mercredi 26 mars 2014

George Georgescu le bâtisseur

En 2013, la firme japonaise Tobu Recordings a publié 3 CD consacrés au chef d'orchestre George Georgescu. J'ai été contacté pour la rédaction des notices. Voici donc le premier des articles rédigés pour Tobu : une biographie rapide du maître.

*
**


C’était un chef parmi les plus grands. De ces chefs dont la race est en train de s’éteindre et dont la totale maîtrise et la profonde musicalité savaient se fondre dans la pensée de l’auteur interprété, sans jamais s’installer à sa place. [Henri Barraud, compositeur et directeur de l’ORTF, en 1964]

Après des débuts prometteurs comme violoncelliste du Quatuor Marteau, le Roumain George Georgescu (Sulina, 1887- Bucarest, 1964) doit abandonner son instrument à cause d’une blessure à la main. Avec le soutien de Richard Strauss, il devient alors élève d’Arthur Nikisch. En 1918, Georgescu étrenne sa carrière de chef d’orchestre en dirigeant la prestigieuse Philharmonie de Berlin. Sous son égide, l’orchestre Philharmonique de Bucarest devient une formation d’élite, appréciée par de nombreux chefs et compositeurs venus de l’étranger. Georgescu s’illustre également en tant que chef lyrique en dirigeant plusieurs saisons à l’Opéra de la capitale roumaine.

Des tournées le font connaître sur la scène internationale. Aux Etats-unis, il remplace au pied levé Arturo Toscanini pour la fin de la saison 1926. Georgescu est désormais reconnu comme interprète hors pair, notamment pour les pages orchestrales de Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms et Richard Strauss, avec qui il conserve un lien privilégié. Son vaste répertoire offre également une place de choix à la musique roumaine contemporaine.

Pendant la deuxième guerre mondiale, les services de propagande exploitent son talent. En 1944, la Roumanie change de camp et s’engage au côté des Alliés. Ce renversement d’alliance provoque sa mise à l’écart, une décision qui suscite l’indignation de George Enescu, le plus grand compositeur du pays.

Georgescu est réhabilité en 1953 (1). Il retrouve la Philharmonie de Bucarest et en conserve la direction jusqu’à sa disparition, onze années plus tard. En 1955, l’orchestre prend le nom de « Philharmonie George Enescu ».

Cette dernière période est marquée par de nouvelles tournées à succès (USA, 1960) et plusieurs enregistrements, dont une intégrale des Symphonies de Beethoven très remarquée (2). A sa mort, Georgescu est considéré comme l’un des derniers dépositaires d’une illustre tradition de direction d’orchestre, alliant « une étonnante sensibilité au détail avec une immense intelligence (…) lorsqu’il développait l’ensemble d’une œuvre » (Msistlav Rostropovich).

Alain Chotil-Fani

Alain Chotil-Fani est l’auteur du livre « Antonín Dvořák , un musicien par-delà les frontières » (éditions Buchet-Chastel) en coopération avec Éric Baude.

(1) Il faut sans doute voir dans cette décision une conséquence de la mort de Staline, mort quelques mois plus tôt. Constantin Silvestri, jusqu’alors titulaire de la Philharmonie, est nommé directeur de l’Opéra roumain et de l’orchestre de la Radio. Certaines sources parlent d’une injustice dont Georgescu serait l’instigateur. Il paraît toutefois établi que le grand chef roumain n’était pas impliqué dans l’action politique. Son aura internationale était telle que le maintenir à l’écart devenait difficile. Du reste, Georgescu devait rendre à Silvestri le plus beau des hommages en dirigeant avec panache sa Toccata symphonique au cours du Festival Enescu de 1958.

(2) Disponible chez Tobu Recordings

Sources :

  • Georgescu Tutu, « George Georgescu », ediţia  a II-a revizuită şi adăugită, Bucureşti, Editura Muzicală, 2001 Cosma Viorel (sous la direction de), « Dirijorul George Georgescu / Mărturii în contemporaneitate », Bucureşti, Editura Muzicală, 1987
  • Chotil-Fani Alain, site internet « Souvenirs des Carpates », http://souvenirsdescarpates.blogspot.fr


*
**

He was among the most famous conductors. A conductor whose race is dying and whose total command and profound musicality knew how to blend into the feelings of the author he was performing, without ever taking over his role. (Henri Barraud, composer and director of the ORTF, in 1964)

After a promising start as a cellist in the Marteau Quartet, the Romanian George Georgescu (Sulina, 1887 - Bucharest, 1964) must abandon his instrument due to a hand wound. With the support of Richard Strauss, he then becomes one of Arthur Nikisch’s students. In 1918, Georgescu begins his career as a conductor in directing the prestigious Philharmonic of Berlin.

Under his aegis, the Philharmonic Orchestra of Bucharest becomes an elite formation, appreciated by numerous foreign conductors and composers. Georgescu also becomes renown as a lyric conductor while directing the Opera for several seasons in the Romanian capital. His tours make him well known on the international scene. In the United States, he stands in for Arturo Toscanini at the end of the 1926 opera season. Georgescu is henceforth recognized as an outstanding performer, notably for the orchestral pages of Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms and Richard Strauss, with whom he retains privileged ties. His vast repertory also gives a choice place to contemporary Romanian music.

During the second world war, the propaganda services make use of his talent. In 1944, Romania changes sides and commits itself to the Allied cause. This reversal of alliances forces Georgescu to step aside. Such a decision incites the indignation of the greatest Romanian composer, George Enescu.

Georgescu’s name is cleared in 1953 (1). He returns to the Bucharest Philharmonic where he will keep the director’s title, until his death, 11 years later. In 1955, the Orchestra takes on the name of « George Enescu Philharmonic » .

This last period is marked by new successful tours (USA, 1960) and by several recordings, among which the remarkable complete Beethoven Symphony Cyle (2). At his death, Georgescu is considered to be one of the last depositaries of an illustrious tradition of orchestral conducting, combining « a surprising sensibility to detail with a great intelligence (...) whenever he performed an entire work." (Msistlav Rostropovich).

Alain Chotil-Fani - English translation by Marian Leclerc-Schroeder

Alain Chotil-Fani is the author of the book : « Antonín Dvořák , un musicien par-delà les frontières  » (Editions Buchet-Chastel) in collaboration with Éric Baude.

(1) One must undoubtedly see in this decision a consequence of Stalin’s death several months earlier. Constantin Silvestri, up until this time holder of the Philharmonic, is named Director of the Romanian Opera and the Radio Orchestra. Some sources speak of an injustice of which Georgescu would have been the perpetrator. It seems certain, however, that the great Romanian conductor was not involved in any political action. His international prestige was such that keeping him in the background became difficult. Moreover, Georgescu later rendered the most beautiful homage to Silvestri by directing with panache his symphonic Toccata during the Enescu Festival in 1958.

(2) Available at Tobu Recordings

Sources :

Georgescu Tutu, « George Georgescu », ediţia  a II-a revizuită şi adăugită, Bucureşti, Editura Muzicală, 2001 Cosma Viorel (under the conduction of), « Dirijorul George Georgescu / Mărturii în contemporaneitate », Bucureşti, Editura Muzicală, 1987

Alain Chotil-Fani’s Internet website « Souvenirs des Carpates », http://souvenirsdescarpates.blogspot.fr

Aucun commentaire: