dimanche 14 septembre 2008

Faust Nicolescu (1880, Ocnele-Mari - 1950?, Bucarest)

Compositeur, théoricien de la musique et professeur. Au Conservatoire de Bucarest de 1897 à 1904, il étudie la théorie musicale, le chant choral et la musique liturgique avec Gheorghe Brătianu et D. G. Kiriac. Eduard Wachmann est son professeur d'harmonie. F. Nicolescu se rend à Lille pour se perfectionner au sein d'une filiale du Conservatoire de Paris.
De retour au pays en 1906, il reçoit la médaille Jubilaire Carol I. Cette même année il enseigne la musique vocale au lycée de Râmnicul-Sărat, puis la musique instrumentale au Lycée Militaire de Craiova. En 1909 il se fixe définitivement dans la capitale, où plusieurs responsabilités au sein du Conservatoire lui sont successivement confiées : secrétaire, professeur suppléant puis titulaire de chant choral et de théorie musicale (1926-1946), sous-directeur (1929-1940) puis directeur délégué (1940) de l'institution.
F. Nicolescu a fixé les normes de l'enseignement supérieur musical en Roumanie. Il a écrit une Grande valse de concert pour piano et une mélodie O tot aştept pour voix et piano.
Son nom est parfois orthographié Niculescu.

Sources

  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. VII, Editura muzicală, Bucureşti, 2004 - ISBN 973-42-0366-5

Pascal Bentoiu (1927, Bucarest)

Compositeur et musicologue. Il suit de 1943 à 1948 l'enseignement de Mihail Jora pour l'harmonie, le contrepoint, l'orchestration et la composition, de Faust Nicolescu pour la théorie, de Vasile Filip pour le violon et de Theophil Demetriescu pour le piano. En parallèle de ses études musicales il suit des cours de droit à la Faculté de Bucarest (1945-1947). A partir de 1953, Pascal Bentoiu est chercheur à l'Institut du Folklore de Bucarest, où il reste 3 années. Il est l'auteur de nombreux études, essais, chroniques musicales, articles, commentaires, critiques pour la presse roumaine. Sa notoriété de conférencier lui permet d'intervenir à la radio et à la télévision, et d'être l'invité de plusieurs jurys. Il recueille des chants et musiques folkloriques et réalise leur retranscription. Estimé dans son propre pays (prix d'État, 1964 ; plusieurs prix de l'Union des Compositeurs ; etc.), P. Bentoiu jouit aussi d'une reconnaissance à l'étranger (prix international de la RAI, 1968 ; prix Guido Valcarenghi de Rome, 1970 ; etc.)

Pascal Bentoiu est un éminent spécialiste de Georges Enesco à qui il consacre son livre Capodopere enesciene (les chefs d'œuvres d'Enesco, Editura Muzicală,1984), condensé en un Breviar enescian plus récent (Bréviaire énescien, editura Universitatii Nationale de Muzică, 2005). D'autres écrits ont été édités à Bucarest : Imagine şi sens (Images et sens, Editura Muzicală, 1973), Deschideri spre lumea muzicii (Ed. Eminescu, 1973), Privire asupra muzicii (Regards sur les musiques), Gândirea muzicală (La pensée musicale, Editura Muzicală, 1975), Eseu asupra fenomenului muzical (Essai sur le phénomène musical, 1979).

Il commence à composer avant même la fin de ses études, en écrivant dès 1947 une Sonate pour piano qu'il révise dix années plus tard. Il revient au genre de la Sonate en 1962 (piano et violon, op. 14) mais illustre notamment le Quatuor à cordes avec son cycle de six pièces (1953-1982) dont les quatre dernières partagent un même numéro d'opus (27a à 27d). De ses huit Symphonies (1965-1987), les trois dernières explorent les liens étroits entre la musique et les autres arts. La sixième, intitulée Culori (Couleurs), est consacrée à l'art pictural. Chaque mouvement porte un titre : Negru (Noir), Roşu (Rouge), Verde (Vert), Galben (Jaune), Albastru (Bleu) et Alb (Blanc). La septième symphonie, Volume, est liée à l'architecture et la dernière, Imagini (Images), à la poésie. Ses cinq mouvements sont Vergilius (Virgile), Dante, Shakespeare, Goethe et Eminescu. P. Bentoiu écrit aussi deux Concertos pour piano (1954, 1960), un pour violon (1958), une Ouverture de concert (1948, révisée en 1959), une Suite (1955) et plusieurs oeuvres symphoniques inspirées par Eminescu (poème symphonique Luceafărul, 1957 ; Eminesciana III, 1976).
Sa musique de scène est riche, inspirée par de nombreux écrivains classiques au premier rang desquels figure William Shakespeare (la mégère apprivoisée, 1956 ; Hamlet, 1958 ; les deux gentilshommes de Vérone, 1960 ; conte d'hiver, 1964 ; Roméo et Juliette, 1964 ; le songe d'une nuit d'été, 1969). Parmi la vingtaine d'œuvres qu'il consacre à ce genre l'on note aussi le mariage de Figaro d'après Beaumarchais, en 1955 ; Cyrano de Bergerac (E. Rostand), 1957 ; le soldat Chvéïk (Hašek), 1958 ; Caligula, d'après Albert Camus, en 1968, etc., ainsi que quatre musiques pour théâtre de marionnettes (dont, en 1967, le magicien d'Oz de Iordan Chimet d'après la pièce de L. Frank-Baum).
A deux occasions, P. Bentoiu exploite le sujet de ses musiques de scène pour ses opéras. Ainsi, pour Jertfirea Iphigeniei (le sacrifice d'Iphigénie, 1968), premier opéra radiophonique composé en Roumanie, le compositeur utilise la partition intitulée Iphigenia în Aulis, de trois années antérieure. L'année suivante, Hamlet, opéra en deux actes, reprend la musique de scène du même nom (1958). L'Opéra de Marseille propose, sous la direction musicale de Reynald Giovaninetti, la première production scénique de cette œuvre lyrique (26 avril 1974). Un premier opéra d'après Molière, Amorul doctor, a été composé en 1964.
Huit cycles de mélodies et un chant pour soprano avec accompagnement d'orchestre (Cântec nou, 1962) illustrent le reste de son catalogue dédié à la voix humaine. Mais Pascal Bentoiu est aujourd'hui connu pour son travail d'orchestration et de restitution. Il réalise l'instrumentation de Şase cântece şi-o rumbă (Six chansons et une rumba, op. 12) de son professeur Mihail Jora, restaure les Symphonies n° 4 et 5 de Georges Enesco, ainsi que la cantate Isis de ce même compositeur.

Musique de scène

  • Nunta lui Figaro de Beaumarchais (1955)
  • Fântâna Blanduziei de Vasile Alecsandri (1955)
  • Femeia îndărătnică de William Shakespeare (1956)
  • Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand (1957)
  • Hamlet de William Shakespeare (1958)
  • Soldatul Şvejk de Jaroslav Hašek (1958)
  • Burghezul gentilom de Molière (1960)
  • Cei doi tineri din Verona de William Shakespeare (1960)
  • Oceanul de Aleksandr Stein (1961)
  • Poveste din Irkutsk de Vasili Arbuzov (1962)
  • A fugit un tren de Ştefan Iureş et Ira Vrabie (1963), pour théâtre de marionnettes
  • Orestia d'Eschyle (1964)
  • Poveste de iarnă de William Shakespeare (1964)
  • Drumul piperului-Magellan de Costel Popovici (1964), pour théâtre de marionnettes
  • Amorul doctor op. 15, opéra comique en un acte, livret de Pascal Bentoiu d'après Molière
  • Amnarul de Ştefan Lenkisch (1965), pour théâtre de marionnettes d'après C. Andersen
  • Iphigenia în Aulis d'Euripide (1966)
  • Viforul de Barbu Ştefănescu-Delavrancea
  • Vrăjitorul din Oz de Iordab Chimet (1967), pour théâtre de marionnettes d'après L. Frank-Baum
  • Romeo şi Julieta de William Shakespeare (1967)
  • Caligula d'Albert Camus (1968)
  • Jertfirea Iphigeniei op. 17 (1968), opéra radiophonique, livret d'Alexandru Pop et Pasca Bentoiu d'après Euripide
  • Hamlet op. 18 (1969), opéra en deux actes, livret de Pascal Bentoiu d'après William Shakespeare
  • Visul unei nopţi de vară de William Shakespeare (1969)

Musique symphonique

  • Uvertură de concert op. 2 (Ouverture de concert, 1948, rév. 1959)
  • Concert nr. 1 pentru pian şi orchestră op. 5 (Concerto n° 1 pour piano et orchestre, 1954)
  • Suită ardelenească op. 6 (Suite de Transylvanie, 1955)
  • Luceafărul op. 7 (Lucifer, 1957), poème symphonique inspiré par Mihai Eminescu
  • Concert pentru vioară şi orchestră op. 9 (Concerto pour violon et orchestre, 1958)
  • Imagini bucureştene op. 10 (Images bucarestoises, 1959)
  • Concert nr. 2 pentru pian şi orchestră, op. 12 (Concerto n° 2 pour piano et orchestre, 1960)
  • Simfonia nr. 1 op. 16 (Symphonie n° 1, 1965)
  • Simfonia nr. 2 op. 20 (Symphonie n° 2, 1974)
  • Simfonia nr. 3 op. 22 (Symphonie n° 3, 1976)
  • Eminesciana III op. 23 (1976)
  • Simfonia nr. 4 op. 25 (Symphonie n° 4, 1978)
  • Simfonia nr. 5 op. 26 (Symphonie n° 5, 1979)
  • Simfonia nr. 6 "Culori" op. 28 (Symphonie n° 6 "Couleurs", 1985)
  • Simfonia nr. 7 "Volume" op. 29 (Symphonie n° 7 "Volumes", 1986)
  • Simfonia nr. 8 "Imagini" op. 30 (Symphonie n° 8 "Images", 1987)
Article sur les Symphonies

