellement la Philharmonie.

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Georgescu honors Cesar Franck’s (1822-1890) music throughout his entire artistic life. The work he most frequently conducts are the Symphonic Variations for piano and orchestra, performed thirteen times from 1930 to 1962. The Prelude, Chorale and Fugue, in the arrangement carried out by Gabriel Pierné, is performed four times in the 30’s. As for the Symphony in D Minor, it is performed as of 1921 for a recital dedicated to French and Russian music. Georgescu conducts it three more times until 1928, and again on four occasions from 1930 to 1944.

His last interpretation of this work is the one which is presented on this CD. This performance, which ends a concert given on June 15th, 1964 (1), marks the end of an era ; never again will Georgescu conduct an orchestra. The aging conductor suffers from heart problems and his health continues to degenerate.

Under Georgescu’s baton, Franck’s Symphony becomes an immense prayer. The first measures, murmured in a remembrance of Nikisch’s nearly inaudible pianissimo, prelude a feverish vision, filled with terror and tremolos. The conductor is given by his musicians a depth of interpretation which underlines the modernity of a partition, for a long time misunderstood. The release of the Finale, with a recall of the preceding musical themes, following the cyclic form, take on here an exceptional fervor. It is tempting to see in this salutory redemption the farewell of a master.

Richard Strauss (1864-1949) was for Georgescu an unfailing support and a friend. The conductor renders him this fidelity : he conducts Strauss’ works with consistency and love.

Georgescu is at the same time an inheritor in the great Berlin tradition and a powerful defender of contemporary music. His repertory includes pieces by Enescu and the young Romanian school, by Ravel and Honegger, and by Stravinsky and Prokofiev. He also conducts Sibelius, Khatchatourian, Janáček and Martinů, Britten, Szymanowski, Bartók and Kodály, Respighi and even Gershwin. This enumeration could yet be extended. As far as we can judge, his very deeply committed approach to modern music arises from a special position : his is no longer the guardian of an illustrious tradition but one of its initiators, laying the foundations of a new standard of performance. Till Eulenspiegel, recorded in public on May 20th, 1962, proves again how much Georgescu was able to express exuberance, humour, and the lyricism of an exacerbated piece, without ever abandonning a great orchestral feeling.

This work by Strauss concluded also the first concert conducted by Georgescu in Berlin on February 15th, 1918. This CD also allows us, in a symbolic manner, to encompass the great master’s very long career.

English translation by Marian Leclerc-Schroeder

(1) Concert given in the Radio Hall, due to a momentary unavailability of the Romanian Athenaeum (Ateneul Român) where the Philharmonic usually appears.

Georgescu dirige Brahms

La firme japonaise Tobu Recordings m'a passé la commande d'une notice pour accompagner l'édition de CD consacrés au chef George Georgescu. Ci-dessous, voici l'article que j'ai rédigé pour accompagner cette publication d'un enregistrement d’œuvres de Brahms.

http://www.tobu-trading.com/shinpu-elect11.html

Dans une période où les goûts musicaux sont trop souvent dévoyés par des préjugés nationalistes, le violoniste Henri Marteau est l’un des rares artistes français à comprendre et à défendre la musique de Johannes Brahms (1833-1897) (1). Son ami le violoncelliste allemand Hugo Becker, avec qui il joue longtemps en formation chambriste, connaissait personnellement le compositeur de Hambourg. Ainsi, quand le jeune Georgescu remplace Hugo Becker au sein du Quatuor Marteau, il peut bénéficier d’inestimables conseils pour assimiler et interpréter l’œuvre de Brahms. Et quand il devient l’élève d’Arthur Nikish, personne n’avait oublié l’éloge d’un compositeur si intransigeant sur le savoir-faire du chef hongrois.

L’ombre de Brahms plane sur les années de formation du jeune Georgescu. Il ne l’oubliera jamais. A côté de Beethoven, R. Strauss, Enescu et peut-être Wagner, Brahms est l’auteur que Georgescu dirige le plus souvent. Son répertoire inclut le cycle des Symphonies et les quatre Concertos, l’Ouverture tragique, les Variations sur un thème de Haydn et trois lieder avec accompagnement d’orchestre.

A plusieurs occasions, en 1933, 1940 et 1964, il présente un programme entièrement dédié à Brahms. Le présent CD en porte un témoignage avec l’enregistrement issu d’un concert du 23 mai 1964 consacré à la 3e Symphonie en fa majeur et au 2e Concerto pour piano en si bémol majeur, dont Sviatoslav Richter est le soliste. Ce témoignage donne à entendre un Brahms au caractère robuste, résolument symphonique et éperdu de lyrisme (Poco Allegretto) alors que l’Allegro conclusif étonne par ses fulgurances et l’attention portée aux articulations.

Les Variations sur un thème de Haydn semblent avoir été assez rarement jouées par Georgescu. Après des interprétations en 1929 et 1949, il faut apparemment attendre février 1964 pour les retrouver dans un de ses programmes, à l’occasion d’un autre cycle Brahms complété par le 1er Concerto pour piano en ré mineur (avec le pianiste Alexandru Demetriad) et la 2e Symphonie en ré majeur. Le chef roumain prend un soin manifeste à souligner tous les détails d’une partition brillante, jusqu’à l’immense Passacaille finale qu’il fait sonner à la façon d’un hymne triomphal.

Alain Chotil-Fani

(1) Henri Marteau (1874-1934) joue le Concerto pour violon de Brahms à Angers en 1891, plus d’une décennie avant la prétendue « création française » par Lucien Durosoir (Cf. revue Angers-Artiste n° 25 de mars 1891).

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In a time when musical tastes are too often laid astray by nationalistic prejudices, violinist Henri Marteau is one of the few French artists who understood and defended Johannes Brahms’ (1833-1897) music (1). His friend, the German violincellist Hugo Becker, with whom he performed for a long time in chamber ensembles, knew the Hamburg composer personally. So, when the young Georgescu replaces Hugo Becker in the Marteau Quartet, he can benefit from invaluable advice to assimilate and interpret Brahms’ work. And when he becomes Arthur Nikish’s student, no one had forgotten the praise received from a composer who was so uncompromising about the Hungarian maestro’s know-how.

Brahms’ shadow looks down over young Georgescu’s years of training. He will never forget it. Besides Beethoven, Richard Strauss, Enescu and perhaps Wagner, Brahms is the musician who was the most frequently performed by Georgescu. His repertory includes the Symphonies cycle and the four Concertos, the Tragic Overture, the Variations on a Theme by Haydn and three lieder with orchestral accompaniment.

On several occasions, in 1933, 1940 and 1964, he proposes a program entirely dedicated to Brahms. This CD is a testimony to it, with the recording from a concert given on May 23rd, 1964, which includes the Symphony No. 3 in F major and the Piano Concerto No. 2 in B-flat major, with Sviatoslav Richter as a soloist. This recording which allows us to hear a Brahms endowed with a robust nature, resolutely symphonic and filled with lyricism (Poco Allegretto), when the final Allegro surprises us by its fulgurating flashes and the attention it gives to articulation.

The Variations on a Theme by Haydn seems to have been very rarely performed by Georgescu. After his 1929 and 1949 performances, we must wait until February 1964 to hear them in one of his programs, when the occasion of another Brahms’ cycle was completed by the Piano Concerto No. 1 in D minor (with the pianist Alexandru Demetriad) and the Symphony No. 2 in D major. The Romanian conductor gives deep attention to all details of a brilliant partition, up until the superb final Passacaglia which he lets resound in the manner of a triumphant hymn.

