Madeleine Voicu a longtemps partagé la vie du violoniste Ion Voicu, disparu en 1997. Elle s’attache aujourd’hui à défendre sa mémoire, notamment par la fondation qu’elle dirige (www.ionvoicu.org/foundation.htm). Elle a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponses pour le site Souvenirs des Carpates.
Avant toute chose, dites-nous quelques mots sur cette fondation.
La Fondation Internationale Ion Voicu est créée en 1995, avec Yehudi Menuhin comme président d’honneur. Elle est bien « internationale » de par la provenance universelle de ses membres : Zubin Mehta, Salvatore Accardo, Christophe Eschenbach, Marta Argerich, Andrei Serban, Liviu Ciulei en font partie, parmi bien d’autres encore.
Né en 1923, Ion Voicu est très tôt attiré par la musique et manifeste des dispositions évidentes pour cet art, tant et si bien qu’il impressionne même des professionnels…
Il n’avait en effet que 6 ans quand il réclama au Père Noël un petit violon. Et, une fois l’instrument entre ses mains, il passa toute la journée à jouer les mélodies qu’il connaissait.
Sa mère engagea alors un professeur du Conservatoire, qui lui apprit le solfège et la pratique du violon. A quatorze ans, l’élève dépassa le maître. Ion fut présenté à l’Académie Royale de Musique à Bucarest, où il fut accepté directement en cinquième année. Deux ans plus tard, il termina ses études.
Une fois diplômé, il débute une carrière de musicien d’orchestre. Il est alors remarqué par Theodor Rogalski, directeur de l’orchestre de la Radio, et le célèbre Wilhelm Mengelberg.
Il fut engagé dans l’orchestre symphonique de la Radio. Dès la première répétition, il savait jouer parfaitement sa partition. Aussi s’ennuyait-il ferme pendant les autres répétitions. Le célèbre chef d’orchestre Wilhelm Mengelberg le remarqua et le mit à la porte !
Le directeur de l’orchestre Theodor Rogalski invita Mengelberg, pendant une pause, à écouter un violoniste très doué. Mengelberg fut surpris de reconnaître celui qu’il venait de renvoyer.
Par amabilité envers Rogalski, il accepta de l’écouter quelques minutes. L’audition se prolongea plus d’une demi-heure. Mengelberg dit alors à Rogalski : « Ce jeune homme n’est pas fait pour jouer assis dans l’orchestre, mais debout comme soliste sur la scène. »
Une semaine plus tard, maître Rogalski programma le jeune violoniste. Ion Voicu débuta avec le Concerto de Wienawski. Ce fut le commencement. Rapidement, il donna des concerts à l’Athénée et des récitals.
Après guerre, il remporte un concours de violon organisé par George Enesco et Yehudi Menuhin. Son amitié avec les deux musiciens remonte-t-elle à cet événement ?
Après avoir remporté le concours, il choisit de se rendre en Suisse pour étudier le jeu d’autres artistes et suivre des cours de maîtrise.
Avec Enesco, ce fut une relation de maître à disciple. La grande amitié avec Yehudi devait se développer avec le temps, devenant très profonde et loyale.
En 1950, il est le soliste de la Philharmonie de Bucarest. Il décide cependant d’aller perfectionner son art à Moscou quatre années plus tard. Cela peut paraître surprenant… était-il insatisfait de son jeu ? Les deux années passées en Russie, auprès des maîtres Abram Yampolsky et David Oïstrakh, ont-il renouvelé sa façon de jouer ?
A la fois soliste de la Philharmonie de Bucarest et confronté au remarquable essor de sa carrière, Ion Voicu réalisait des tournées dans toute l’Europe. Il voulut cependant assurer que sa façon d’aborder les oeuvres était dans l’esprit des compositeurs. Il se rendit alors en Russie pour recevoir l’enseignement d’Abram Ilici Yampolsky.
Yampalsky, âgé de 92 ans, était le dernier disciple en vie de Auer, fondateur de la fantastique école russe de violon.