Musique de chambre

  • Sonată pentru pian op. 1 (Sonate pour piano, 1947, rév. 1957)
  • Cvartet de coarde nr. 1 op. 3 (Quatuor à cordes n° 1, 1953)
  • Sonată pentru pian şi vioară op. 14 (Sonate pour piano et violon, 1962)
  • Cvartet de coarde nr. 2 al "Consonenţelor" op. 19 (Quatuor à cordes n° 2 "des consonnances", 1973)
  • Cvartet de coarde nr. 3 op. 27a (Quatuor à cordes n° 3, 1980)
  • Cvartet de coarde nr. 4 op. 27b (Quatuor à cordes n° 4, 1981)
  • Cvartet de coarde nr. 5 op. 27c (Quatuor à cordes n° 5, 1982)
  • Cvartet de coarde nr. 6 op. 27d (Quatuor à cordes n° 6, 1986)

Musique vocale

  • 4 cântece pe versuri de St. O. Iosif op. 4 pentru bas şi pian (basse et piano, 1953)
  • Eminesciana II - Trei Sonete op. 8 pentru soprană şi pian (soprano et piano, 1958)
  • 4 cântece pe versuri de Mihai Beniuc op. 13 pentru mezzo-soprană şi pian (mezzo-soprano et piano, 1961)
  • Gelozie pentru bas şi pian (basse et piano, 1962)
  • Cântec nou pentru soprană si orchestră (soprano et orchestre, 1962)
  • Flăcări negre op. 21 pentru tenor şi pian (ténor et piano, 1974)
  • Incandescenţe op. 24 (1977)

Sources

  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 1, Editura muzicală, Bucureşti, 1989 - ISBN 973-42-0015-1
  • Creaţii Simfonice Româneşti, CD 8, UCMR-ADA 2A18469, notice de Loredana Baltazar

mardi 9 septembre 2008

Ringul (Filip Lazăr)

Établi de longue date à Paris, Filip Lazăr était l'un des plus proches amis de George Georgescu. Le chef vouait une sincère admiration à l'écriture symphonique de son compatriote et assura la création de six de ses œuvres. C'est le cas pour Ringul, muzică pentru orchestră nr. 2 (Le ring, musique pour orchestre n° 2), donnée en première audition à Paris.
Si le titre évoque les quatre journées de la tétralogie wagnérienne, il ne s'agit que de pure coïncidence (ou d'une inoffensive malice !). Cette œuvre de trois minutes (la durée d'une reprise) est inspirée par "les impressions ressenties au cours d'un match de boxe". Sa progression très motorique, au rythme fortement marqué, évoque Honegger (Pacific 231), mais aussi Stravinsky (le Sacre) ou Prokofiev (Suite Scythe). Elle se démarque toutefois de ses modèles par un traitement personnel qui milite en faveur d'une redécouverte de ce compositeur.

Cliquer ici pour écouter Ringul de Filip Lazăr

Sources
  • Tutu George Georgescu, George Georgescu, Editura muzicală, Bucureşti, 2001 - ISBN 973-42-0282-0
  • Creaţii Simfonice Româneşti, CD 10, UCMR-ADA 03L070150, notice d'Elena Zottoviceanu. Orchestre Philharmonique d'Arad, dir. Dorin Frandeş

De la Matei cetire (I. N. Otescu)

Ion Nonna Otescu faisait partie des proches du chef George Georgescu qui aimaient se réunir des nuits entières chez Constantin Brăiloiu. L'on voyait volontiers en lui un grand espoir de l'école de composition roumaine. Sa disparition prématurée et la taille modeste de son catalogue ne permettent pas d'en juger, d'autant plus que ses œuvres sont semble-t-il indisponibles pour des raisons de droit.
De l'opéra comique original De la Matei cetire qu'il projetait dans les années 1920, il ne reste guère qu'une petite suite orchestrale de dix minutes.

"Tessiture raffinée et pleine de grâce, facture ample, harmonies charmeuses, nous ne savons pas à quoi donner plus d'attention, aux lignes mélodiques ou à la mise en œuvre qui rivalisent en une noble émulation. Les motifs inspirés par la musique populaire ou inventés par le compositeur, les effets sonores portent la marque d'un intellect raffiné", commente un critique roumain du début du XXe siècle. (*)

L'écoute de la Suite est en effet très plaisante. Les harmonies conjuguent le langage expressionniste et le dernier romantisme. Quelques accents archaïques (l'opéra se déroule au temps de Matei Basarab, prince valaque du XVIIe siècle) évoquent déjà l'orchestre de Katchatourian, alors que Otescu donne à entendre des passages rhapsodiques de belle facture (à 4'50, 5'33, etc.), revendiquant une filiation sans ambiguïté avec ses devanciers romantiques nationaux.

Ecouter en ligne en cliquant sur ce lien.

(*) R. N. Cioculescu dans Adevărul Literar.

Sources
  • Tutu George Georgescu, George Georgescu, Editura muzicală, Bucureşti, 2001 - ISBN 973-42-0282-0

  • Creaţii Simfonice Româneşti, CD 10, UCMR-ADA 03L070150, notice d'Elena Zottoviceanu. Orchestre de Chambre de la Radio dir. Ion Drăcea

Eduard Caudella (1841, Iaşi ; 1924, Iaşi)

Quatre années durant, il étudie dans sa ville natale le violon avec Paul Hette et la théorie musicale avec son père Francisc Serafin Caudella. En 1853, il poursuit son instruction à Berlin. Hubert Riess est son maître de violon, Adolf Riess l'initie au piano et Karl Böhmer parfait sa science de la théorie musicale. Le virtuose du violon Henri Vieuxtemps le prend sous son aile en 1857, à Dreieschenheim. Eduard Caudella approfondit la maîtrise de son instrument à Paris (1857-1858), avec Lamber Massart et Delphin Allard, à Berlin où il retrouve Hubert Riess et enfin à Dreieschenheim et à Francfort, de nouveau avec Henri Vieuxtemps.
Il est violoniste à la cour du seigneur Alexandru Ioan Cuza de 1861 à 1864. Il dirige le Théâtre National (1861-1875) et l'Opéra italien (1870-1874) de Iaşi. Parallèlement à cette activité il enseigne le violon au Conservatoire avant d'en prendre la direction en 1893. Son action pédagogique s'exerce aussi à l'Université (esthétique musicale, 1875-1877), au Nouveau Lycée du Seigneur (1894-1895) et à l'Ecole Normale (1898) de cette ville.

Il réalise des tournées en Allemagne, en France et en Russie. Eduard Caudella publie des chroniques musicales et des études dans la presse roumaine locale et nationale, et collecte des mélodies populaires roumaines qu'il fait lui-même éditer.

Ses élèves se nomment Georges Enesco, Jean et Constantin Bobescu, Alexandru Zirra, Enrico Mezzetti, Ion Ghiga, Romeo Drăghici, Nicolae Zadri, Antonin Ciolan, Mircea Bârsan, George Baldovin, G. Marcovici, Teodor Stavri, Giuseppe Bonotti, Leon Brill, Iancu Filip, Sofia Musicescu, Athanasie Teodorini, Gheorghe Filip, Vasile Borteanu, etc.

Eduard Caudella compose vingt-deux ouvrages lyriques dont les opéras Faust (1885), Petru Rareş (1889) et Antigona (1920) d'après Sophocle. Hormis un Concerto pour violon et orchestre en sol mineur dédié à Georges Enesco (1915) et un Concertino (1918) pour le même effectif, sa musique symphonique n'aborde aucune grande forme et est représentée par diverses partitions de modeste ampleur (fantaisies, ouverture Moldova de 1913, etc.), tout comme sa musique de chambre, privilégiant les pièces courtes pour piano (Doina, Sîrba...) ou duo instrumental (Souvenirs des Carpates, fantaisie sur des chants populaires roumains pour violon et piano, 1915). Il écrit cependant un Quatuor avec piano (1914), un Quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle (1912) et un Sexuor Idylle champêtre (O idilă cămpenească) pour piano, flûte, clarinette, cor, basson et contrebasse. Ses recueils de chant choraux (Poporul nostru, 1915) exaltent volontiers le sentiment patriotique alors que ses nombreuses mélodies (Mamă, sur des vers de Carmen Sylva, 1905 ; Chanson d'automne d'après Paul Verlaine, 1915) s'apparentent à la musique de salon.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 1, Editura muzicală, Bucureşti, 1989 - ISBN 973-42-0015-1

lundi 8 septembre 2008

Ioan Căianu (1629 ?, Leghea - 1687, Lăzarea)

Compositeur, organiste, folkloriste, facteur d'instruments, théologien, philosophe, typographe.
Il est parfois nommé Caioni, Căian, Kájoni Joannes, Kajoni-Valahus (ou Valachus).

Il étudie la musique aux monastères de Cluj-Mănăştur, Alba-Iulia et Şumuleul-Ciuc (1637-1648), avec Fenessy Mihály, Tasnádi Bálint (théorie musicale) et Oswaldus (orgue). En 1655 il perfectionne son jeu d'organiste à Târnovo-Slovacia.

Il est professeur de musique et organiste à l'Ecole du Monastère de Şumuleul-Ciuc (1650-1655) et assure diverses responsabilités religieuses. Il fonde un atelier de typographie à Şumuleul-Ciuc. Ioan Căianu restaure et fabrique des orgues en Transylvanie et en Moldavie, dont il recueille par écrit le folklore et le transcrit pour orgue et virginal.
Il participe, en tant qu'interprète, aux manifestations artistiques de la cour de Vasile Lupu, seigneur de Moldavie (1654). Il se produit également à travers le pays et à l'étranger.
Ioan Căianu est l'auteur, dans un but didactique, de vers, pièces et mystères au contenu inspiré par la Bible.