English translation by Marian Leclerc-Schroeder

(1) Henri Marteau (1874-1934) performs Brahms’ Violin Concerto in Angers in 1891, more than a decade before the so called « French first performance » by Lucien Durosoir (cf. review Angers-Artiste n° 25, March 1891).

Georgescu dirige Schubert

La firme japonaise Tobu Recordings m'a passé la commande d'une notice pour accompagner l'édition de CD consacrés au chef George Georgescu. Ci-dessous, voici l'article que j'ai rédigé pour accompagner cette publication des deux dernières symphonies de Franz Schubert.

http://www.tobu-trading.com/shinpu-elect11.html



A l’instar de Ludwig van Beethoven, mais en suivant d’autres principes que son contemporain, Franz Schubert (1797 – 1828) ouvre le genre de la Symphonie à de nouveaux horizons. Ce maître du lied transcende la grande forme orchestrale en lui offrant toute l’expressivité de son art mélodique. Avec lui, la Symphonie devient chant et peut exprimer une profondeur lyrique jusqu’alors inouïe. Un autre aspect peut-être plus méconnu de l’art schubertien est l’adoption de musiques populaires, non pas citées à des fins folkloriques ou anecdotiques, mais pour ainsi dire incorporées dans l’essence même de son processus créateur.

Cette alliance novatrice octroie aux œuvres orchestrales de Schubert une remarquable vérité de sentiments. Ses dernières Symphonies en particulier ne ressemblent à rien d’autre qui fût écrit à la même époque. Cela explique sans doute en partie pourquoi ces pages mirent tant de temps à s’imposer, bien des années après la mort du compositeur. L’on peine à imaginer que la Symphonie en do majeur (dite la « Grande », D 944) devint objet de sarcasmes de la part des premiers interprètes.

George Georgescu dirige pour la première fois l’Inachevée (D 759) en février 1920 et ajoute la Symphonie en do à son répertoire une année plus tard. Ces deux œuvres reviennent régulièrement dans ses récitals pendant les années d’avant guerre, jusqu’en 1941 ; il faudra ensuite attendre vingt-deux ans avant qu’il ne dirige encore la « Grande » Symphonie en concert. Le présent enregistrement en propose une captation réalisée lors d’un récital de fin mars 1963 (1). L’Inachevée est quant à elle enregistrée en studio vraisemblablement à la même période.

George Georgescu, qui a tant travaillé la cantilène avec son maître de violoncelle Hugo Becker avant d’embrasser la carrière de chef, savait combien le sens de la mélodie était vital pour servir ces œuvres. Sa direction jamais brutale honore cette musique de l’intime avec une exaltation qui ne cède pas à la tentation de bousculer l’orchestre. Il aborde ces pages avec rigueur et passion, attentif à faire sonner cette Philharmonie de Bucarest dont il était l’architecte historique. Le Finale de la Grande Symphonie, immense chant d’apothéose, donne l’occasion aux musiciens roumains d’exprimer leur art du contre-chant. Le pupitre de violons imprime à ce mouvement un allant irrésistible, jusqu’à la magistrale coda faisant songer au paroxysme d’une fête païenne. Georgescu, chef latin instruit dans la grande tradition germanique, était idéalement placé pour comprendre le caractère de cette musique ouverte sur le monde, comme l’était la cité de Vienne avec ses multiples nationalités qui en faisaient la richesse.

Alain Chotil-Fani

(1) Concert du 30 ou 31 mars 1963, des récitals au programme identique ayant été donnés à Bucarest lors de ces deux dates. Georgescu dirige une dernière fois la Symphonie en do au Festival de Salzbourg le 12 août de cette même année avec la Philharmonie Tchèque.

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Following Beethoven’s example, but other rules than his contemporary, Franz Schubert (1797-1828) opens the symphony genre to new horizons. A master of the lied, he transcends the great orchestral form by providing it with the total expression of his melodic art. With him the Symphony becomes a song, enabling it to express an until then unknown lyrical depth. Another perhaps more unknown aspect of the Schubertian art is the adoption of popular music tunes. These are cited, not for folkloric nor anecdotic reasons, but integrated so to speak in the very core of his creative power.

This new alliance to Schubert’s orchestral works opens it to deep and true feelings. Especially his last Symphonies which resemble nothing else written at the same period. Perhaps this explains partially why these pages needed so much time to be fully recognized many years after the composer’s death. It’s hard to believe that the Symphony in C Major (called the “Great”, D 944) was ridiculed by the first performers.

George Georgescu conducts for the first time the “Unfinished” (D 759) in February 1920 and introduces the Symphony in C Major in his repertory a year later. Both works appear regularly in his recitals during the pre-war years, until 1941. Twenty two years will pass before he directs the “Great” Symphony again in concert. This recording proposes a new take on it carried out during a recital at the end of March 1963 (1). As for the “Unfinished”, it was studio recorded, most probably at the same time.

George Georgescu, who worked so much on the cantilena with his cello master, Hugo Becker, before becoming a conductor, knew how vital the meaning of melody was for these works. Never brutal in his conducting, he provides this intimate music form with an exaltation which does not indulge into putting pressure on the orchestra. He approaches these pages with a rigor and passion, cautious to let resound the Bucharest Philharmonic of which he was an historic initiator. The “Great” Symphony Finale, a huge apotheosis sound, gives an opportunity to Romanian musicians to express their art of the counterpoint. The violin section gives an irresistible boost to this movement, up until the magistral coda, which reminds us of the paroxysm of a pagan festival. George Georgescu, a Latin conductor raised in the great Germanic tradition, was in an ideal position to understand the nature of this music, open to the world, just as the capital of Vienna was endowed with the wealth of its many nationalities.

English translation by Marian Leclerc-Schroeder

(1) The concerts on March 30th and 31st, 1963 : recitals with the same program were given in Bucharest, on these two dates. George Georgescu conducts the work for the last time with the Czech Philharmonic Orchestra at the Salzburg Festival on August 12th, the same year.

George Georgescu le bâtisseur

En 2013, la firme japonaise Tobu Recordings a publié 3 CD consacrés au chef d'orchestre George Georgescu. J'ai été contacté pour la rédaction des notices. Voici donc le premier des articles rédigés pour Tobu : une biographie rapide du maître.

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C’était un chef parmi les plus grands. De ces chefs dont la race est en train de s’éteindre et dont la totale maîtrise et la profonde musicalité savaient se fondre dans la pensée de l’auteur interprété, sans jamais s’installer à sa place. [Henri Barraud, compositeur et directeur de l’ORTF, en 1964]

Après des débuts prometteurs comme violoncelliste du Quatuor Marteau, le Roumain George Georgescu (Sulina, 1887- Bucarest, 1964) doit abandonner son instrument à cause d’une blessure à la main. Avec le soutien de Richard Strauss, il devient alors élève d’Arthur Nikisch. En 1918, Georgescu étrenne sa carrière de chef d’orchestre en dirigeant la prestigieuse Philharmonie de Berlin. Sous son égide, l’orchestre Philharmonique de Bucarest devient une formation d’élite, appréciée par de nombreux chefs et compositeurs venus de l’étranger. Georgescu s’illustre également en tant que chef lyrique en dirigeant plusieurs saisons à l’Opéra de la capitale roumaine.

Des tournées le font connaître sur la scène internationale. Aux Etats-unis, il remplace au pied levé Arturo Toscanini pour la fin de la saison 1926. Georgescu est désormais reconnu comme interprète hors pair, notamment pour les pages orchestrales de Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms et Richard Strauss, avec qui il conserve un lien privilégié. Son vaste répertoire offre également une place de choix à la musique roumaine contemporaine.