La deuxième année, Yampolsky mourut. Alors Ion Voicu alla chez David Oïstrakh qui le reçut en confrère. Ensemble, ils étudiaient chez Dodik (diminutif de David en Russe, ndlr) des journées entières, mangeant, se reposant et étudiant de nouveau. Parfois, la soirée était consacrée au cinéma, en compagnie de leurs épouses Tamara Ivanovna et Madeleine.
Tous quatre devinrent de grands amis – ils le restèrent pour toujours.
En 1956, le ministre de la culture roumain rendit visite à son homologue soviétique, qui lui parla du « génial violoniste Ion Voicu », déplorant que l’État laisse un tel talent jouer sur un violon médiocre.
Après son retour en Roumanie, avec la recommandation de la ministre de la culture et le soutien d’un membre très important du gouvernement qui fut présent à ce grand concert de Belgrade, Ion Voicu alla à Londres chez Hill, en France chez Vidoudez et en Suisse chez Henri Werro où il trouva enfin le violon de ses rêves, le Strad 1702 surnommé alors Lukens-Elder. De nos jours, l’instrument porte le nom d’Elder-Voicu.
A partir de la fin de la décennie 1950 il fait ses débuts « à l’ouest », en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Un défi redoutable au vu des grands noms du violon de cette époque, disputés par de prestigieuses firmes discographiques. Et cependant, Ion Voicu parvient à s’imposer.
Il a fait ses débuts « à l’ouest » après 1955 et aux États-Unis au début de 1960. En Grande-Bretagne, il enregistra pour Decca-House avec le London Symphony Orchestra. Aujourd’hui on trouve des reports en CD des disques vinyles de cette époque. Il est alors considéré comme l'un des cinq plus grands violonistes de cette période. Rappelons que Yehudi Menuhin, David Oistrakh, Henryk Szering et Isaac Stern étaient alors en activité. Il se lia d’une grande amitié avec tous les quatre, les retrouvant à l’occasion de concerts prestigieux, de festivals ou siégeant dans les mêmes jurys de concours internationaux
En 1969, il fonde l’Orchestre de Chambre de Bucarest, et quelques années plus tard il est nommé chef de la Philharmonie George Enesco. Comment Ion Voicu vivait-il cette expérience de chef d’orchestre ? A-t-elle modifié son rapport à la musique ?
Il fonde l’orchestre de chambre « Bucarest » sur le conseil de Yehudi. Il fait des tournées avec l’orchestre comme soliste et chef d’orchestre. Beaucoup de grands solistes, à un moment donné de leur carrière, souhaitent ainsi parfaire leur art en s’investissant dans la direction d’orchestre.
En 1972 il est nommé, après avoir reçu de nombreuses sollicitations, directeur général de la Philharmonie George Enesco. Il accepta en posant ses conditions pour la Philharmonie – toutes auront été respectées pendant la dizaine d’années de sa direction.
Il a agrandi l’orchestre, l’a perfectionné, et a organisé beaucoup de tournées avec la Philharmonie. De grands artistes venaient se produire comme solistes à Bucarest, par amitié pour Ion Voicu.
Citons ainsi Elisabeth Schwarzkopf et surtout Sergiu Celibidache qui, voyant la perfection de l’orchestre philharmonique, est revenu trois fois dans une même année.
Ion Voicu se prononçait-il sur l’art de ses confères virtuoses ? Parmi les solistes qu’il a pu écouter, lesquels appréciait-il particulièrement ?
Il appréciait beaucoup ses confrères virtuoses et aussi les pianistes Richter, Gilels, Weissenberg et, parmi la jeune génération, Daniel Baremboïm, Itzhak Perlman ou Christophe Eschenbach…
Il a joué le Double Concerto de Bach avec Yehudi, Oistrakh, Szeryng. Il donna des sonates avec Hepzibah Menuhin, Christophe Eschenbach ou Monique Haas.