Humaniste, encyclopédiste avant la lettre, Ioan Căianu est le premier à recueillir la musique populaire de Transylvanie et de Moldavie. Sa signature Valahus ou Valachus signifie "le Valaque". Son codex représente un témoignage unique de la vie musicale au XVIIe siècle dans cette partie de l'Europe.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 1, Editura muzicală, Bucureşti, 1989 - ISBN 973-42-0015-1

Constantin Silvestri (1913, Bucarest - 1969, Londres)

Compositeur, chef d'orchestre, pianiste et professeur.
Ses premiers professeurs au Conservatoire de Târgu Mureş se nomment Maximilian Costin pour la théorie musicale, Rudolf Zsizsmann pour l'harmonie, Zeno Vancea pour la composition, l'harmonie et l'histoire de la musique, Piroska-Metz pour le piano. Il y étudie six années à partir de 1922. Il reprend ses études musicales à Bucarest de 1931 à 1936. Faust Nicolescu est son maître en théorie musicale alors que Mihail Jora complète sa formation en harmonie, contrepoint et forme musicale. Ses autres professeurs sont Dimitrie Cuclin, pour la composition ; Constantin Brăiloiu, pour l'histoire de la musique et le folklore ; Mihail Andricu, pour la musique de chambre ; Florica Musicescu, pour le piano. Il suit en dehors du Conservatoire les cours de piano d'Aurelia Margulier et, pendant deux années, étudie à la Faculté de Droit et de Philosophie.
Ses débuts en tant que pianiste (1922) sont suivis en 1928 de ses premières apparitions au pupitre d'un orchestre. Cette dernière activité prend le dessus : en 1946 il abandonne sa carrière de pianiste pour se consacrer à la direction. Il est étroitement associé à l'Opéra Roumain de Bucarest, en tant que chef répétiteur, chef titulaire (1939-1949) et directeur (1953-1957). Il dirige l'orchestre de l'Association de la Jeunesse Chrétienne (ACT) bucarestoise de 1941 à 1946. En 1945 il devient chef de l'Orchestre Philharmonique de Bucarest dont il est nommé directeur deux années plus tard. En 1953, il quitte la Philharmonie au bénéfice de George Georgescu. Constantin Silvestri devient le premier chef de l'Orchestre de la Radio de 1958 à 1960. En 1958, la production d'Oedipe, unique opéra de Georges Enesco, sous sa direction, couronne le premier festival consacré au compositeur. En 1960, il choisit l'exil pour se réfugier en France puis en Angleterre. Il est nommé chef principal de l'Orchestre Symphonique de Bournemouth en1961, poste qu'il occupe jusqu'à sa disparition.
Ses nombreuses tournées l'ont mené sur les cinq continents. Parmi ses élèves l'on trouve Mihai Brediceanu, Mircea Cristescu, Anatol Vieru, Eugen Pricope.

Son activité de compositeur, relativement réduite, lui a valu la reconnaissance de ses pairs : il est quatre fois primé au concours George Enesco (deuxième mention, 1932 ; deuxième prix, 1934 et 1936 ; premier prix, 1937). Sa musique symphonique est représentée par des Danses populaires (1932), Trois pièces pour cordes (1933, révision en 1950), Trois caprices (1934), une suite de ballet Triptic (1936), un Concerto grosso (1941) et un Prélude et Fugue (1955). Il consacre au piano trois Suites, une Sonate, une Sonatine, une Rhapsodie et quelques chants. C. Silvestri illustre à plusieurs reprises le genre de la Sonate en duo en associant au piano un violoncelle (à deux occasions : 1937 et 1941), un hautbois (1939), une clarinette (1942) ou une flûte (1942). Deux Quatuors (pour vents, 1935 ; pour cordes, 1947) complètent sa musique instrumentale. Citons enfin deux cycles de lieder et un chœur mixte.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. VIII, Editura muzicală, Bucureşti, 2005 - ISBN 973-42-0404-1

Mihail Jora (1891, Roman - 1971, Bucarest)

Compositeur, professeur, chef d'orchestre et pianiste. A l'âge de 10 ans il commence l'apprentissage du piano à Iaşi avec Eduard Meissner (1901-1909) puis Hélène André (1909-1912). Inscrit au Conservatoire de la ville de 1909 à 1911, il étudie la théorie et le solfège avec Sofia Teodoreanu, ainsi que l'harmonie avec Alexandru Zirra. Il se perfectionne au Conservatoire de Leipzig avec Robert Teichmüller (piano), Stephan Krell (harmonie, contrepoint, composition), Hoffmann (orchestration), Hans Sitt (direction d'orchestre) et Max Reger pour la composition. En 1919 et 1920 il se rend à Paris et étudie la composition avec Florent Schmitt.

Mihail Jora est honoré du premier prix de composition George Enesco en 1915. En 1920, il est membre fondateur de la Société des Compositeurs Roumains de Bucarest, dont il assure la vice-présidence de 1940 à 1948. Il est nommé à la tête de la Société Roumaine de Radiodiffusion bucarestoise de 1928 à 1933 et se voit octroyer une chaire de composition au Conservatoire de la capitale (1930-1948, 1954-1961), ayant assuré de 1941 à 1947 la direction de l'institution. De 1961 à sa mort il en est professeur consultant.

Il participe activement à la vie musicale en étant le conseiller artistique de la Philharmonie (1931-1945) et de l'Opéra (1931-1944) de Bucarest, en donnant plusieurs récitals à travers le pays, aussi bien en tant que pianiste que chef d'orchestre. Auteur de plusieurs publications sur ses confrères compositeurs (George Enesco, Marţian Negrea...), il est membre d'institutions prestigieuses (Institut Max Reger de Bonn, 1948 ; Académie Roumaine, 1955 ; Gesellschaft der Freunde des Internationale Musik-Brief Archive de Vienne, 1962). Parmi les nombreuses distinctions qu'il reçoit, l'on trouve la Médaille d'Or de l'Exposition Universelle de Paris 1937.

Mihail Jora s'attache à donner ses lettres de noblesse au ballet roumain. Il en compose six dont Curtea veche (1948) et Hanul Dulcinea (1966). Une Symphonie en do majeur (1937), un poème symphonique avec solo de ténor d'après Mihai Eminescu (Poveste indică, 1920), trois Suites orchestrales (1915, 1924, 1932), un Burlesque (1949) et deux Cantates complètent sa contribution à la littérature symphonique. Sa musique de chambre est représentée par quelques duos (violon ou alto, piano) et deux Quatuors à cordes (1926, 1966). Il consacre au piano deux Sonates (1913, 1942), des Variations sur un thème de Schumann (1943) et plusieurs recueils de pièces caractéristiques. La majeure partie de son catalogue est constituée par les lieder et mélodies qu'il écrit tout au long de sa vie, depuis les Fünf lieder für eine Mittelstimme op. 1 de 1914 jusqu'aux Cinci cântece pe versuri de Mariana Dumitrescu op. 54, en 1968. Mihail Jora laisse enfin deux recueils de choeurs mixtes a capella et la restauration de l'opéra comique de Tudor Flondor Noaptea Sf. Gheorghe (La nuit de la Saint-George, révisé et orchestré en 1937).

Les Roumains placent l'influence de Mihail Jora sur leur musique savante au même niveau que celle d'un Enesco. Il a su inventer un folklore imaginaire, sans emprunt aux thèmes populaires, d'une grande personnalité. Ses ballets représentent la quintessence de son œuvre, rendant pleine justice à son talent d'orchestrateur. Son attitude volontiers sarcastique lui a toutefois posé quelques difficultés, justifiant même sa mise à l'écart (fort heureusement provisoire) de la vie artistique.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 4, Editura muzicală, Bucureşti, 2001 - ISBN 973-42-0249-9

Dinu Lipatti (1917, Bucarest - 1950, Genève)

Ses premiers maîtres de piano sont Florica Musicescu et Mihail Jora qui lui enseigne aussi la théorie musicale. Ce dernier devient son professeur au Conservatoire de Bucarest de 1928 à 1932, pour l'harmonie, le contrepoint et la composition. Dinu Lipatti suit dans cette institution les classes de musique de chambre (professeurs Dimitri Dinicu et Mihail Andricu). Diplômé en 1932, il choisit de se perfectionner deux années plus tard à l'Ecole Normale de Musique de Paris. Pendant cinq ans, il est l'élève des pianistes Alfred Cortot et Yvonne Lefébure, des compositeurs Paul Dukas et Nadia Boulanger, et de Charles Münch et de Diran Alexanian pour la direction d'orchestre.

Sa carrière de pianiste virtuose commence en 1922 et ne s'arrête qu'à sa mort. Il réalise dans cet intervalle des tournées dans une quinzaine de pays européens. Il joue avec George Enesco, Herbert von Karajan, Edouard van Beinum, Paul Sacher, George Georgescu, Otto Ackermann, Hans von Benda, Alceo Galliera, Ernest Ansermet, Willem Mengelberg, Ionel Perlea, Dan Simonescu, etc.

Il rejoint la Société des Compositeurs Roumains en 1933. En tant que compositeur il est honoré trois fois du prix George Enesco (Première mention, 1932 ; deuxième prix, 1933 ; premier prix, 1934). La République Française lui décerne en 1937 une médaille d'argent pour son oeuvre. En 1949, il reçoit le Grand Prix de l'Académie Charles Cros.

De 1944 à 1949, il enseigne le piano au Conservatoire de Genève. Auteur de nombreuses communications et conférences sur la musique, Dinu Lipatti est aussi un artiste-photographe d'une grande sensibilité.

Disparu très jeune (33 ans), Dinu Lipatti laisse un catalogue de compositions d'une ampleur insoupçonnée. Sa suite symphonique Şătrarii op. 2 (Les Tziganes, 1934) est l'une de ses partitions orchestrales les moins méconnues. Il est également l'auteur d'un Concertino dans le style classique pour piano et orchestre de chambre op. 4, d'une Suite dans le style classique pour cordes (1936), d'une Symphonie Concertante pour deux pianos et cordes (1938). Les Trois scènes symphoniques (1941), un Concertino dans le style français pour piano et orchestre (1941), un Prélude, Chorale et Fugue dans le mode antique pour archets (1941?), un Choral pour cordes (1944) sont écrits pendant la guerre. Ses Danses roumaines pour piano et orchestre de 1945 sont sa dernière œuvre orchestrale terminée. D. Lipatti n'a pas achevé les partitions d'une Toccata pour orchestre de chambre (1936), d'une Symphonie (1944) et d'une Symphonie de Chambre (1949).