Pendant la deuxième guerre mondiale, les services de propagande exploitent son talent. En 1944, la Roumanie change de camp et s’engage au côté des Alliés. Ce renversement d’alliance provoque sa mise à l’écart, une décision qui suscite l’indignation de George Enescu, le plus grand compositeur du pays.

Georgescu est réhabilité en 1953 (1). Il retrouve la Philharmonie de Bucarest et en conserve la direction jusqu’à sa disparition, onze années plus tard. En 1955, l’orchestre prend le nom de « Philharmonie George Enescu ».

Cette dernière période est marquée par de nouvelles tournées à succès (USA, 1960) et plusieurs enregistrements, dont une intégrale des Symphonies de Beethoven très remarquée (2). A sa mort, Georgescu est considéré comme l’un des derniers dépositaires d’une illustre tradition de direction d’orchestre, alliant « une étonnante sensibilité au détail avec une immense intelligence (…) lorsqu’il développait l’ensemble d’une œuvre » (Msistlav Rostropovich).

Alain Chotil-Fani

Alain Chotil-Fani est l’auteur du livre « Antonín Dvořák , un musicien par-delà les frontières » (éditions Buchet-Chastel) en coopération avec Éric Baude.

(1) Il faut sans doute voir dans cette décision une conséquence de la mort de Staline, mort quelques mois plus tôt. Constantin Silvestri, jusqu’alors titulaire de la Philharmonie, est nommé directeur de l’Opéra roumain et de l’orchestre de la Radio. Certaines sources parlent d’une injustice dont Georgescu serait l’instigateur. Il paraît toutefois établi que le grand chef roumain n’était pas impliqué dans l’action politique. Son aura internationale était telle que le maintenir à l’écart devenait difficile. Du reste, Georgescu devait rendre à Silvestri le plus beau des hommages en dirigeant avec panache sa Toccata symphonique au cours du Festival Enescu de 1958.

(2) Disponible chez Tobu Recordings

Sources :

  • Georgescu Tutu, « George Georgescu », ediţia  a II-a revizuită şi adăugită, Bucureşti, Editura Muzicală, 2001 Cosma Viorel (sous la direction de), « Dirijorul George Georgescu / Mărturii în contemporaneitate », Bucureşti, Editura Muzicală, 1987
  • Chotil-Fani Alain, site internet « Souvenirs des Carpates », http://souvenirsdescarpates.blogspot.fr


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He was among the most famous conductors. A conductor whose race is dying and whose total command and profound musicality knew how to blend into the feelings of the author he was performing, without ever taking over his role. (Henri Barraud, composer and director of the ORTF, in 1964)

After a promising start as a cellist in the Marteau Quartet, the Romanian George Georgescu (Sulina, 1887 - Bucharest, 1964) must abandon his instrument due to a hand wound. With the support of Richard Strauss, he then becomes one of Arthur Nikisch’s students. In 1918, Georgescu begins his career as a conductor in directing the prestigious Philharmonic of Berlin.

Under his aegis, the Philharmonic Orchestra of Bucharest becomes an elite formation, appreciated by numerous foreign conductors and composers. Georgescu also becomes renown as a lyric conductor while directing the Opera for several seasons in the Romanian capital. His tours make him well known on the international scene. In the United States, he stands in for Arturo Toscanini at the end of the 1926 opera season. Georgescu is henceforth recognized as an outstanding performer, notably for the orchestral pages of Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms and Richard Strauss, with whom he retains privileged ties. His vast repertory also gives a choice place to contemporary Romanian music.

During the second world war, the propaganda services make use of his talent. In 1944, Romania changes sides and commits itself to the Allied cause. This reversal of alliances forces Georgescu to step aside. Such a decision incites the indignation of the greatest Romanian composer, George Enescu.

Georgescu’s name is cleared in 1953 (1). He returns to the Bucharest Philharmonic where he will keep the director’s title, until his death, 11 years later. In 1955, the Orchestra takes on the name of « George Enescu Philharmonic » .

This last period is marked by new successful tours (USA, 1960) and by several recordings, among which the remarkable complete Beethoven Symphony Cyle (2). At his death, Georgescu is considered to be one of the last depositaries of an illustrious tradition of orchestral conducting, combining « a surprising sensibility to detail with a great intelligence (...) whenever he performed an entire work." (Msistlav Rostropovich).

Alain Chotil-Fani - English translation by Marian Leclerc-Schroeder

Alain Chotil-Fani is the author of the book : « Antonín Dvořák , un musicien par-delà les frontières  » (Editions Buchet-Chastel) in collaboration with Éric Baude.

(1) One must undoubtedly see in this decision a consequence of Stalin’s death several months earlier. Constantin Silvestri, up until this time holder of the Philharmonic, is named Director of the Romanian Opera and the Radio Orchestra. Some sources speak of an injustice of which Georgescu would have been the perpetrator. It seems certain, however, that the great Romanian conductor was not involved in any political action. His international prestige was such that keeping him in the background became difficult. Moreover, Georgescu later rendered the most beautiful homage to Silvestri by directing with panache his symphonic Toccata during the Enescu Festival in 1958.

(2) Available at Tobu Recordings

Sources :

Georgescu Tutu, « George Georgescu », ediţia  a II-a revizuită şi adăugită, Bucureşti, Editura Muzicală, 2001 Cosma Viorel (under the conduction of), « Dirijorul George Georgescu / Mărturii în contemporaneitate », Bucureşti, Editura Muzicală, 1987

Alain Chotil-Fani’s Internet website « Souvenirs des Carpates », http://souvenirsdescarpates.blogspot.fr

samedi 22 mars 2014

Au sujet de quelques rhapsodies roumaines... ou presque



Lorsque l'on évoque le genre musical de la rhapsodie, il est fort probable que le nom de Franz Liszt vienne d'abord à l'esprit. Ses célèbres Rhapsodies hongroises sont justement populaires, dans leur version pour piano ou pour orchestre symphonique. Et après Liszt, de nombreux maîtres, plus ou moins talentueux, ont suivi son exemple. La Roumanie aux folklores si riches ne pouvait pas rester à l'écart du genre rhapsodique : Liszt lui-même, puis Ciprian Porumbescu, compositeur romantique prématurément disparu, écrivent chacun une Rhapsodie roumaine. Et si l'on connaît certes les deux illustrations de cette forme par le jeune Georges Enesco, nous pouvons remarquer qu'elles devaient susciter à leur tour de magnifiques témoignages trop souvent délaissés des salles de concert. Voici donc un petit tour d'horizon de Rhapsodies roumaines - ou presque.

Enesco


La rhapsodie roumaine la plus enjouée, la plus typique, la plus exubérante, n'est-elle pas à chercher du côté d'Enesco ? De cette première page, tant jouée et enregistrée, il faut sans doute regretter la fausse image qu'elle donne du compositeur roumain, certes pas un auteur facile. Mais il serait dommage de ne pas reconnaître la splendide réussite qu'elle représente.

La virtuosité de l'orchestre symphonique, son orchestration éblouissante, les chansons typiques, l’irrésistible enchaînement des danses populaires, le sifflement des danseurs, tout cela fait de cette courte pièce un joyau symphonique comme le début du XXe siècle en connaît peu. Le compositeur prend  un grand plaisir à magnifier la hora, danse en forme de ronde, et cite le fameux air de l'alouette,
Ciocârlie. Cette musique populaire roumaine, souvent reprise par les musiciens tziganes, est célèbre dans tous les Balkans et a inspiré Goran Bregovic pour la musique du film Undergroud, d'Emir Kusturica.

