J’ai évoqué ici la très longue carrière de George Georgescu. Ce chef déjà âgé redevient à la fin de l’année 1953 titulaire de la Philharmonie de Bucarest, à laquelle il décide d’associer le nom de George Enescu après la mort du compositeur. On devine quelle énergie il fallut aux musiciens bucarestois le 18 septembre 1958, dans le cadre du premier festival dédié au grand créateur, pour soutenir un programme d’une telle exigence : une symphonie moderne de près d’une heure, le Concerto de violon de Brahms, celui pour deux violons BWV 1043 de Bach et la complexe Toccata de Silvestri.
La deuxième symphonie « avec cloches » d’Aram Khatchatourian est, comme tant d’autres musiques soviétiques de cette époque, une fresque de guerre. Chants cuivrés accompagnés de timbales, cantilènes patriotiques, épisodes puissants et funèbres – l’on note la citation du Dies Irae dans l’Andante Sostenuto – et apothéose expressive. Cette œuvre bien écrite semble avoir perdu au fil des âges son pouvoir de séduction. L’histoire de l’interprétation a plutôt privilégié le legs de Chostakovitch ou Prokofiev en la matière, sans parler d’autres auteurs moins célèbres. La symphonie de Khatchatourian lasse par sa dimension et son discours énergique mais trop convenu.
La conception de Georgescu rend pleine justice aux intentions du compositeur. Le chef encourage de la voix ses musiciens dont il parvient à exprimer toute la force lyrique et virtuose. Une prestation instrumentale de très haut niveau.
Le Concerto de Brahms rappelle que le chef roumain est l’élève et légataire d’Arthur Nikisch. Georgescu dirige selon la tradition germanique, tout en puissance et avec un soin particulier des articulations. Une approche qui paraît aujourd’hui datée mais qui a longtemps représenté la quintessence de l’art interprétatif brahmsien. Le final s’en ressent, loin du caractère enjoué que d’aucuns savent lui imprimer, d’autant plus que certains passages semblent mal équilibrés. Question de captation sonore ? Le violon de Menuhin est admirable de maîtrise.
Une vision concentrée mais sans grain de folie. Un regret supplémentaire : on aurait aimé que le report ne coupe pas si brutalement l’accord final du mouvement initial et laisse le beau son de la philharmonie s’épanouir dans la salle de l’Athénée.
L’apparition de David Oïstrakh sur la scène au côté de Menuhin fut l’un des points culminants du Festival. L’on connaît la version miraculeuse d’Enesco lui-même avec le tout jeune Menuhin, en 1932. Monteux dirigeait. En 1958, Georgescu remplace Monteux, et Oïstrakh tient la partie d’Enesco au deuxième violon soliste. Rencontre au sommet, sans doute, et que les commentateurs d’un « dégel » entre l’Est et l’Ouest crurent bon de souligner en tant que geste politique. Musicalement, un témoignage sur la façon dont Bach pouvait être perçu au milieu du XXe siècle, qui pourra paraître en dépit de sa maîtrise instrumentale trop daté en 2011.
La Toccata de Constantin Silvestri est un morceau motorique comme la première moitié du siècle les appréciait – à la fois étude sur le rythme et course à l’abîme. Une partition ciselée par Georgescu et ses musiciens, en salut confraternel à celui qui allait quatre jours plus tard diriger la première roumaine de l’opéra Œdipe.
Le CD se termine avec un extrait des entretiens entre Enesco et Gavoty pour la radio française (1951), dans lequel le Roumain évoque sa rencontre avec Yehudi Menuhin. Le passage n’est pas un inédit, mais on est heureux de réécouter ici le maître rappeler combien la reprise en mains de l’enfant prodige fut parfois nécessaire.
La courte déclaration de Georgescu est plus anecdotique.
Un album essentiel aux amateurs du chef d’orchestre historique de la Philharmonie bucarestoise, ou aux mélomanes curieux des œuvres symphoniques de Khatchatourian ou Silvestri, gratifiées ici d’un remarquable panache.
Référence : Editura Casa Radio 271
La deuxième symphonie « avec cloches » d’Aram Khatchatourian est, comme tant d’autres musiques soviétiques de cette époque, une fresque de guerre. Chants cuivrés accompagnés de timbales, cantilènes patriotiques, épisodes puissants et funèbres – l’on note la citation du Dies Irae dans l’Andante Sostenuto – et apothéose expressive. Cette œuvre bien écrite semble avoir perdu au fil des âges son pouvoir de séduction. L’histoire de l’interprétation a plutôt privilégié le legs de Chostakovitch ou Prokofiev en la matière, sans parler d’autres auteurs moins célèbres. La symphonie de Khatchatourian lasse par sa dimension et son discours énergique mais trop convenu.
La conception de Georgescu rend pleine justice aux intentions du compositeur. Le chef encourage de la voix ses musiciens dont il parvient à exprimer toute la force lyrique et virtuose. Une prestation instrumentale de très haut niveau.
Le Concerto de Brahms rappelle que le chef roumain est l’élève et légataire d’Arthur Nikisch. Georgescu dirige selon la tradition germanique, tout en puissance et avec un soin particulier des articulations. Une approche qui paraît aujourd’hui datée mais qui a longtemps représenté la quintessence de l’art interprétatif brahmsien. Le final s’en ressent, loin du caractère enjoué que d’aucuns savent lui imprimer, d’autant plus que certains passages semblent mal équilibrés. Question de captation sonore ? Le violon de Menuhin est admirable de maîtrise.
Une vision concentrée mais sans grain de folie. Un regret supplémentaire : on aurait aimé que le report ne coupe pas si brutalement l’accord final du mouvement initial et laisse le beau son de la philharmonie s’épanouir dans la salle de l’Athénée.
L’apparition de David Oïstrakh sur la scène au côté de Menuhin fut l’un des points culminants du Festival. L’on connaît la version miraculeuse d’Enesco lui-même avec le tout jeune Menuhin, en 1932. Monteux dirigeait. En 1958, Georgescu remplace Monteux, et Oïstrakh tient la partie d’Enesco au deuxième violon soliste. Rencontre au sommet, sans doute, et que les commentateurs d’un « dégel » entre l’Est et l’Ouest crurent bon de souligner en tant que geste politique. Musicalement, un témoignage sur la façon dont Bach pouvait être perçu au milieu du XXe siècle, qui pourra paraître en dépit de sa maîtrise instrumentale trop daté en 2011.
La Toccata de Constantin Silvestri est un morceau motorique comme la première moitié du siècle les appréciait – à la fois étude sur le rythme et course à l’abîme. Une partition ciselée par Georgescu et ses musiciens, en salut confraternel à celui qui allait quatre jours plus tard diriger la première roumaine de l’opéra Œdipe.
Le CD se termine avec un extrait des entretiens entre Enesco et Gavoty pour la radio française (1951), dans lequel le Roumain évoque sa rencontre avec Yehudi Menuhin. Le passage n’est pas un inédit, mais on est heureux de réécouter ici le maître rappeler combien la reprise en mains de l’enfant prodige fut parfois nécessaire.
La courte déclaration de Georgescu est plus anecdotique.
Un album essentiel aux amateurs du chef d’orchestre historique de la Philharmonie bucarestoise, ou aux mélomanes curieux des œuvres symphoniques de Khatchatourian ou Silvestri, gratifiées ici d’un remarquable panache.
Référence : Editura Casa Radio 271
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