Il écrit des duos (Sonatine pour violon et piano, 1933 ; Allegro pour clarinette et basson, 1936 ; Concert pour orgue et piano, 1939), deux trios pour violon, violoncelle et piano (Fantaisie, 1936 ; Première improvisation, 1939), un quatuor pour flûte, hautbois, clarinette et basson (Aubade, 1949), deux quintettes inachevés (pour cordes, 1935 ? ; pour vents, 1938).

Hormis une Introduction et allegro pour flûte solo (1939), ses partitions pour instrument soliste ne concernent que le piano. Son catalogue comporte une dizaine d'œuvres (danses, nocturnes) dont une Sonate (1932) et une Sonatine pour la main gauche (1941). Il laisse aussi trois recueils de mélodies (Les soirées du parc Jianu pour baryton et piano, 1940, inachevé ; Cinq chants sur des vers de Paul Verlaine, 1914-1945 ; Quatre mélodies, 1945). Il n'a pas mené à terme son unique tentative d'aborder la musique chorale (Motet, 1937?).

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. V, Editura muzicală, Bucureşti, 2002 - ISBN 973-42-0317-7

dimanche 7 septembre 2008

Ionel Perlea (1900, Ograda - 1970, New York)

Ses études musicales commencent à Munich avec le professeur Mittag (piano, théorie et solfège) puis au Conservatoire de cette ville à compter de 1918. Il y reçoit l'enseignement du professeur Katana (piano) et de Beer Walbrunn (harmonie, composition, contrepoint). De 1920 à 1923 il est inscrit au Conservatoire de Leipzig. Paul Graener l'instruit dans le domaine de la forme musicale et le perfectionne en composition, Otto Lohse lui enseigne l'art de la direction d'orchestre et Dag Martinsen approfondit son jeu de piano. Ionel Perlea étrenne sa carrière de chef symphonique le 17 octobre 1919 avec la Philharmonie de Bucarest. Il est nommé chef répétiteur de l'Opéra de Leipzig (1922-1922), de Rostock (1923-1925), chef de l'Opéra de Cluj (1927-1928) puis de l'Opéra de Bucarest (1928-1932, 1936-1944) dont il assume aussi la direction en 1929 et 1930. Pendant la saison 1935-1936 il est titularisé au poste de premier chef de l'Opéra. De 1936 à 1944, il dirige l'orchestre de la Radio de Bucarest et enseigne la direction d'orchestre au Conservatoire (1941-1944). Il est également nommé un temps (1940) chef de l'Orchestre de l'Association de la Jeunesse Chrétienne dans la capitale roumaine.
Après guerre, il est nommé à la tête de l'Académie Sainte Cécile de Rome (1945-1947) puis de l'orchestre symphonique de Bamberg, jusqu'en 1949.
En tant que chef lyrique, on trouve son nom à la Scala de Milan (1946, 1950-1952), à l'Opéra de San Francisco (1950), au Festival de San Antonio au Texas (1951). De 1952 à 1957 Ionel Perlea est le chef du Connecticut Symphony Orchestra.
De multiples tournées le font connaître en Europe, en Amérique du Nord et en Argentine. Il participe à de nombreux festivals. La firme RCA Victor lui confie l'enregistrement intégral des opéras de Puccini, ainsi que des oeuvres de Verdi, Wagner, Donizetti, etc. Pour les labels Vox et Remington il grave un abondant répertoire symphonique.
Une congestion cérébrale laisse paralysée la partie droite de son corps. De 1967 à sa mort il ne dirige plus qu'avec la main gauche. En mai 1969, il réapparaît ainsi dans la capitale roumaine, au pupitre de la Philharmonie George Enesco.

En 1926, il reçoit le premier prix du concours de composition George Enesco. Son catalogue est toutefois de taille restreinte : une Symphonie en do majeur, op. 17 (1951), une Symphonie Concertante pour violon et orchestre op. 14 (1968) et quatre autres opus symphoniques constituent son héritage dédié à l'orchestre. Sa musique de chambre, entièrement écrite avant 1924, n'est représentée que par une pièce pour piano, une Sonate pour violon et piano, un Quatuor à cordes (Un cvartet vesel op.10, "un quatuor joyeux", 1923) et un Quintette avec piano (1919). Il n'aborde la mélodie qu'avec ses Trei lieduri de 1919. Cet éminent spécialiste de l'art lyrique, connaissant par coeur la partition des Maîtres chanteurs ou du Chevalier à la Rose, n'a pas écrit d'opéra.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. VII, Editura muzicală, Bucureşti, 2004 - ISBN 973-42-0366-5


Grigoraş Dinicu (1889, Bucarest - 1949, Bucarest)

Son oncle Gheorghe Dinicu lui enseigne dès l'enfance le violon et la théorie musicale et est l'un de ses professeurs, de 1902 à 1906, au Conservatoire de Bucarest, aux côtés de Rudolf Malcher, Carl Flesch (violon), D. G. Kiriac (théorie et solfège), Dimitrie A. Dinicu (musique de chambre), Alfonso Castaldi (orchestre). De 1907 à 1913 il perfectionne son jeu de violon avec Cecilia Nitzulescu-Lupu et Vasile Filip.
Dès 1906, Grigoraş Dinicu mène en parallèle une carrière de violoniste dans l'Orchestre du Ministère de l'Instruction Publique et de chef d'orchestre de musique populaire, poste qu'il occupe jusqu'en 1946. De 1938 à 1940 il est chef de concert de l'orchestre Pro Musica de Bucarest. Il est également associé aux concerts de la Philharmonie de Bucarest, sous la direction de George Georgescu, Dimitrie Dinicu, Ionel Perlea, Alfred Alessandrescu, Egizzio Massini, Hermann Scherchen, etc., tout en accompagnant au sein d'ensembles plus modestes les chanteurs populaires roumains (Maria Tănase, Ioana Radu, Maria Lătăreţu, Zavaidoc, Ion Luican, etc.) De nombreuses tournées ponctuent sa carrière.

Sa Hora Staccato (1906) pour violon et piano a fait sa renommée dans toute l'Europe et même au-delà. Jasha Heifetz en réalise un arrangement pour violon solo en 1930. D'autres pièces virtuoses représentent son legs artistique : Hora spicatto, Hora de concert, Hora marţisorului, Hora de la Chiţorani, Improvisation à la Dinico, Hora expoziţiei de la Paris, Orientale à la tzigane, Sârba lui Tanţi, Souvenir de Monte-Carlo, Valse coquette, Hora boierească. Toutes sont destinées au violon avec accompagnement de piano.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 2, Editura muzicală, Bucureşti, 1999 - ISBN 973-42-0230-8

Paul Constantinescu (1909, Ploeşti - 1963, Bucarest)

Dès l'âge de 10 ans, Paul Constantinescu étudie le violon dans sa ville natale avec Boris Koffer et Traian Elian, qui lui enseigne aussi l'harmonie, alors que Ioan Christu Danielescu est son professeur de solfège et de théorie. Il s'inscrit de 1929 à 1933 au Conservatoire de Bucarest. Ses professeurs sont Faust Nicolescu (théorie, solfège), Alfonso Castaldi (harmonie), Constantin Brăiloiu (histoire de la musique), George Breazul (encyclopédie et pédagogie des musiciens), Dimitrie Cuclin (esthétique et forme musicales), Mihail Jora (harmonie, contrepoint, composition), Stefan Popescu (direction chorale), Octav Cristescu et Mihail Vulpescu (chant auxilliaire). De 1933 à 1935 il est à Vienne et se perfectionne dans le domaine de la composition musicale avec Franz Schmidt, Oskar Kabasta et Joseph Marx. De retour à Bucarest il poursuit ce perfectionnement une année encore avec Mihail Jora.
Il débute en 1927 une carrière de violoniste et directeur de choeur à Ploeşti avant de prendre six années plus tard la tête de l'Association Philharmonique de cette ville. Paul Constantinescu enseigne la musique à Lugoj (1935-1936), dirige le choeur de l'église Visarion de Bucarest, est professeur d'harmonie, de contrepoint et de composition religieuse à l'Académie de musique religieuse de Bucarest (1937-1941), professeur au Lycée militaire (1941-1944) et au Conservatoire de la capitale (1941-1963).
Il réunit des recueils de chants folkloriques. Son activité lui a valu plusieurs distinctions à l'étranger et dans son pays (dont le premier prix de composition Georges Enesco en 1938).

En dépit du très grand soin qu'il passait à parfaire ses partitions, allant jusqu'à réécrire une même œuvre trois fois dans la même année, P. Constantinescu a laissé un catalogue d'une grande richesse. L'on trouve à son actif deux Opéras et diverses œuvres pour la scène, des Cantates (Patimile şi Învierea Domnului, oratorio byzantin de Pâques, 1948), deux Symphonies, trois Rhapsodies, plusieurs Suites et Danses pour orchestre, des Concertos pour violoncelle (1943), piano (1952), violon (1957), harpe (1960) et un triple concerto pour violon, violoncelle et piano (1964), parmi d'autres pièces concertantes de moindre ampleur. Sa musique de chambre comprend plusieurs duos (pour violon ou violoncelle et piano), un Trio, un Quatuor, un Quintette pour cordes, et quelques œuvres à l'effectif plus rare : un Quintette pour violon et vents (1932) ; des "Caricatures" (Din Cătănie) pour deux cors, deux trompettes, trombone, batterie et piano (1933) ; une Jieneasca pour quatre violoncelles (1952). Sa littérature pianistique propose uniquement des pièces de faible ampleur (Danses, Marches...) mais fortement caractérisées (Toccata, troisième des pièces pour piano, 1951). Il dédie à la voix une dizaine de chœurs (Mioriţa, 1952) et un nombre similaire de recueils de mélodies.


Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 2, Editura muzicală, Bucureşti, 1999 - ISBN 973-42-0230-8

Stan Golestan (1875, Vaslui - 1956, Paris)

Élève de la Schola Cantorum de Paris (1897-1903), il suit les cours de Vincent d'Indy, Albert Roussel et Paul Dukas pour la composition, l'orchestration et la forme musicale. Il devient professeur à l'Ecole Normale de Musique de Paris et Secrétaire général de la Confédération internationale de la critique dramatique et musicale de la capitale française, critique permanent au Figaro, fondateur et directeur de l'Album musical (1905). Membre de la SACEM et de la Société des Compositeurs Roumains de Bucarest, il est l'auteur de nombreux articles, essais, correspondances et chroniques musicales en langues roumaine et française et présente des conférences à travers l'Europe. Il collabore au Larousse illustré.

Son art de compositeur est récompensé par le premier prix George Enesco (1915). Il est nommé officier de la Légion d'Honneur.

Il écrit pour l'orchestre plusieurs Rhapsodies inspirées par son pays natal (Le Dembovitza, 1902 ; Première Rhapsodie, 1912 ; Rhapsodie concertante pour violon et orchestre, 1920), une Symphonie en sol mineur dans le style roumain (1910) ; des Concertos pour violon (1933), violoncelle (Concerto moldave, 1936) et piano (Concerto carpatique, 1940), des danses et ouvertures symphoniques. Il laisse une Sonate en mi bémol majeur pour violon et piano (1908), deux Quatuors à cordes et diverses pièces pour duo instrumental, deux chœurs, une vingtaine de mélodies.

Son nom original est Stan Goleşteanu. Il est aussi connu sous les pseudonymes de Stango ou Steg.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 3, Editura muzicală, Bucureşti, 2000 - ISBN 973-42-0249-9

Sabin Drăgoi (1894, Selişte - 1968, Bucarest)

De 1908 à 1912, il étudie à Arad le violon, le piano, la théorie, le solfège et l'harmonie avec Mátyás Zoltai. Il continue ses études en 1918-1919 à Iaşi, avec Alexandru Zirra (harmonie), puis au Conservatoire de Cluj. Il y reçoit l'enseignement d'Augustin Bena (théorie, solfège), Hermann Klee (contrepoint), Gheorghe Dima (direction de choeurs), Liviu Tempea et Ilie Sibianu (piano). Il choisit de se perfectionner au Conservatoire de Prague (1920-1923) avec Vítězslav Novak (composition, orchestration), Otakar Ostrčil (direction d'orchestre), Karel Krupka (histoire de la musique), Vaclav Stepan (esthétique musicale).
Il enseigne la musique à Deva puis au Conservatoire Municipal de Timişoara dont il prend la direction (1925-1943). Dans cette ville il fonde et dirige le chœur d'hommes Doina şi Barbatul (1924-1932), puis dirige le chœur mixte Crai-Nou (1936-1940). Il est nommé directeur de l'Opéra Roumain de Cluj-Timişoara (1940-1944) en parallèle de ses activités pédagogiques. Après la guerre il enseigne l'harmonie, le contrepoint et la composition au Conservatoire de Cluj-Timişoara et la composition au Conservatoire artistique de Timişoara où il occupe le poste de recteur (1949-1950). En 1950 il est professeur de folklore au Conservatoire de Bucarest. Il prend la tête de l'Institut du Folklore de Bucarest (1950-1964) puis occupe dans cette institution le poste de conseiller scientifique de 1965 à sa mort.

Sabin Drăgoi a réalisé de nombreuses collectes de musiques folkloriques dans son pays (3200 pièces recensées) et s'est intéressé aux folklores étrangers, voyageant à cette occasion en Europe (Russie, Hongrie, France, Italie, etc.), en Asie (Inde, Birmanie, Sri Lanka) et en Amérique du Sud (Argentine). Son oeuvre a été distingué à plusieurs reprise par le Prix Enesco (premier prix en 1928) et de multiples récompenses d'état.

Son catalogue est vaste : cinq opéras (Horia, 1945 ; Păcală, 1956), des cantates et hymnes pour chœur et orchestre, des suites symphoniques inspirées par le folklore, un Concerto pour taragot et orchestre (1953), une Sonate pour violon et piano (1949), deux Quatuors à cordes (1920-1922) et un Dixtuor pour vents, cors et piano (1955). Sa littérature pianistique explore les danses populaires (In memoriam Béla Bartók, 1955). Nombreux chœurs et mélodies (25 Doine pentru voce şi pian, 1967).


Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. 2, Editura muzicală, Bucureşti, 1999 - ISBN 973-42-0230-8

samedi 6 septembre 2008

Ion Nonna Otescu (1888, Bucarest - 1940, Bucarest)

Professeur, chef d'orchestre et professeur.
Il étudie au Conservatoire de Bucarest (1903-1907) avec D. G. Kiriac (théorie, solfège), Alfonso Castaldi (harmonie, contrepoint, orchestration), Dimitrie Dinicu (musique de chambre) et se perfectionne à Paris (1908-1911) à la Schola Cantorum avec Vincent d'Indy et au Conservatoire de Musique avec Charles-Marie Widor (composition). Il est également licencié en droit à la Faculté de Bucarest. Professeur d'harmonie (1913-1914), directeur (1918-1931) et recteur (1931-1940) du Conservatoire de Bucarest, il est également membre fondateur (1919), premier chef (1921-1939) et directeur (1937-1939) de l'Opéra Roumain de Bucarest. Il fonde en 1916, avec Mihail Mărgăritescu et Maximilian Costin, la revue Muzica. Il est membre fondateur (1920) de la Société des Compositeurs Roumains dont il assure la vice-présidence jusqu'à sa mort.

I. N. Otescu dirige des concerts et spectacles lyriques à travers le pays et en Europe. Il est titulaire du premier prix honorifique de composition Georges Enesco (1913) et du Prix National de composition de Bucarest (1928). Il reçoit diverses distinctions honorifiques. Pendant le premier conflit mondial, il milite pour l'entrée en guerre de la Roumanie au côté de la France.

Son œuvre, de dimension réduite, comprend des poèmes symphoniques (La légende de la rose rouge, 1910 ; Les enchantements d'Armide, 1915), des opéras (Ilderim, sur un livret de la reine Maria, 1920 ; De la Matei Cetire, inachevé, 1923), quelques mélodies.

Grand espoir de l'école roumaine de composition, I. N. Otescu disparaît à l'âge de 52 ans, sans avoir réalisé les promesses de son art. Influencé à la fois par son professeur Vincent d'Indy et par le folklore roumain, il n'a pas eu le temps d'achever la synthèse stylistique qu'il amorçait dans l'opéra De la Matei Cetire. Il était célèbre pour son flegme. Interrogé sur son trac avant de diriger un concert, il répondit : "Laissez donc cela. L'orchestre sait parfaitement se débrouiller. Je lève la baguette, ils commencent à jouer, et moi je me contente de les suivre".
Homme d'une grande culture, maîtrisant plusieurs langues étrangères, infatigable organisateur, il décède en plein concert, alors qu'il dirige l'Académie Royale de Musique à l'opéra de Bucarest.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. VII, Editura muzicală, Bucureşti, 2004 - ISBN 973-42-0366-5
  • Tutu George Georgescu, George Georgescu, Editura muzicală, Bucureşti, 2001 - ISBN 973-42-0282-0

Marţian Negrea (1893, Vorumloc - 1973, Bucarest)

M. Negrea commence ses études musicales au Lycée Hongrois Romano-Catholique d'Odorhei (1909-1910) avec le professeur Dobo, puis au Séminaire Pédagogique Andreian de Sibiu (1910-1914) avec Timotei Popovici (musique vocale, chant d'église) et, en parallèle, avec Franz Zizka (violon), à Vienne (1913) avec Friedrich Buxbaum (violoncelle). Il rejoint l'Académie de Musique de Budapest (1917-1918) où il suit les cours de Zoltán Kodály pour l'harmonie, Viktor Herzfeld pour le contrepoint et Pongrácz Cacsoh pour la pédagogie musicale. De 1918 à 1921 il est inscrit à l'Akademie für Muzik und darstellende Kunst de Vienne. Ses professeurs se nomment Eusebius Mandicevski (harmonie, contrepoint, fugue), Eugen Thomas (théorie, solfège, choeur), Franz Schmidt (composition). En 1919 il suit les cours particuliers de Rudolf Bella (contrepoint), Franz Schalk et Ferdinand Löwe (direction d'orchestre), Joseph Saphier (piano), Max Graf (esthétique), Witz Worwil (chant).

Marţian Negrea est mobilisé, au grade de sous-lieutenant, par l'armée Austro-Hongroise pour la campagne de Gallicie (1916-1917). De 1921 à 1941 il enseigne l'harmonie, le contrepoint, la fugue et la composition au Conservatoire de Cluj. Il est directeur artistique de la Philharmonie Gheorghe Dima de cette ville (1927-1940). En 1941 il devient professeur d'harmonie au Conservatoire de Bucarest puis professeur consultant de 1963 à 1970.

Son catalogue comprend deux Rhapsodies, une Symphonie, un Concerto pour orchestre et diverses autres oeuvres symphoniques, de la musique de film (Prin Munţii Apuseni), des opéras (Marin Pescarul) et oratorios, une abondante musique de chambre (duos pour divers instruments, quatuors à cordes), de la musique chorale, des mélodies. Negrea est l'un des plus importants compositeurs roumains de l'entre-deux guerres. La rivalité entre la ville de Cluj, où il s'était installé, et la capitale roumaine, peuvent expliquer une reconnaissance relativement faible. En pleine seconde guerre mondiale, ses recherches musicologiques rattachent le legs du Transylvain Ioan Caiănu, musicien du XVIIe siècle, à la culture roumaine, s'attirant la vive inimitié des musicologues hongrois.