Ceux qui s'attendent avec la deuxième rhapsodie d'Enesco à un nouveau sommet virtuose sont quelque peu décontenancés. Cette page surprend par sa sérénité. Sa philosophie fait la part belle à la nostalgie, au
dor roumain. Elle évoque le meilleur de l'Enesco en devenir, les doina des suites pour orchestre et de l'opéra Oedipe.

C'est une œuvre qu'il faut écouter toujours et encore. Elle se révèle bien plus profonde que la première, pour peu que l'on renonce aux éclats convenus. Bien jouée - ce qui est rare, même au disque - elle possède pourtant une force de conviction peu commune. Elle mérite d'être considérée comme un renouvellement d'un genre épuisé par le Romantisme.


Pour écouter, l'on recherchera les interprètes roumains (Enesco lui-même, Georgescu, Silvestri) qui ont formidablement servi cette musique. Tout cela se trouve chez Tahra, Lys (supprimé, il faut fouiner dans les bacs de soldes) ou Electrecord EDC 540, et Supraphon SU 3514-2 001 pour Silvestri/Philharmonie Tchèque, qui reste un excellent choix.

Avant Enesco : Porumbescu et... Liszt


Amateur éclairé, le jeune Ciprian Porumbescu a laissé une poignée d'œuvrettes pas toujours très inspirées. Sa Rhapsodie roumaine (1882) brille pourtant d'un feu particulier dans le catalogue de l'auteur roumain. Proche de celles de Liszt, elle bénéficie indéniablement de la luxuriante orchestration de Constantin Bobescu (1899-1992), qui a parfaitement su exploiter l'aspect naïvement festif de cette pièce sympathique. Ainsi mise en valeur, cette œuvre d'une dizaine de minutes - exactement la même durée que les deux rhapsodies d'Enesco - a une place de choix parmi les réussites du genre. On ne peut qu'encourager les organisateurs de concerts symphoniques un tant soit peu désireux de sortir des sentiers battus à remettre à l'honneur cette composition attachante, à défaut d'être très raffinée.

Pour écouter : l'interprétation de l'orchestre de la RTV, direction Paul Popescu, est reportée sur deux CD Electrecord, EDC 162 (consacré à Porumbescu) et ELCD 105, panorama de musique symphonique roumaine

Liszt ! Le maître de la rhapsodie. Les 19 Rhapsodies hongroises forment le modèle du genre. Des introductions lentes, des développements virtuoses, des fins en apothéose, en un mot cela claque l'oreille comme un irrésistible déferlement de luxuriance -  si l'on veut bien oublier la 5ème, une marche funèbre. Une musique si vive et colorée qu'elle inspira le fameux cartoon où Bugs Bunny se chamaille avec une souris sur un piano (on trouve la même histoire avec Tom & Jerry) tout en massacrant la seconde rhapsodie. Pour bien des enfants, un premier contact mémorable avec la musique hongroise !

Mais sait-on que l'infatigable Liszt a aussi écrit une rhapsodie roumaine ? Cette pièce,
composée vers 1849 suite à un voyage à travers la Valachie et la Moldavie, est un hommage à Barbu Lautar et, vraisemblablement, à tous les musiciens itinérants des provinces roumaines. Découverte en 1930 au musée Liszt de Weimar par le diplomate et musicologue roumain Octavian Beu, cette oeuvre ne portait pas encore de titre. L'appellation Rhapsodie roumaine est donc tardive et apocryphe, quoique la forme rhapsodique de l'oeuvre ne fasse pas de doute.

Moins célèbre que ses sœurs hongroises, la Rhapsodie roumaine de Liszt reste une rareté qu'il faut dénicher dans quelques CD isolés ou au fin fond des intégrales. Il suffit de l'écouter pour comprendre pourquoi. A vrai dire, le résultat ne se démarque pas vraiment des rhapsodies hongroises. On y entend même du matériel récupéré de celles-ci, notamment de la troisième. En dépit de son expressivité, une pièce mineure, et sans véritable intérêt, ce qui peut expliquer sa rareté au répertoire des grands interprètes.

Pour écouter : CD de Natalia Gutman "Rumanian Rhapsody", Claves 50-9906. Un grand merci à M. Lucian Nicolae pour ses précieuses informations.

Caudella


Le Moldave Eduard Caudella ne restera-t-il à jamais "que" le professeur de violon qui eut la fortune d'être le premier maître d'Enesco ? Espérons qu'un jour ses compositions sortent de l'oubli car le peu que j'en connais, quoique dénué de génie, me paraît relever du plus honorable métier. Ses Souvenirs des Carpates (Amintiri din Carpati), pour orchestre symphonique, sonnent comme un écho du pays aux rhapsodies du jeune Enesco, exilé dans le lointain Paris. Cette œuvre robuste montre que Caudella était plus qu'un estimable violoniste de province. On appréciera la délicate doina médiane et les éblouissantes danses finales, qui nous feront regretter définitivement que l'écriture de Caudella soit restée dans l'ensemble un peu trop... sage.

Pour écouter : Orchestre de la Philharmonie "Moldava" de Iasi, dir. George Vintila, Electrecord ELCD 104.

Golestan


Roumain installé à Paris, auteurs de plusieurs rhapsodies, il s'agit bien entendu de... Stan Golestan (1875 - 1956). Si cette musique a connu un certain succès à l'époque, elle est très rarement entendue de nos jours.

Sa première rhapsodie roumaine (1912) lance appels héroïques cuivrés sur motto perpetuo des cordes. Le second thème plus introverti lorgne du côté russe. Développement en séquences ; transition et chant nostalgique du hautbois (doina) avec trémolos. Réexposition avec péroraison finale  du "thème russe" en majeur. L'œuvre, plus convenue que celles d'Enesco, pâtit d'une forme sonate trop prévisible. A noter que dans l'enregistrement historique (avec coupures) de Piero Coppola, une voix d'homme sans paroles accompagne la doina médiane.

Le langage de "Romaneasca" (1920), pour violon solo et accompagnement de piano ou d'orchestre, accuse le même classicisme. Golestan tente de concilier ici faux folklore et héritage savant. La danse menée par le violon aux deux extrémités de la pièce est le passage le plus séduisant.

Pour écouter : sa première rhapsodie se trouve sur un CD intitulé "Piero Coppola dirige la musique française (!!) du XXème siècle". Comme ce disque est édité chez Lys et que Lys a sombré, il ne reste qu'à chiner dans les boutiques d'occasions... Benoït D. (voir remerciements) m'a heureusement fait connaître la version plus récente de Radu Zvoristeanu qui m'a fait reconsidérer la valeur de la partition, ainsi que l'enregistrement historique de  "Romaneasca",  par la grande Lola Bobesco et le pianiste A.-M. Ginisty-Brisson pour La Voix de son Maître (1939).

Elenescu


Non, ce n'est pas une faute de frappe : il s'agit bien ici du chef et compositeur Elenescu (1911-2003), Emanuel de son petit nom.

Sa rhapsodie (1937) au langage très classique introduit solennellement une cantilène des vents, en forme de colinde (chant de Noël). Le violon solo anime le discours et éclaire l'oeuvre de ses artifices, jusqu'à la coda très extérieure. L'on pourra prendre un certain plaisir à écouter cette page dans l'interprétation du virtuose Ion Voicu, défenseur privilégié de ce répertoire et fort bienvenu ici. Rien de bien extraordinaire cependant dans cette oeuvre avec violon obligé, néoromantique et inoffensive. L'on ne saurait, par exemple, comparer cette rhapsodie à une oeuvre contemporaine comme l'extraordinaire Caprice Roumain d'Enesco, hommage si sincère - et intelligent - au lautar.