Ce qui frappe à l’écoute de Ion Voicu, c’est à la fois sa maîtrise technique et l’immense amour qui transparaît pour la musique qu’il jouait. Son vaste répertoire comportait tous les grands concertos ainsi que des œuvres moins connues de compositeurs roumains. Sauriez-vous dire quelles musiques le touchaient le plus ?
Il avait un répertoire important, composés de classiques et de modernes. Ainsi il joua des compositeurs comme Uuno Klami ou Mihai Jora, Alexander Balanescu et naturellement Enesco. Plusieurs compositeurs, roumains ou étrangers, lui ont dédié des œuvres.
S'il adorait Mozart, il mettait tout son cœur dans le moindre de ses concerts.
Par ailleurs, Voicu a lui-même composé. Son court morceau pour violon seul intitulé Lendemain de noces (Dimineata dupa nunta) est gorgé d’humour, et en même temps un si bel hommage à l’art des lautars.
Comme Enesco, il se plaignait de n’avoir pas assez de temps pour composer. Hormis le tableau Lendemain de noces, il a écrit une Sonate pour violon solo, une composition In memoriam George Enesco, quelques variations sur une vieille mélodie roumaine, sur Happy Birthday pour ses enfants, des variations sur Hänschen Klein et une œuvre pour orchestre de chambre.
Si vous aviez à proposer aux mélomanes français les enregistrements les plus représentatifs de son jeu, que conseilleriez-vous ?
L’on trouve de très bons enregistrements sur CD : Paganini avec Dresdner Philharmonie et Heinz Bongart, Mendelssohn et Bruch avec le LSO et R. Fruebeck de Burgos, ou encore beaucoup de concerts avec George Georgescu, le Concerto de Brahms avec Iosif Conta, etc.
Parlons un peu de vous. Êtes-vous, vous-même, musicienne ? En quelles circonstances avez-vous connu Ion Voicu ?
Que dire à mon sujet ? Oui, j’ai fait le conservatoire de Bucarest – piano principal – et j’ai joué avec Ion Voicu avant de l’épouser et de partir avec lui partout dans le monde. Je ne pouvais pas étudier autant que ce métier l’exige ; et encore aujourd’hui, je déteste ceux qui veulent être sur scène – mari et femme – alors que leur talent n’est pas égal. C’est pourquoi j’ai vécu dans l’ombre de Ion Voicu, une personnalité admirable aussi bien comme artiste que comme homme.
C’est le grand ami de nos parents le chef d’orchestre George Georgescu, pour moi « Onkel Gogu », qui me présenta le jeune artiste si prometteur en 1948.
Avant de nous quitter, encore quelques mots sur la Fondation. Quelles actions récentes avez-vous menées ?
Les actions récentes de la Fondation perpétuent celles initiées par ses créateurs. Il s’agit surtout d’aider les jeunes talents à se mettre en valeur dans divers concerts, concours ou « master classes ».
L’année dernière, son violon, un Stradivarius ayant appartenu à Joseph Joachim, a été attribué au jeune et très talentueux virtuose Alexandre Tomescu. Parmi les solistes de la nouvelle génération, qui verriez-vous comme héritier de l’art interprétatif de Ion Voicu ?
Le Stradivarius qui porte maintenant le nom Elder-Voicu fut en effet attribué au jeune et talentueux A. Tomescu. Pour la suite de votre question, no comment…
Ion Voicu est étonnamment peu connu en France. Aussi tous les mélomanes espèrent que l’action de la Fondation permettra de réparer cette injustice.
La Fondation possède un documentaire de trois heures réalisé par la TV roumaine sur Ion Voicu. C’est peu mais mieux que rien ! Je le tiens à votre disposition pour une éventuelle transmission à la télévision française.
Il y a encore tant de choses à dire sur Ion Voicu…
Nous n’en doutons pas. Avec un peu de chance, votre proposition retiendra l’attention de quelque producteur mélomane. Dans cette attente, merci de votre participation au site Souvenirs des Carpates.