Il reçoit le second prix (1922) puis le premier prix (1938) du concours de composition George Enesco, la médaille Bene Merenti (1927), le prix Robert Cremer (1939), le prix d'Etat (1952, 1954), l'ordre du travail seconde classe (1954) et première classe (1964), et est désigné en 1958 Maître émérite des Arts.

Comme compositeur, Marţian Negrea est resté influencé par ses études rigoureuses sous la férule d'Eusebius Mandicevski, tout en cultivant un style néoromantique parfois entâché d'impressionisme français. Sa musique reste appréciée pour ses couleurs, sa spontanéité, sa grande sensibilité. Il est l'auteur de nombreux articles, conférences, émissions télévisuelles et radiophoniques.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. VII, Editura muzicală, Bucureşti, 2004 - ISBN 973-42-0366-5

Filip Lazăr (1894, Craiova - 1936, Paris)

Compositeur et pianiste. Il étudie le piano avec Paulina Moscovici, avant d'entrer au Conservatoire de Bucarest. De 1907 à 1912 il reçoit l'enseignement d'Emilia Saegiu (piano), D. G. Kiriac (théorie et solfège), Alfonso Castaldi (harmonie, contrepoint, composition). En 1913 et 1914, il rejoint le Conservatoire de Leipzig et étudie avec Robert Teichmüller (piano) et Stephan Krehl (composition, harmonie, contrepoint).
Filip Lazăr devient pianiste de concert et professeur particulier en France et en Suisse, où il travaille avec Dinu Lipatti. Il est membre fondateur de la Société des Compositeurs Roumains (1920) et président de la Société Musicale Triton à Paris, réunissant des compositeurs d'Europe centrale et balkanique "exilés" en France. Il réalise plusieurs tournées en Europe et aux États-Unis et est honoré du premier prix de composition Georges Enesco en 1924.

La majeure partie de son écriture symphonique est consacrée à des pièces concertantes : deux Concertos grosso (1927, 1931, inachevé), trois Concertos pour piano, un Concerto pour percussions et 12 instruments (1934) et un Concerto de chambre (1935), créé par Charles Münch. Il laisse aussi un ballet (La bouteille de Panurge, 1918), deux Suites (1921, 1925) et diverses œuvres de moindre ampleur comme Le Ring, un round de quatre [sic] minutes (Ringul, 1928). A l'exception de quelques pièces isolées (Danses populaires, Bagatelles...), sa contribution à la musique de chambre et à la littérature pianistique est représentée par cinq Sonates pour piano et une pour violon et piano, quatre Trios (hautbois, clarinette et basson, 1934 et 1936 ; violon, alto et violoncelle, 1935 ; harpes) et un Quintette pour harpes [!]. Il écrit pour la voix quatre cycles de mélodies et deux choeurs (Paparudele, 1924). Il n'aborde l'Opéra qu'à une seule occasion (Les images de Béatrice, 1928).

Sa musique demeure encore aujourd'hui en grande partie inconnue, vraisemblablement à cause de la mort prématurée du compositeur à 42 ans, loin de son pays natal. Elle se révèle toutefois mieux écrite que celle de beaucoup de ses compatriotes, pourtant plus célèbres. Filip Lazăr a su exploiter le folklore de manière originale, alliant la tradition baroque à un langage d'une grande modernité, mais sans faire école. Il s'est particulièrement attaché à cultiver une écriture tournée vers l'universel à une époque où les compositeurs cherchaient plutôt à glorifier leur nation.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. V, Editura muzicală, Bucureşti, 2002 - ISBN 973-42-0317-7
  • Creaţii Simfonice Româneşti, CD 10, UCMR-ADA 03L070150, notice d'Elena Zottoviceanu. Orchestre Philharmonique d'Arad, dir. Dorin Frandeş

vendredi 29 février 2008

Un entretien avec Madeleine Voicu

Madeleine Voicu a longtemps partagé la vie du violoniste Ion Voicu, disparu en 1997. Elle s’attache aujourd’hui à défendre sa mémoire, notamment par la fondation qu’elle dirige (www.ionvoicu.org/foundation.htm). Elle a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponses pour le site Souvenirs des Carpates.

Avant toute chose, dites-nous quelques mots sur cette fondation.

La Fondation Internationale Ion Voicu est créée en 1995, avec Yehudi Menuhin comme président d’honneur. Elle est bien « internationale » de par la provenance universelle de ses membres : Zubin Mehta, Salvatore Accardo, Christophe Eschenbach, Marta Argerich, Andrei Serban, Liviu Ciulei en font partie, parmi bien d’autres encore.

Né en 1923, Ion Voicu est très tôt attiré par la musique et manifeste des dispositions évidentes pour cet art, tant et si bien qu’il impressionne même des professionnels…

Il n’avait en effet que 6 ans quand il réclama au Père Noël un petit violon. Et, une fois l’instrument entre ses mains, il passa toute la journée à jouer les mélodies qu’il connaissait.
Sa mère engagea alors un professeur du Conservatoire, qui lui apprit le solfège et la pratique du violon. A quatorze ans, l’élève dépassa le maître. Ion fut présenté à l’Académie Royale de Musique à Bucarest, où il fut accepté directement en cinquième année. Deux ans plus tard, il termina ses études.

Une fois diplômé, il débute une carrière de musicien d’orchestre. Il est alors remarqué par Theodor Rogalski, directeur de l’orchestre de la Radio, et le célèbre Wilhelm Mengelberg.

Il fut engagé dans l’orchestre symphonique de la Radio. Dès la première répétition, il savait jouer parfaitement sa partition. Aussi s’ennuyait-il ferme pendant les autres répétitions. Le célèbre chef d’orchestre Wilhelm Mengelberg le remarqua et le mit à la porte !
Le directeur de l’orchestre Theodor Rogalski invita Mengelberg, pendant une pause, à écouter un violoniste très doué. Mengelberg fut surpris de reconnaître celui qu’il venait de renvoyer.
Par amabilité envers Rogalski, il accepta de l’écouter quelques minutes. L’audition se prolongea plus d’une demi-heure. Mengelberg dit alors à Rogalski : « Ce jeune homme n’est pas fait pour jouer assis dans l’orchestre, mais debout comme soliste sur la scène. »
Une semaine plus tard, maître Rogalski programma le jeune violoniste. Ion Voicu débuta avec le Concerto de Wienawski. Ce fut le commencement. Rapidement, il donna des concerts à l’Athénée et des récitals.

Après guerre, il remporte un concours de violon organisé par George Enesco et Yehudi Menuhin. Son amitié avec les deux musiciens remonte-t-elle à cet événement ?

Après avoir remporté le concours, il choisit de se rendre en Suisse pour étudier le jeu d’autres artistes et suivre des cours de maîtrise.
Avec Enesco, ce fut une relation de maître à disciple. La grande amitié avec Yehudi devait se développer avec le temps, devenant très profonde et loyale.

En 1950, il est le soliste de la Philharmonie de Bucarest. Il décide cependant d’aller perfectionner son art à Moscou quatre années plus tard. Cela peut paraître surprenant… était-il insatisfait de son jeu ? Les deux années passées en Russie, auprès des maîtres Abram Yampolsky et David Oïstrakh, ont-il renouvelé sa façon de jouer ?

A la fois soliste de la Philharmonie de Bucarest et confronté au remarquable essor de sa carrière, Ion Voicu réalisait des tournées dans toute l’Europe. Il voulut cependant assurer que sa façon d’aborder les oeuvres était dans l’esprit des compositeurs. Il se rendit alors en Russie pour recevoir l’enseignement d’Abram Ilici Yampolsky.
Yampalsky, âgé de 92 ans, était le dernier disciple en vie de Auer, fondateur de la fantastique école russe de violon.
La deuxième année, Yampolsky mourut. Alors Ion Voicu alla chez David Oïstrakh qui le reçut en confrère. Ensemble, ils étudiaient chez Dodik (diminutif de David en Russe, ndlr) des journées entières, mangeant, se reposant et étudiant de nouveau. Parfois, la soirée était consacrée au cinéma, en compagnie de leurs épouses Tamara Ivanovna et Madeleine.
Tous quatre devinrent de grands amis – ils le restèrent pour toujours.
En 1956, le ministre de la culture roumain rendit visite à son homologue soviétique, qui lui parla du « génial violoniste Ion Voicu », déplorant que l’État laisse un tel talent jouer sur un violon médiocre.
Après son retour en Roumanie, avec la recommandation de la ministre de la culture et le soutien d’un membre très important du gouvernement qui fut présent à ce grand concert de Belgrade, Ion Voicu alla à Londres chez Hill, en France chez Vidoudez et en Suisse chez Henri Werro où il trouva enfin le violon de ses rêves, le Strad 1702 surnommé alors Lukens-Elder. De nos jours, l’instrument porte le nom d’Elder-Voicu.

A partir de la fin de la décennie 1950 il fait ses débuts « à l’ouest », en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Un défi redoutable au vu des grands noms du violon de cette époque, disputés par de prestigieuses firmes discographiques. Et cependant, Ion Voicu parvient à s’imposer.

Il a fait ses débuts « à l’ouest » après 1955 et aux États-Unis au début de 1960. En Grande-Bretagne, il enregistra pour Decca-House avec le London Symphony Orchestra. Aujourd’hui on trouve des reports en CD des disques vinyles de cette époque. Il est alors considéré comme l'un des cinq plus grands violonistes de cette période. Rappelons que Yehudi Menuhin, David Oistrakh, Henryk Szering et Isaac Stern étaient alors en activité. Il se lia d’une grande amitié avec tous les quatre, les retrouvant à l’occasion de concerts prestigieux, de festivals ou siégeant dans les mêmes jurys de concours internationaux

En 1969, il fonde l’Orchestre de Chambre de Bucarest, et quelques années plus tard il est nommé chef de la Philharmonie George Enesco. Comment Ion Voicu vivait-il cette expérience de chef d’orchestre ? A-t-elle modifié son rapport à la musique ?