A l'interprétation du jeune Florin Ionescu-Galati, disponible dans un album consacré à Emanuel Elenescu (UCMR ADA 1508531), on préférera celle de Ion Voicu (EDC 434-435). L'orchestre est dans tous les cas placé sous la direction du compositeur.


Constantinescu


Bien que n'ayant pas lui-même étudié sur le terrain les musiques populaires, Paul Constantinescu (1909-1963) a développé une grande science du folklore, grâce à sa connaissance des nombreux recueils de collectes. Il a composé semble-t-il quatre rhapsodies, de 1936 à 1956 (Rapsodie olteneasca).

Sa Seconde rhapsodie (1949), écrite dans une esprit romantique, commence par une introduction oppressante. Un motif obsédant de la flûte ouvre la voie à une effervescence graduelle. Constantinescu se plaît visiblement à écrire, à son habitude, une suite de danses aux rythmes fortement marqués. La coda très animée parachève cette pièce réussie.

Ion Baciu enregistre la Seconde Rhapsodie avec les musiciens de la Philharmonie "Moldova" de Iasi sous sa direction (1973, CD Electrecord ELCD 103).

Un très précieux témoignage exhumé des archives de la Radio Roumaine et édité en 2012 par Pascal Bentoiu nous offre des versions magistrales dirigées par George Georgescu (CD EDC ECR 306) : Jora, Rogalski, Constantinescu, Silvestri et Enesco par l'un de leurs meilleurs interprètes. La "Rhapsodie chorégraphique" de Constantinescu présentée dans ce CD est intitulée "Înfrăţire", ce qui se traduit par "Union". Ce titre pourrait faire craindre une musique officielle et sans âme, mais nous découvrons ici une partition inventive et pleine de surprises, un joyeux kaléidoscope de réminiscences de grands maîtres parmi lesquelles Constantinescu fait même entendre une fugue et des rythmes de verbunkos. Sept minutes de très belle musique.

EDC ECR 306

Les autres courtes pièces symphoniques de Constantinescu de ce CD (Danses roumaines, Suite du ballet Nuntă în Carpaţi) méritent le même égard. Leur énergie, leur originalité et leur inspiration populaire font songer au métier d'un Manuel de Falla dans ses Suites orchestrales.


Negrea


Moins connu que Paul Constantinescu, Marţian Negrea (1893-1973) a aussi largement puisé dans l'inspiration populaire. Ses deux Rhapsodies roumaines lui donnent l'occasion d'opposer différentes approches du genre.

La première, op. 14 (1935), parcourue par un thème archaïque et menaçant à la Borodine, s'épanouit en une vaste fresque bucolique, sorte d'hommage à la terre natale. Un intermède central, confié aux bois, offre une heureuse accalmie.

Cinq années plus tard, la seconde (op. 18) allie dès son prélude le ton pastoral (usage de la pédale) à la gamme orientale : effet garanti. Scènes festives, harmonies éthérées et climat onirique se succèdent, rendant cette pièce plus originale et attachante que la rhapsodie précédente. Des épisodes lautaresques (*) préparent une étrange transition où l'orchestre juxtapose les différents thèmes déjà entendus. La fin apaisée, si rare dans le genre rhapsodique, achève en douceur une œuvre inattendue et joliment écrite.

(*) de lautar, violoniste populaire roumain.

L'on trouvera sur le CD Electrecord ELCD 103 déjà cité la première rhapsodie de Negrea sous la baguette d'Elenescu, avec l'orchestre de la RTV roumaine. Un enregistrement de 1973, tout comme celui de la seconde rhapsodie, cette fois-ci interprétée par l'orchestre du studio de la RTV roumaine dirigé par Carol Litvin.


Basarab


Une lente émergence des pupitres graves laisse entendre une cantilène à l'unisson. Sa chute brutale ouvre une ère d'incertitude, incarnée par la clarinette basse alors qu'une houle grondante traverse l'orchestre. Soudaine éclaircie quand la rhapsodie semble emprunter quelques procédés à l'España de Chabrier. Une marche fantasque, des murmures de la forêt carpatique, l'intervention de lautars (un peu à la manière du prélude à l'unisson de la 1ère suite d'Enesco) donnent un tour décalé et spirituel à cette page orchestrale. Une doina à la flûte, le retour des lautars – en solo, en un tempo accéléré et enfin à l'unisson des cordes – achèvent dans la bonne humeur cette rhapsodie atypique (1954), due à Mircea Basarab (1921-1995).

Mircea Ba
sarab en personne dirige la Philharmonie George Enescu de Bucarest pour enregistrer sa rhapsodie (Electrecord ELCD 103, 1970).

Seiber


Une Rapsodie transylvaine écrite par un Hongrois ? Telle est l'œuvre proposée en 1941 par Mátyás Seiber, élève de Kodaly et passionné de jazz. Le style hongrois est immédiatement perceptible ici : l'on est bien plus chez Bartók que du côté d'Enesco. Une illustration musicale d'une querelle territoriale historique entre les deux voisins.... On apprécie le soin apporté à l'instrumentation de cette page réussie quoiqu'un peu sévère.

WDR Sinfonieorchester Köln, dir. Hubert Soudan (Westdeutschen Rundfunks).

Stoia


Comme tant d'autres Roumains, Achim Stoia étudia l'art de la composition à Paris - la fameuse Schola Cantorum, avec Le Flem,  Koechlin et Dukas - et la musique populaire dans son pays natal. Sa première et unique rhapsodie est sous-titrée "moldoveneasca". Page riante et coulant sans heurts, parsemée d'imitations d'instruments populaires et quelques allusions au premier Enesco. Rien de subversif dans cette page de 1963, néo-romantique en diable, joviale et extravertie, mais finalement un peu vaine.  

Orchestre Philharmonique "Mihail Jora" de Bacau, Ion Dracea (radio roumaine).

Ligeti


Faut-il ajouter György Ligeti à cette page consacré aux compositeurs de rhapsodies roumaines ? Après une réflexion approfondie de plusieurs minutes, j'ai répondu : oui, et j'ai aussitôt ajouté : sans aucun doute.

Ceci pour une raison toute simple : les amateurs de ce style particulier de musique, faisant entrer la musique populaire dans une forme savante sans toutefois la dénaturer, doivent connaître le Concert Românesc. Ce Concerto roumain pour orchestre symphonique (1951) n'appartient pas encore à la période "révolutionnaire" de Ligeti et ne doit donc pas rebuter ceux qui se méfient la musique contemporaine. Au contraire, Ligeti, qui a étudié après-guerre à l'Institut du folklore de Bucarest, compose ici une passionnante suite musicale où il mêle les thèmes folkloriques originaux aux inventions de son cru, en parsement le tout d'une bonne dose d'humour. Le résultat (sur une quinzaine de minutes) est une véritable réussite, évoquant aussi bien Bartók qu'Enesco.

Pour écouter : si son
Concert Românesc n'a rien d'inaccessible au mélomane courant, le reste du CD "Ligeti Project II" (chez Teldec) propose des œuvres certainement moins faciles d'accès. Raison de plus pour ce précipiter sur ce disque essentiel qui permettra de découvrir des sommets comme Lontano ou Atmosphères (le fa # dont parle la notice de ce CD se trouve à 3'40", piste 9).

Chiriac


Exactement à la même époque (1951) que Ligeti et son Concert Românesc, Mircea Chiriac compose sa première rhapsodie. Les quatre idées mélodiques qu'elle contient proviennent de Valachie. L'originalité de cette rhapsodie est d'avoir été écrite pour instruments populaires. L'orchestration symphonique, plus tardive, fait encore appel à un cymbalum, en plus de l'orchestre au grand complet – y compris un piano et une harpe.