Propos recueillis par Alain Chotil-Fani, avec un grand merci à Cati Sandru pour son amicale (et efficace !) participation.
Avant toute chose, dites-nous quelques mots sur cette fondation.
La Fondation Internationale Ion Voicu est créée en 1995, avec Yehudi Menuhin comme président d’honneur. Elle est bien « internationale » de par la provenance universelle de ses membres : Zubin Mehta, Salvatore Accardo, Christophe Eschenbach, Marta Argerich, Andrei Serban, Liviu Ciulei en font partie, parmi bien d’autres encore.
Né en 1923, Ion Voicu est très tôt attiré par la musique et manifeste des dispositions évidentes pour cet art, tant et si bien qu’il impressionne même des professionnels…
Il n’avait en effet que 6 ans quand il réclama au Père Noël un petit violon. Et, une fois l’instrument entre ses mains, il passa toute la journée à jouer les mélodies qu’il connaissait.
Sa mère engagea alors un professeur du Conservatoire, qui lui apprit le solfège et la pratique du violon. A quatorze ans, l’élève dépassa le maître. Ion fut présenté à l’Académie Royale de Musique à Bucarest, où il fut accepté directement en cinquième année. Deux ans plus tard, il termina ses études.
Une fois diplômé, il débute une carrière de musicien d’orchestre. Il est alors remarqué par Theodor Rogalski, directeur de l’orchestre de la Radio, et le célèbre Wilhelm Mengelberg.
Il fut engagé dans l’orchestre symphonique de la Radio. Dès la première répétition, il savait jouer parfaitement sa partition. Aussi s’ennuyait-il ferme pendant les autres répétitions. Le célèbre chef d’orchestre Wilhelm Mengelberg le remarqua et le mit à la porte !
Le directeur de l’orchestre Theodor Rogalski invita Mengelberg, pendant une pause, à écouter un violoniste très doué. Mengelberg fut surpris de reconnaître celui qu’il venait de renvoyer.
Par amabilité envers Rogalski, il accepta de l’écouter quelques minutes. L’audition se prolongea plus d’une demi-heure. Mengelberg dit alors à Rogalski : « Ce jeune homme n’est pas fait pour jouer assis dans l’orchestre, mais debout comme soliste sur la scène. »
Une semaine plus tard, maître Rogalski programma le jeune violoniste. Ion Voicu débuta avec le Concerto de Wienawski. Ce fut le commencement. Rapidement, il donna des concerts à l’Athénée et des récitals.
Après guerre, il remporte un concours de violon organisé par George Enesco et Yehudi Menuhin. Son amitié avec les deux musiciens remonte-t-elle à cet événement ?
Après avoir remporté le concours, il choisit de se rendre en Suisse pour étudier le jeu d’autres artistes et suivre des cours de maîtrise.
Avec Enesco, ce fut une relation de maître à disciple. La grande amitié avec Yehudi devait se développer avec le temps, devenant très profonde et loyale.
En 1950, il est le soliste de la Philharmonie de Bucarest. Il décide cependant d’aller perfectionner son art à Moscou quatre années plus tard. Cela peut paraître surprenant… était-il insatisfait de son jeu ? Les deux années passées en Russie, auprès des maîtres Abram Yampolsky et David Oïstrakh, ont-il renouvelé sa façon de jouer ?
A la fois soliste de la Philharmonie de Bucarest et confronté au remarquable essor de sa carrière, Ion Voicu réalisait des tournées dans toute l’Europe. Il voulut cependant assurer que sa façon d’aborder les oeuvres était dans l’esprit des compositeurs. Il se rendit alors en Russie pour recevoir l’enseignement d’Abram Ilici Yampolsky.
Yampalsky, âgé de 92 ans, était le dernier disciple en vie de Auer, fondateur de la fantastique école russe de violon.
La deuxième année, Yampolsky mourut. Alors Ion Voicu alla chez David Oïstrakh qui le reçut en confrère. Ensemble, ils étudiaient chez Dodik (diminutif de David en Russe, ndlr) des journées entières, mangeant, se reposant et étudiant de nouveau. Parfois, la soirée était consacrée au cinéma, en compagnie de leurs épouses Tamara Ivanovna et Madeleine.
Tous quatre devinrent de grands amis – ils le restèrent pour toujours.
En 1956, le ministre de la culture roumain rendit visite à son homologue soviétique, qui lui parla du « génial violoniste Ion Voicu », déplorant que l’État laisse un tel talent jouer sur un violon médiocre.
Après son retour en Roumanie, avec la recommandation de la ministre de la culture et le soutien d’un membre très important du gouvernement qui fut présent à ce grand concert de Belgrade, Ion Voicu alla à Londres chez Hill, en France chez Vidoudez et en Suisse chez Henri Werro où il trouva enfin le violon de ses rêves, le Strad 1702 surnommé alors Lukens-Elder. De nos jours, l’instrument porte le nom d’Elder-Voicu.
A partir de la fin de la décennie 1950 il fait ses débuts « à l’ouest », en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Un défi redoutable au vu des grands noms du violon de cette époque, disputés par de prestigieuses firmes discographiques. Et cependant, Ion Voicu parvient à s’imposer.
Il a fait ses débuts « à l’ouest » après 1955 et aux États-Unis au début de 1960. En Grande-Bretagne, il enregistra pour Decca-House avec le London Symphony Orchestra. Aujourd’hui on trouve des reports en CD des disques vinyles de cette époque. Il est alors considéré comme l'un des cinq plus grands violonistes de cette période. Rappelons que Yehudi Menuhin, David Oistrakh, Henryk Szering et Isaac Stern étaient alors en activité. Il se lia d’une grande amitié avec tous les quatre, les retrouvant à l’occasion de concerts prestigieux, de festivals ou siégeant dans les mêmes jurys de concours internationaux
En 1969, il fonde l’Orchestre de Chambre de Bucarest, et quelques années plus tard il est nommé chef de la Philharmonie George Enesco. Comment Ion Voicu vivait-il cette expérience de chef d’orchestre ? A-t-elle modifié son rapport à la musique ?
Il fonde l’orchestre de chambre « Bucarest » sur le conseil de Yehudi. Il fait des tournées avec l’orchestre comme soliste et chef d’orchestre. Beaucoup de grands solistes, à un moment donné de leur carrière, souhaitent ainsi parfaire leur art en s’investissant dans la direction d’orchestre.
En 1972 il est nommé, après avoir reçu de nombreuses sollicitations, directeur général de la Philharmonie George Enesco. Il accepta en posant ses conditions pour la Philharmonie – toutes auront été respectées pendant la dizaine d’années de sa direction.
Il a agrandi l’orchestre, l’a perfectionné, et a organisé beaucoup de tournées avec la Philharmonie. De grands artistes venaient se produire comme solistes à Bucarest, par amitié pour Ion Voicu.
Citons ainsi Elisabeth Schwarzkopf et surtout Sergiu Celibidache qui, voyant la perfection de l’orchestre philharmonique, est revenu trois fois dans une même année.
Ion Voicu se prononçait-il sur l’art de ses confères virtuoses ? Parmi les solistes qu’il a pu écouter, lesquels appréciait-il particulièrement ?
Il appréciait beaucoup ses confrères virtuoses et aussi les pianistes Richter, Gilels, Weissenberg et, parmi la jeune génération, Daniel Baremboïm, Itzhak Perlman ou Christophe Eschenbach…
Il a joué le Double Concerto de Bach avec Yehudi, Oistrakh, Szeryng. Il donna des sonates avec Hepzibah Menuhin, Christophe Eschenbach ou Monique Haas.
Ce qui frappe à l’écoute de Ion Voicu, c’est à la fois sa maîtrise technique et l’immense amour qui transparaît pour la musique qu’il jouait. Son vaste répertoire comportait tous les grands concertos ainsi que des œuvres moins connues de compositeurs roumains. Sauriez-vous dire quelles musiques le touchaient le plus ?