Il fonde l’orchestre de chambre « Bucarest » sur le conseil de Yehudi. Il fait des tournées avec l’orchestre comme soliste et chef d’orchestre. Beaucoup de grands solistes, à un moment donné de leur carrière, souhaitent ainsi parfaire leur art en s’investissant dans la direction d’orchestre.
En 1972 il est nommé, après avoir reçu de nombreuses sollicitations, directeur général de la Philharmonie George Enesco. Il accepta en posant ses conditions pour la Philharmonie – toutes auront été respectées pendant la dizaine d’années de sa direction.
Il a agrandi l’orchestre, l’a perfectionné, et a organisé beaucoup de tournées avec la Philharmonie. De grands artistes venaient se produire comme solistes à Bucarest, par amitié pour Ion Voicu.
Citons ainsi Elisabeth Schwarzkopf et surtout Sergiu Celibidache qui, voyant la perfection de l’orchestre philharmonique, est revenu trois fois dans une même année.

Ion Voicu se prononçait-il sur l’art de ses confères virtuoses ? Parmi les solistes qu’il a pu écouter, lesquels appréciait-il particulièrement ?

Il appréciait beaucoup ses confrères virtuoses et aussi les pianistes Richter, Gilels, Weissenberg et, parmi la jeune génération, Daniel Baremboïm, Itzhak Perlman ou Christophe Eschenbach…
Il a joué le Double Concerto de Bach avec Yehudi, Oistrakh, Szeryng. Il donna des sonates avec Hepzibah Menuhin, Christophe Eschenbach ou Monique Haas.

Ce qui frappe à l’écoute de Ion Voicu, c’est à la fois sa maîtrise technique et l’immense amour qui transparaît pour la musique qu’il jouait. Son vaste répertoire comportait tous les grands concertos ainsi que des œuvres moins connues de compositeurs roumains. Sauriez-vous dire quelles musiques le touchaient le plus ?

Il avait un répertoire important, composés de classiques et de modernes. Ainsi il joua des compositeurs comme Uuno Klami ou Mihai Jora, Alexander Balanescu et naturellement Enesco. Plusieurs compositeurs, roumains ou étrangers, lui ont dédié des œuvres.
S'il adorait Mozart, il mettait tout son cœur dans le moindre de ses concerts.

Par ailleurs, Voicu a lui-même composé. Son court morceau pour violon seul intitulé Lendemain de noces (Dimineata dupa nunta) est gorgé d’humour, et en même temps un si bel hommage à l’art des lautars.

Comme Enesco, il se plaignait de n’avoir pas assez de temps pour composer. Hormis le tableau Lendemain de noces, il a écrit une Sonate pour violon solo, une composition In memoriam George Enesco, quelques variations sur une vieille mélodie roumaine, sur Happy Birthday pour ses enfants, des variations sur Hänschen Klein et une œuvre pour orchestre de chambre.

Si vous aviez à proposer aux mélomanes français les enregistrements les plus représentatifs de son jeu, que conseilleriez-vous ?

L’on trouve de très bons enregistrements sur CD : Paganini avec Dresdner Philharmonie et Heinz Bongart, Mendelssohn et Bruch avec le LSO et R. Fruebeck de Burgos, ou encore beaucoup de concerts avec George Georgescu, le Concerto de Brahms avec Iosif Conta, etc.

Parlons un peu de vous. Êtes-vous, vous-même, musicienne ? En quelles circonstances avez-vous connu Ion Voicu ?

Que dire à mon sujet ? Oui, j’ai fait le conservatoire de Bucarest – piano principal – et j’ai joué avec Ion Voicu avant de l’épouser et de partir avec lui partout dans le monde. Je ne pouvais pas étudier autant que ce métier l’exige ; et encore aujourd’hui, je déteste ceux qui veulent être sur scène – mari et femme – alors que leur talent n’est pas égal. C’est pourquoi j’ai vécu dans l’ombre de Ion Voicu, une personnalité admirable aussi bien comme artiste que comme homme.
C’est le grand ami de nos parents le chef d’orchestre George Georgescu, pour moi « Onkel Gogu », qui me présenta le jeune artiste si prometteur en 1948.

Avant de nous quitter, encore quelques mots sur la Fondation. Quelles actions récentes avez-vous menées ?

Les actions récentes de la Fondation perpétuent celles initiées par ses créateurs. Il s’agit surtout d’aider les jeunes talents à se mettre en valeur dans divers concerts, concours ou « master classes ».

L’année dernière, son violon, un Stradivarius ayant appartenu à Joseph Joachim, a été attribué au jeune et très talentueux virtuose Alexandre Tomescu. Parmi les solistes de la nouvelle génération, qui verriez-vous comme héritier de l’art interprétatif de Ion Voicu ?

Le Stradivarius qui porte maintenant le nom Elder-Voicu fut en effet attribué au jeune et talentueux A. Tomescu. Pour la suite de votre question, no comment…

Ion Voicu est étonnamment peu connu en France. Aussi tous les mélomanes espèrent que l’action de la Fondation permettra de réparer cette injustice.

La Fondation possède un documentaire de trois heures réalisé par la TV roumaine sur Ion Voicu. C’est peu mais mieux que rien ! Je le tiens à votre disposition pour une éventuelle transmission à la télévision française.

Il y a encore tant de choses à dire sur Ion Voicu…

Nous n’en doutons pas. Avec un peu de chance, votre proposition retiendra l’attention de quelque producteur mélomane. Dans cette attente, merci de votre participation au site Souvenirs des Carpates.

Propos recueillis par Alain Chotil-Fani, avec un grand merci à Cati Sandru pour son amicale (et efficace !) participation.

dimanche 17 février 2008

Disparition de Tutu Georgescu

Nous apprenons la disparition à l’âge de 95 ans de Tutu Georgescu, veuve du célèbre chef George Georgescu (1887-1964). Tutu Georgescu a décrit la vie musicale roumaine à travers la carrière de son époux dans deux livres édités en Roumanie, George Georgescu et Amintiri dintr-un secol (Mémoires d’un siècle). Véritables mines de renseignements pour les amateurs et musicologues, ces écrits représentent un témoignage de grande valeur sur les milieux culturels roumains de l’entre-deux guerres et des premières années du communisme.

Tutu Georgescu a consacré ces dernières années à préserver et mieux faire connaître le legs artistique de son époux, aujourd’hui tombé dans un relatif oubli.

Les auditeurs ayant la chance d’assister un concert à l’Athénée Roumain de Bucarest, salle historique de la Philharmonie Georges Enesco, pourront contempler l’image de Tutu, donnée à l’un des personnages de la fresque historique revêtant l’intérieur de la salle.

Pour en savoir plus


samedi 19 janvier 2008

Georges Enesco

Que connaissons-nous de Georges Enesco ? Pas grand-chose, probablement, et rares sont les mélomanes conscients de l'importance de ce musicien. A la fois virtuose du violon, compositeur, pédagogue et infatigable animateur de la vie musicale de son pays, Enesco a pourtant fortement marqué tout un chapitre de l'histoire musicale au XXe siècle.
Le mélomane contemporain peut assez facilement se procurer ses oeuvres et se forger sa propre opinion. Autant prévenir que cette découverte n'est pas toujours aisée. La musique d'Enesco peut être d'accès ardu et déconcerter l'auditeur, tout comme la radicalité des jugements à son encontre. Tandis que certains prennent au pied de la lettre l'hyperbole de Pablo Casals selon laquelle Enesco incarnait "le plus étonnant génie musical depuis Mozart", d'autres gardent un silence tenace. Et entre ces deux extrêmes, l'on ne trouve quasiment... rien. Il n'est pas sûr que cette situation desserve une meilleure connaissance du compositeur. Certains grands classiques du XXe siècle sont aujourd'hui identifiés à peu près indiscutablement : qui saurait nier la présence de Sibelius, Chostakovich, Janacek, Bartok, Stravinski ou Ligeti parmi les incontournables ? Or, il ne nous paraît pas évident que le nom d'Enesco en fasse partie aussi nettement.
N'accordons pas trop d'importance aux déclarations dithyrambiques, souvent anecdotiques et sorties de leur contexte. Elles ne nous disent rien sur la valeur de son oeuvre et même nuisent à son appréciation objective. Au contraire, attachons-nous à découvrir un artiste de grande valeur par la seule écoute de ses oeuvres.

La courte biographie ci-dessous a été rédigée par mes soins en 1999, à partir de sources roumaines. Je l'ai remaniée avant publication sur ce site.


Georges Enesco naît le 19 août 1881 en Moldavie, province moldo-valaque. Son village natal n'apparaît pas sur les cartes actuelles : il a été rebaptisé George Enescu en l'honneur de l'enfant du pays. A quelques kilomètres de là naquit également Mihail Eminescu (1850 - 1889), illustre poète national. Costache, le père de George, est administrateur terrien. De nature curieuse, doté d'une grande mémoire, il a appris le latin et le français en autodidacte et a voyagé à travers l'Europe. Il joue très convenablement du violon et dirige même à l'occasion des chorales. Sa femme, Maria, l'accompagne souvent à la guitare. Mais elle souffre d'une terrible malédiction : quatre de ses enfants sont morts-nés; les sept autres sont morts avant d'atteindre la maturité. Le plus âgé n'avait que 12 ans... Sur le conseil avisé du guérisseur local, les parents confient le petit George à une nourrice. Cela sauva certainement la vie du nouveau-né, car il est vraisemblable que Maria transmettait la turberculose à travers son lait.

Très rapidement, Georges révèle une véritable passion pour les groupes de lautars, musiciens itinérants. Il réclame un violon, rejette le jouet qu'on lui offre tout d'abord mais s'emploie à maîtriser le petit violon véritable, cette fois-ci, que son père lui apporte. Un violoniste ambulant le prend en affection et lui enseigne les premiers rudiments de son art. Enesco donne son premier concert à l'âge de 5 ans. Son père décide de le présenter à Eduard Caudella, l'un des plus grands compositeurs roumains de cette époque et directeur du Conservatoire de Iaşi, capitale de la Moldavie. Mais le jeune Enesco est à la fois buté et orgueilleux : il refuse de jouer devant Caudella tant que celui-ci ne lui a pas prouvé qu'il était capable de lui enseigner quelque chose !
Le directeur du Conservatoire, heureusement, prend avec humour la réaction du garçon et accepte de jouer une brève pièce au violon. Caudella n'est pas un très grand violoniste, mais ce qu'entend Enesco le comble. Quelle musique extraordinaire, si différente de celle que jouent les lautars !