Cette page surprend par son refus de verser dans une joie débridée. Ses rythmes sont parfois heurtés, les mélodies presque sérieuses. L'on apprécie néanmoins le rare dialogue entre le cymbalum et le cor anglais. Sans doute guidé par le souci de ne pas dénaturer outre-mesure l'esprit populaire, Chiriac refuse la surenchère propre au genre et se contente de terminer sa pièce par la juxtaposition des différents thèmes musicaux.


Il faudrait écouter cette pièce dans sa version originale pour mieux en saisir l'esprit.

La version symphonique est disponible chez Electrecord EDC 579/580, Orchestra simfonia a Filarmonicii din Craiova, dir. Teodor Costin. L'album de deux CD est consacré à Mircea Chiriac.


Weinberg


Rhapsodie sur des thèmes moldaves : ainsi s'intitule l'opus 47 de Mieczysław Weinberg. Le titre est très vraisemblablement un camouflage pour berner les zélés fonctionnaires soviétiques de l'après-guerre. La Moldavie est le pays des parents de Weinberg, qu'ils ont dû fuir à cause des pogroms. Le compositeur a voulu rendre hommage à ses origines en puisant aux mélodies juives, tout en faisant croire à une inspiration moldave. Étant donnée l'année de la composition - 1949 - comment ne pas voir ici un hommage aux victimes de la barbarie antisémite, quel que soit l'oppresseur ? Ce jeu risqué lui réussit, à défaut de convaincre complètement : les critiques (si l'on peut ainsi qualifier les abêtissantes réactions des doctrinaires) s'adressèrent à la forme de la rhapsodie et non à son inspiration.

On aimerait vanter les mérites d'un tel pied de nez à la bêtise totalitaire. Mais je dois avouer que cette Rhapsodie n'arrive pas à lever toutes les réserves. Classiquement bâtie en mouvements lent et rapide, elle retient l'attention par son orchestration soignée, ses allusions à Chostakovitch (finale de la Leningrad), ses cordes tourbillonnantes, les sifflements de l'orchestre. Mais l'on attend avec impatience une surenchère, une sublimation qui jamais ne viendra, et l'oeuvre s'achève en un tumulte bien convenu. Relative déception d'autant plus cruelle que Weinberg est un compositeur de talent, encore trop méconnu.


Vainberg, Wainberg, Vaynberg, et d'autres orthographes encore désignent cet artiste. Sa Rhapsodie est disponible sur le CD "Symphonies vol. 2" (Chandos 10337), avec la 2e Symphonie et la Sinfonietta n° 2. Orchestre National de la Radio Polonaise de Katowice, dir. Gabriel Chmura.

Cziffra


Que vient faire György Cziffra, le célèbre pianiste, dans cette énumération ? Celui qu'on a soupçonné d'être la réincarnation de Liszt n'a quand même pas lui aussi composé une rhapsodie roumaine ? Non, bien entendu. Quoique... cet improvisateur hors du commun ait laissé (et enregistré) une Fantaisie Roumaine sur des airs tziganes (en hongrois : Román cigánfantazia) qui rappelle, à plus d'un titre, l'œuvre des grands rhapsodistes. Improvisant librement sur des réminiscences de Liszt, du premier Enesco, de danses populaires avec imitation du tzambal (cembalum), le grand Cziffra - qui se rappelle ici de ses origines tziganes - nous offre une carte postale virtuose et colorée.

Pour écouter : cette Fantaisie roumaine (Rumanian Gypsy Fantasia, ou encore Román cigánfantazia) est disponible chez Hungaroton Classics ou dans le coffret des Introuvables d'EMI consacré au pianiste hongrois.

Quatuor à cordes


Le Quatuor Transylvain (Cvartetul Transilvan), composé de membres de l'orchestre symphonique de Cluj, a enregistré sous le nom de Suite Românesti (Suite Roumaine) une gracieuse guirlande d'air populaires. Pas de « recréation » sous forme savante pour cet arrangement de Nicuşor Silaghi, violon solo de l'ensemble, mais les mélodies originales dans leur simple harmonie. Une expérience réussie. Chacun des quatre mouvements de la suite (42 minutes au total) rend hommage au folklore d'une région : la Transylvanie et le Maramureş, la Moldavie, le Banat, et pour terminer la Munténie et l'Olténie. L'œuvre se termine naturellement par le chant de l'alouette (Ciocârlie), en apothéose de ce festival mélodique.

Romanian Feelings, The Transylvan String Quartet/ Suite Românesti, Cvartetul Transilvan. Aucune référence disponible sur le CD ou la jaquette (!). Voir www.onlinegallery.ro/cv_cvart_transilvan.html.

Klezmer


La tradition Klezmer, solidement implantée dans la culture d'Europe Centrale, sait illustrer de façon parfois surprenante certains standards populaire et savants. Tel est le cas pour cette rhapsodie n°1 d'Enesco, revisitée par les musiciens du Shirim Klezmer Orchestra dans l'album "A Klezmer Nutracker". Clarinette, trombone, dumbek, piano, accordéon, banjo, drums, tuba s'unissent pour un délire frénétique. L'enthousiasme des musiciens transporte l'auditeur. L'on ne sait plus quoi applaudir dans cette merveille klezmer, la virtuosité, la verve, la complicité des interprètes, les transitions inattendues entre le folklore roumain et la tradition hassidique… Attention ! puristes s'abstenir (CD Newport Classic, LC 8554, 1998 - site de l'ensemble : www.shirim.com).

On ne peut passer sous silence la miraculeuse chanson
Roumania, Roumania, écrite par le comédien, ténor et fantaisiste Aaron Lebedeff (Lebedov, Lebedev…) et reprise par de nombreux ensembles de musique klezmer. La brève citation de la 1ère rhapsodie d'Enesco (à 2'38 dans l'interprétation du Klezmer Conservatory Band) nous autorise à mentionner cette chanson ici. L'on recherchera aussi un CD survolté du Sîrba Octet, avec une version instrumentale de Roumania, Roumania - parmi d'autres pièces tout aussi admirablement interprétées.

Ce site consacré à Aaron Lebedeff (aaronlebedeff.free.fr/index.htm) permet d'écouter quelques-unes de ses chansons. L'on notera parmi elles Gib Mir Besarabye !, c'est-à-dire Rendez-moi la Bessarabie !, sorte d'équivalent moldave à Roumania, Roumania, avec une nouvelle allusion à la 1ère Rhapsodie d'Enesco.

Harmonica


La première rhapsodie d'Enesco trouve une n-ième incarnation par la grâce de Claude Garden, virtuose de l'harmonica. Si la performance de l'artiste est époustouflante, le résultat sonore laisse un peu sceptique. L'interprétation repose sur l'expression de la seule ligne mélodique, et en l'absence d'un accompagnement quelque peu consistant (on est bien loin de la générosité du Shirim Klezmer Orchestra) tout cela souffre à conserver son intérêt. Reste la dextérité de Claude Garden, incontestable.

Il y a quelques années, les spectateurs d'un concert chinois purent entendre cette même rhapsodie dans un arrangement de M. (ou Mme ?) Chew Hee-Chiat, pour orchestre symphonique et le King's Harmonica Quintet. Cet ensemble d'harmonicistes amateurs, "World Champions 1997" d'après leur site, a enregistré ce concert pour la télévision chinoise (voir home.netvigator.com/~cblau/khq). Nous attendrons une improbable retransmission sous nos latitudes pour nous prononcer sur cette expérience intrigante.