Il avait un répertoire important, composés de classiques et de modernes. Ainsi il joua des compositeurs comme Uuno Klami ou Mihai Jora, Alexander Balanescu et naturellement Enesco. Plusieurs compositeurs, roumains ou étrangers, lui ont dédié des œuvres.
S'il adorait Mozart, il mettait tout son cœur dans le moindre de ses concerts.
Par ailleurs, Voicu a lui-même composé. Son court morceau pour violon seul intitulé Lendemain de noces (Dimineata dupa nunta) est gorgé d’humour, et en même temps un si bel hommage à l’art des lautars.
Comme Enesco, il se plaignait de n’avoir pas assez de temps pour composer. Hormis le tableau Lendemain de noces, il a écrit une Sonate pour violon solo, une composition In memoriam George Enesco, quelques variations sur une vieille mélodie roumaine, sur Happy Birthday pour ses enfants, des variations sur Hänschen Klein et une œuvre pour orchestre de chambre.
Si vous aviez à proposer aux mélomanes français les enregistrements les plus représentatifs de son jeu, que conseilleriez-vous ?
L’on trouve de très bons enregistrements sur CD : Paganini avec Dresdner Philharmonie et Heinz Bongart, Mendelssohn et Bruch avec le LSO et R. Fruebeck de Burgos, ou encore beaucoup de concerts avec George Georgescu, le Concerto de Brahms avec Iosif Conta, etc.
Parlons un peu de vous. Êtes-vous, vous-même, musicienne ? En quelles circonstances avez-vous connu Ion Voicu ?
Que dire à mon sujet ? Oui, j’ai fait le conservatoire de Bucarest – piano principal – et j’ai joué avec Ion Voicu avant de l’épouser et de partir avec lui partout dans le monde. Je ne pouvais pas étudier autant que ce métier l’exige ; et encore aujourd’hui, je déteste ceux qui veulent être sur scène – mari et femme – alors que leur talent n’est pas égal. C’est pourquoi j’ai vécu dans l’ombre de Ion Voicu, une personnalité admirable aussi bien comme artiste que comme homme.
C’est le grand ami de nos parents le chef d’orchestre George Georgescu, pour moi « Onkel Gogu », qui me présenta le jeune artiste si prometteur en 1948.
Avant de nous quitter, encore quelques mots sur la Fondation. Quelles actions récentes avez-vous menées ?
Les actions récentes de la Fondation perpétuent celles initiées par ses créateurs. Il s’agit surtout d’aider les jeunes talents à se mettre en valeur dans divers concerts, concours ou « master classes ».
L’année dernière, son violon, un Stradivarius ayant appartenu à Joseph Joachim, a été attribué au jeune et très talentueux virtuose Alexandre Tomescu. Parmi les solistes de la nouvelle génération, qui verriez-vous comme héritier de l’art interprétatif de Ion Voicu ?
Le Stradivarius qui porte maintenant le nom Elder-Voicu fut en effet attribué au jeune et talentueux A. Tomescu. Pour la suite de votre question, no comment…
Ion Voicu est étonnamment peu connu en France. Aussi tous les mélomanes espèrent que l’action de la Fondation permettra de réparer cette injustice.
La Fondation possède un documentaire de trois heures réalisé par la TV roumaine sur Ion Voicu. C’est peu mais mieux que rien ! Je le tiens à votre disposition pour une éventuelle transmission à la télévision française.
Il y a encore tant de choses à dire sur Ion Voicu…
Nous n’en doutons pas. Avec un peu de chance, votre proposition retiendra l’attention de quelque producteur mélomane. Dans cette attente, merci de votre participation au site Souvenirs des Carpates.
Propos recueillis par Alain Chotil-Fani, avec un grand merci à Cati Sandru pour son amicale (et efficace !) participation.
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