Enesco apprend les bases de la musique savante. Quand Caudella le revoit, quelques années plus tard, il prend conscience que la culture nationale a peut-être enfin trouvé avec Enesco le très grand musicien que la Roumanie n'a jamais pu avoir. Une nation si riche musicalement a gâché un nombre considérable de talents à cause du manque de moyens, de sérieux ou tout simplement d'intérêt... Le génie en devenir d'Enesco doit s'épanouir à l'étranger. Caudella conseille à Costache d'inscrire son fils au Conservatoire de Vienne. Bien des années plus tard, le vieux maître de Iaşi écrira un concerto pour violon dédié à son ancien élève.

A Vienne, Enesco suit l'enseignement du célèbre violoniste Hellmesberger, de Robert Fuchs, de Sigismond Bachrich. Tous reconnaissent les aptitudes du jeune Roumain qui, à douze ans, joue avec grand succès les partitions de Sarasate, Vieuxtemps, Mendelssohn et même Brahms, qui déclare son admiration. Enesco est pour sa part subjugué par la beauté du quintette avec clarinette de Brahms où il croit percevoir les échos de son lointain pays - alors que par les délicates harmonies de l'oeuvre, Brahms évoque l'immense plaine hongroise, la puzta. Vienne lui offre ses premier opéras : il découvre Verdi, Mozart, Wagner, Massenet, Donizetti, Gounod, etc. Mais la capitale autrichienne, devenue la ville des plaisirs, fait la part belle à l'opérette. Le centre musical du monde, dorénavant, est Paris où une génération de compositeurs d'exception est en train de voir le jour. Hellmesberger recommande Enesco à Jules Massenet. En 1895, le Roumain, décoré de la médaille d'argent du Conservatoire de Vienne, rejoint la capitale française.

Au Conservatoire de Paris, il suit les cours de violon de Marsick, étudie le contrepoint avec André Geldage et la composition avec Massenet, remplacé l'année suivante par Gabriel Fauré. Les camarades de classe d'Enesco se nomment Maurice Ravel, Roger-Ducasse, Florent Schmitt... L'étudiant en musique Georges Enesco est déjà un compositeur fertile. De ces années datent les quatre symphonies de jeunesse, les premières oeuvres de musique de chambre, quelques mélodies et surtout la suite symphonique Poème Roumain, créée avec grand succès le 6 février 1898. Paris est sous le charme de ce jeune homme que la presse a déjà surnommé "Le nouveau Mozart", sucitant la jalousie d'une partie du monde musical, se refusant de lui décerner la médaille d'or pour sa première apparition au concours du conservatoire. Enesco l'obtiendra l'année suivante, en présentant un concerto de Camille Saint-Saëns.

Dès lors, les oeuvres d'Enesco sont attendues par un large public et se répandent rapidement. Les plus grands interprètes défendent ses rhapsodies roumaines (1901 - 1902), sa première suite pour orchestre (1903) et sa première symphonie (1905) : Edouard Colonne et Gabriel Pierné en France, Gustav Mahler et Walter Damrosh à New York, Arthur Fiedler à Boston, Henry Wood en Angleterre, Willem Mengelberg aux Pays-Bas.

Mais le style d'Enesco, de plus en plus élaboré, rebute les interprètes. L'octuor pour cordes (1900) consacre la rupture. Cette oeuvre est jugée trop difficile par Edouard Colonne et est retirée des répétitions : "c'est horriblement beau.... c'est même plus horrible que beau !" entend dire Enesco au cours des répétitions. La courte Symphonie concertante pour violoncelle et orchestre est médiocrement accueillie : "c'est une symphonie... déconcertante" ! s'amuse le public parisien.

Enesco doit vivre, à son coeur défendant, de ses dons d'interprète. Il est certes un violoniste admirable. On le découvre aussi excellent pianiste et chef hors pair. Il donne des concerts avec Alfredo Casella, Pablo Casals, Oskar Nedbal, Gabriel Fauré, Richard Strauss... Il voyage à travers l'Europe, jusqu'en Russie (tournée de 1909). Dans sa Roumanie natale il dirige en 1913 les premières auditions des Maîtres Chanteurs et le Voyage de Siegfried sur le Rhin de Wagner. Durant la première guerre mondiale, il s'établit en Roumanie. Il y crée la neuvième symphonie de Beethoven, jamais encore donnée intégralement à Bucarest, ainsi que Roméo et Juliette et la Damnation de Faust de Berlioz, les Nocturnes de Debussy, la seconde symphonie de Borodine et le 3ème acte du Parsifal de Wagner. Enesco y crée également ses propres compositions : sa seconde symphonie (1913) et sa deuxième suite pour orchestre (1915). La même année a lieu la première édition du concours George Enescu. La guerre terminée, Enesco reprend une existence partagée entre la France et la Roumanie. Tout en composant - certaines de ses oeuvres sont mûries pendant des années entières - il doit continuer à donner des concerts pour assurer son existence.

Son activité de pédagogue prend aussi une importance considérable : Dinu Lipatti (1917 - 1950) est son élève. D'abord destiné au violon, il devient rapidement l'un des plus talentueux pianistes du siècle. Ses interprétations de Bach, Schumann ou Chopin font encore aujourd'hui le bonheur des mélomanes. Ses dons de compositeur, encouragés par Enesco, sont moins connus et attendent toujours leur réhabilitation.
Yehudi Menuhin (1916 - 1999) doit l'épanouissement de son génie de violoniste à Georges Enesco. Cet enfant prodige trouve lui le maître qui saura guider son évolution de la meilleure des façons. Enesco se souvient alors de ses propres débuts quand il se rendit à Iaşi pour rencontrer Caudella !
Tout le génie de Menuhin est transcendé par l'enseignement d'Enesco, privilégiant toujours la musique et refusant la virtuosité si séduisante pour susciter l'adhésion du grand public. Celui-ci inculque également une solide culture humaniste au jeune violoniste, un enseignement qui trouvera une illustration exemplaire quand Yehudi Menuhin prendra après-guerre la défense de Furtwängler et donnera plusieurs concerts avec le chef allemand.

Malgré son activité épuisante d'interprète, ponctuée de tournées aux Etats-Unis, où il joue avec Stokovski, en Pologne et en Roumanie - il y donne la première audition, en 1924, de la seconde sonate pour violon et piano de Béla Bartók, le compositeur étant au piano -, Enesco parvient à composer ce qui compte parmi ses oeuvres les plus remarquables : la troisième sonate pour violon et piano dans le caractère Populaire Roumain (1926), l'opéra Oedipe (1923 - 1930), les sonates pour piano (1924 - 1934), la troisième suite pour orchestre dite Paysanne (1938).

Quand la seconde guerre mondiale éclate, Enesco se réfugie de nouveau dans son pays natal. Il s'investit pleinement dans la vie musicale bucarestoise. Il tient le premier violon au cours d'un cycle intégral des quatuors de Beethoven, malgré le faible intérêt du public réclamant des oeuvres moins exigeantes. Il dirige le requiem de Fauré et, après l'armistice, la symphonie n° 7 "Leningrad" de Chostakovich. Le chef titulaire de la Philharmonie de Bucarest, Georges Georgescu, est envoyé diriger à travers l'Europe occupée à des fins de propagande. Enesco s'emploie à diriger la Philharmonie pour que l'orchestre ne soit pas dissout. Après la guerre, il luttera pour que Georgescu retrouve son poste titulaire.

Enesco est un défenseur infatigable de la musique contemporaine roumaine : il joue des œuvres de Constantin Silvestri, Mihail Jora, Ionel Perlea, Marţian Negrea, Sabin Drăgoi, des compositeurs qu'il encourage inlassablement. A ce sujet on peut regretter aujourd'hui la faible diffusion de cette musique.

Il compose moins. Les seules oeuvres de cette décennie sont les remarquables Impressions d'enfance pour violon et piano (1940, dédié à son professeur Eduard Caudella), le quatuor avec piano n. 2 (1944) et l'ouverture de concert sur des motifs dans le caractère roumain (1948). Après la guerre Enesco donne des concerts avec ses amis David Oistrakh, Lev Oborin, Emil Ghilels, et avec ses anciens élèves Yehudi Menuhin et Dinu Lipatti. Le régime communiste roumain nationalise en 1948 une grande partie de ses biens. Il s'exile définitivement. Enesco a 68 ans et son jeu de violon est incertain. Réfugié à Paris, il compose en 1954 sa symphonie de chambre pour douze instruments solistes avant de s'éteindre dans la nuit du 3 au 4 mai 1955.

Si'il a réussi à quasiment terminer son poème symphonique Vox Maris, il laisse d'autres oeuvres inachevées. Ses deux dernières symphonies seront restaurées par Pascal Bentoiu alors que Cornel Taranu et Serban Lupu parviendront à faire renaître le Caprice roumain, seule oeuvre d'Enesco de grande ampleur pour violon et orchestre.

Sources

  • Enescu azi de Viorel Cosma
    Editura Facla - Timisoara 1981 (en roumain)
  • Enescu de Andrei Tudor
    Editura muzicala - Bucarest 1958 (en roumain)
  • Enescu - La râspantie de vremi
    Film de Ada Brumaru en cassette VHS (en roumain et en français)

lundi 7 janvier 2008

Paris-Bukarest : Nathalie Joly chante Maria Tanase

Annonce : PARIS-BUKAREST

Nathalie Joly chante Maria Tanase

Jeudi 24, vendredi 25, samedi 26, jeudi 31 janvier 2008,
vendredi 1er, samedi 2 février 2008 à 19h

Au Passage vers les étoiles, Paris

Cliquez ici pour plus de renseignements.