Syrinx


L'histoire a lieu alors que nul humain n'a encore été créé. Les satyres et les dieux des forêts poursuivent la jolie naïade Syrinx, sans jamais réussir à l'atteindre. Mais un jour, le rusé Pan parvient à mener sa proie dans les eaux du fleuve Ladon. Sur le point d'être rejointe, Syrinx adresse une prière éperdue à ses sœurs : la voilà transformée en une gerbe de roseaux. Pan s'en empare et, dépité de ne pas sentir le corps tant convoité, exhale de profonds soupirs. Miracle ! Le son alors renvoyé par les roseaux charme le dieu. Il décide de joindre avec de la cire différents roseaux de tailles différentes pour produire des notes de toutes les hauteurs. La flûte de Pan, ou syrinx, est née.

Telle est l'histoire que Mercure commence à raconter à Argus aux cent yeux afin de l'endormir - et de le décapiter dans son sommeil, selon Ovide (Métamorphoses, I, 663-745).

La syrinx est restée l'instrument emblématique des cultures balkaniques. Tous les Français connaissent la musique de Vladimir Cosma pour Le grand blond avec une chaussure noire, avec la fameuse syrinx de Zamfir, célèbre virtuose de l'instrument. On écoutera avec le plus grand intérêt sa Grande rhapsodie roumaine pour flûte de Pan et orchestre, ou Rhapsodie du Printemps, qu'il a enregistré en 1983 avec l'orchestre de Monte-Carlo dirigé par le chef d'origine roumaine Lawrence Foster (PHILIPS 412 221-2 - merci à Lucian Nicolae pour son aimable contribution).

Mais Zamfir n'était pas le choix premier de Cosma. La partition du Grand Blond était destinée au virtuose Simion Stanciu, "roi de la flûte de pan" plus connu sous le nom même de son instrument : Syrinx. Sa propre Rhapsodie Moldave (Suita Rapsodie Moldoveneasca) avec accompagnement orchestral en trois volets vif - lent - vif est disponible chez Cascavelle (VEL 3109), encore une fois avec les Philharmonistes de Monte-Carlo et la baguette de Claude Schnitzler. L'œuvre convainc par la guirlande de danses finales, dans lesquelles virtuose et orchestre échangent traits vifs et syncopés. Néanmoins, Nostalgie Roumaine (la Doïna), du même auteur, doit davantage retenir l'attention par les sonorités envoûtantes et heurtées que Syrinx parvient à soutirer au naï. Le violon de l'Enesco des Impressions d'Enfance n'est pas si loin. Dernière page écrite par le virtuose et proposée par ce même CD : Danse roumaine (Suite folklorique), en réalité un mini cycle de danses pas toujours très caractérisées et dans lequel l'orchestre doit se faire discret pour ne pas noyer le soliste. Nous trouvons aussi sur la galette les inamovibles Balada de Porumbescu et la Hora Staccato de G. Dinicu, mieux adaptées au violon pour lesquelles elles ont été composées.

Tenue impeccable du soliste dans Syrinx de Debussy. Hélas, l'arrangement des autres œuvres orchestrales (Danses Hongroises de Brahms, Danses Populaires Roumaines de Bartok et ouverture de Rousslan et Ludmilla de Glinka) ne gagne rien à se voir adjoindre la flûte de Pan, qui se borne à doubler la ligne mélodique principale. Belle notice de Jean-Charles Hoffelé.

Folklore



En marge de la musique savante, il est fréquent que des musiciens folkloriques présentent leur propre vision arrangée de la musique populaire roumaine. Ces "improvisations" ne sont pas du folklore authentique, loin s'en faut, et s'adressent au grand public. Les mélomanes intransigeants sur le respect des partitions originales passeront leur chemin. Les autres prendront certainement quelque intérêt à l'écoute de ces pots-pourris endiablés, autant de rhapsodies miniatures inspirées des grands maîtres et mettant en valeur les sonorités si particulières des instruments du terroir. Il est toutefois acquis que ces visions folklorisantes sonnent bien mieux en compagnie de quelques verres de tzuica ! (eau-de-vie de prune).

On pourra ainsi écouter la suite instrumentale (Suita instrumentala) où l'orchestre populaire de Paraschiv Oprea fait la part belle aux instruments typiques comme le taragot (hybride entre hautbois et clarinette), la cobza (luth oriental), le cimpoi (cornemuse), le caval (grande flûte), l'indispensable tzimbal (cymbalum) et bien entendu le naï (flûte de pan). Le naï que l'on retrouve entre les mains de Radu Simion qui termine son album d'arrangements classiques par une Suite Transylvaine (Suita Transilvana) aux rythmes effrénés.


Les enregistrements de Paraschiv Oprea se retrouvent dans de multiples compilations. J'ai trouvé sa suite instrumentale sur un CD sobrement intitulé Greetings from Romania (Intercont Music). Radu Simon est édité chez Electrecord, sur un CD d'arrangements classiques (Classical Panpipe), dont l'intérêt n'est pas toujours évident.



Autres pays : Italie




Ah ! Casella. L'ami d'Enesco a voulu se mesurer à son cher confrère en commettant Italia, « hénaurme » rhapsodie transalpine. Précisons tout de suite que ce genre de pièce montée symphonique me ravit au plus haut point. Bien entendu je n'en fais pas mon pain quotidien - les voisins ne supporteraient pas et, de toute façon, l'indigestion guette. Après les épisodes classiques - la plaintive flûte du berger qui chante sa solitude, l'aube naissante sur le lac de Côme et autres cartes postales dignes d'un numéro spécial de Point de Vue et Images du Monde consacré à l'Italie - un funiculi funicula quelque peu dissonant introduit la dernière partie. Dès lors une frénésie croissante s'empare de l'orchestre, à l'image de la tarantelle de Rossini arrangée par Respighi dans la Boutique Fantasque (pour mémoire, cette tarentelle accompagnait Louis de Funès dans la fameuse scène du garage du Corniaud, de Gérard Oury).

Casella ne fait pas dans la dentelle pour conclure sa rhapsodie : une fugue héroïque enchaîne sur une déferlante d'effets sonores, véritable surenchère dans l'épique monumental - ce qui doit bien fournir son petit effet sur le public, ou ce qu'il en reste. À réserver pour les grandes occasions... ou secouer les dépressifs, surtout s'ils sont Italiens.


La seule fois où j'ai trouvé la rhapsodie Italia, c'est chez une marque aujourd'hui disparue et de réputation exécrable chez le mélomane courant, à savoir Pilz. Et pourtant, Silvio Frontalini tire le maximum de l'Orchestre National de Moldavie et je n'ai jamais regretté mon achat. Maintenant, à savoir si Italia est disponible par ailleurs, mystère.



Bulgarie




Singulières relations entre deux pays frontaliers et en apparence si semblables. En vérité, les Roumains ne savent presque rien de leurs voisin du sud. Et ce n'est guère mieux côté bulgare... Étrange situation d'ignorance réciproque entre ces deux pays admis simultanément dans la communauté européenne !

Pancho Vladigerov est, comme son prénom ne l'indique pas, un éminent compositeur bulgare du XXème siècle. Il a conservé des relations suivies avec les milieux musicaux roumains, orchestrant à l'occasion des airs populaires telle la Hora Staccato de G. Dinicu. On pourrait imaginer que sa rhapsodie Vardar, de 1928, serait l'exact pendant pour son pays des rhapsodies d'Enesco. Cela n'est pas entièrement le cas. Après une brève introduction à la Hary Janos, le premier thème est exposé aux cordes. Cette mélodie, écrite sur la mesure typiquement bulgare de 5/8, est reprise jusqu'à l'apothéose. Sa majesté évoque la 2ème rhapsodie d'Enesco. Mais à la différence de ce dernier, Vladigerov privilégie le monothématisme, préférant jouer sur les timbres et les tempos. La partie centrale, très animée, fait entendre une suite de danses (horo), en contraste agréable avec l'introduction. Cet épisode énergique s'épanouit en apothéose sur une conclusion solennelle, dérivée de la première partie.

On peut s'étonner que le compositeur bulgare ait mis tant d'énergie et de passion pour, tout sa vie, revenir sur cette pièce plutôt anodine et à l'écriture conventionnelle. Nous pouvons supposer que le travail ethnomusical dont elle est issue justifie un tel intérêt, car rien ici ne nous semble dépasser en mérite les deux rhapsodies roumaines d'Enesco.

Version pour violon et piano : Svetlin Roussev et Elena Rozanova (Ambroisie AMB9953). Version pour piano à quatre mains par Genova & Dimitrov (CPO 999 733-2). Version orchestrale : ?

Remerciements et liste d'attente...


Je remercie tout particulièrement les mélomanes qui m'ont fait découvrir une bonne partie des musiques citées ci-dessus, en réaction à la première version de cet article. Depuis, diverses lectures m'ont appris l'existence d'autres rhapsodies roumaines... ou presque. Un grand merci à Benoît, créateur de l'indispensable Quartier des Archives,  pour son aide désintéressée.


Voici la liste ; ce que je possède déjà est en caractères gras, et fait l'objet de commentaires dans le corps de l'article. Pour établir cette liste, je me suis fondé notamment sur l'encyclopédie Muzicieni din România, de Viorel Cosma (Editura Muzicala, Bucarest, vol. I - VIII). Naturellement pour compléter ma collection, j'accepte toutes les offres :-)


  • Jean Absil (1893-1974), Rhapsodie roumaine op. 56 (1943) pour violon et orchestre
  • Anatol Albin (1903-1974), Rapsodie populara româneasca pe teme originale (1952) pour grand orchestre
  • Anatol Albin (1903-1974), Rapsodie pe teme populare ruse (1952) pour grand orchestre
  • Ion Andrian (1887-1945), Rapsodia braileana (1929, rév. 1937) pour orchestre
  • Mihail Ion Andricu (1894-1974), Rapsodie pentru orchestra, op. 65 (1952)
  • Petru Armean (1920-), Mica Rapsodie (1986) pour piano
  • Mircea Basarab (1921-), Rapsodie (1954) pour orchestre symphonique
  • Constantin Bobescu (1899-1992), Rapsodia romana n° 1 în do major (1948) pour orchestre symphonique
  • Constantin Bobescu (1899-1992), Rapsodia romana n° 2 în sol major (1950) pour orchestre symphonique
  • Nicolae Boboc (1920-), Rapsodia banateana (1977) pour orchestre symphonique
  • Ion Borgovan (1889-1970), Rapsodia Somesului [de la rivière Somes] (1952) pour orchestre symphonique
  • Liviu Borlan (1936-), Rapsodia someseana [de la région Somes] (1975) pour orchestre symphonique
  • Liviu Borlan (1936-), Rapsodie (1984) pour fanfare
  • Nicolae Brânzeu (1907-1983), Rapsodia I-a pentru orchestra (1958)
  • Nicolae Brânzeu (1907-1983), Rapsodia II-a pentru orchestra (1960)
  • Nicolae Buicliu (1906-1974), Rapsodie Româna (1953) pour fanfare
  • Teodor Burada (1839-1923), Rapsodia Româneasca n° 1 pour violon et piano
  • Teodor Burada (1839-1923), Rapsodia Româneasca n° 2 pour violon avec accompagnement de piano
  • Teodor Burada (1839-1923), Rapsodia Româneasca n° 3 pour violon avec accompagnement de piano
  • Teodor Burada (1839-1923), Rapsodie pe cântece populare ale Românilor (1905) pour piano (orchestration par Eduard Caudella)
  • Constantin Castrisanu (1888-1923), Rhapsodie Roumaine (1918) pour orchestre symphonique
  • Eduard Caudella (1841-1924), Amintiri din Carpati pour orchestre
  • Nicolae Chilf (1905-1985), Rapsodia pentru pian si orchestra (1960)
  • Mircea Chiriac, Rapsodia I-a, op. 5 (1951), version originale pour instruments populaires
  • Mircea Chiriac, Rapsodia I-a, op. 5 (1951), version orchestrale
  • Mircea Chiriac, Rapsodia II-a, op.6 (1955) pour orchestre symphonique
  • Tudor Ciortea (1903-1982), Sonata pentru vioara si pian in stil rapsodic românesc (1946), pour violon et piano
  • Paul Constantinescu (1909-1963), Rapsodie n° I pentru orchestra (1936)
  • Paul Constantinescu (1909-1963), Rapsodie n° II pentru orchestra (1949)
  • Paul Constantinescu (1909-1963), Rhapsodie Olteneasca (1956) pour orchestre symphonique
  • Paul Constantinescu (1909-1963)Înfrăţire - Rapsodie coregrafica (?) pour orchestre symphonique
  • Ion Crisan (1913-), Rapsodie banateana (1954) pour orchestre symphonique
  • Ion Crisan (1913-), Rapsodie a II-a (1960) pour orchestre symphonique
  • Dimitrie Cuclin (1885-1978), Rapsodie prahoveana (1944) pour orchestre symphonique
  • György Cziffra (1921-1994), Román cigánfantazia pour piano
  • Alexandru Octavian Dana (1934-), Rapsodie româneasca (1983) pour orchestre symphonique
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  • Georges Enesco (1881-1955), Rhapsodie roumaine n° 1 (1901), pour orchestre
  • idem, arrangement du Shirim Klezmer Orchestra
  • idem, arrangement de Claude Garden (accordéon)
  • idem, arrangement de Chew Hee-Chiat (accordéons et orchestre symphonique)
  • Georges Enesco (1881-1955), Rhapsodie roumaine n° 2 (1901), pour orchestre
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  • Mircea Popa (1915-1975), Rapsodia banateana (1953) pour orchestre symphonique
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  • Ciprian Porumbescu (1853-1883), Rapsodia româna pour orchestre (orch. C. Bobescu)
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  • Ioan Scarlatescu (1872-1922), Rapsodia româna nr. 1 pour piano
  • Ioan Scarlatescu (1872-1922), Rapsodia româna nr. 2 pour piano
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  • Antoniu Albin Sequens (1865-1938), Rapsodia româna (1893) pour piano
  • Petru Severin (1907-1970), Moment rapsodic pentru orchestra simfonica (1957)
  • Nicuşor Silaghi, Suite Românesti pour quatuor à cordes
  • Constantin Silvestri (1913-1969), Rapsodia pentru pian op. 28 (1953)
  • Achim Stoia (1910-1973), Rapsodia I "Moldoveneasca" (1963) pour orchestre symphonique
  • Syrinx (Simion Stanciu), Rhapsodie Moldave (Suita Rapsodie Moldoveneasca) pour flûte de Pan et orchestre symphonique
  • Syrinx (Simion Stanciu), Nostalgie Roumaine (la Doïna) pour flûte de Pan et orchestre symphonique
  • Syrinx (Simion Stanciu), Danse roumaine (Suite folklorique) pour flûte de Pan et orchestre symphonique
  • Ferenc Szabo, Moldavian Rhapsody (?)
  • Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), Rhapsody on Moldavian Themes for orchestra op. 47/1 (1949)
  • Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), Moldavian Rhapsody for violin and orchestra op. 47/3 (1949)
  • Zamfir, Grande rhapsodie roumaine pour flûte de Pan et orchestre ou Rhapsodie du Printemps
  • Cristache Zorzor (1928-), Petite Rhapsodie roumaine (1999 ?) pour orchestre symphonique