jeudi 19 juillet 2012

Quelques photos de Roumanie (juillet 2012)












et d'autres encore sur :

https://plus.google.com/photos/112241426561631928745/albums/5766214846298941617

lundi 30 avril 2012

Silvestri dirige Saint-Saëns, Dukas, Debussy et Ravel

L’art du chef Constantin Silvestri, disparu en 1969, semble quelque peu oublié des mélomanes d’aujourd’hui. La faute sans aucun doute à une vie déracinée. Après la guerre, Silvestri est promis à une carrière d’exception dans sa Roumanie natale. Mais à la mort de Staline, le retour en grâce du chef historique George Georgescu, élève du grand Nikisch et apprécié par Toscanini, lui barre la route du Philharmonique de Bucarest. C’est Silvestri en personne néanmoins qui dirige la première roumaine de l’opéra Œdipe, de Georges Enesco.

Cette victoire de la musique sur le destin est sans lendemain. Le chef se résout à quitter son pays après les attaques du pouvoir contre cette œuvre trop libre.

C’était à la fin des années 1950. Jamais plus il ne reviendra dans un pays communiste. Désormais, son art se mesure à celui de ses plus prestigieux confrères occidentaux. Il dirige en France, au Royaume-Uni surtout, pour s’éteindre à Londres une décennie seulement après son exil. 

Quelques rééditions récentes nous rappellent comment cet artiste hors pair savait faire sonner l’orchestre. Le double CD de musique symphonie française de Forgotten Records (fr 622/3), venant compléter d’autres redécouvertes de ce chef, nous remet dans l’oreille ce don remarquable. Il faut écouter ce que Silvestri parvient à tirer de l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, formation habituellement considérée de second rang, dans Fêtes (le deuxième des Trois Nocturnes de Debussy), l’Apprenti Sorcier ou la Danse Macabre. Les plans sont clairs, les interventions instrumentales soulignées avec art. La battue du chef, nerveuse à souhait, sert d’une pointe sèche la passion dont cette musique regorge.

On aura certes connu version plus radicale encore du scherzo symphonique de Paul Dukas (Toscanini en 1951, plus rapide d’une bonne minute) mais il faut goûter ici la rutilance des combinaisons instrumentales. La Danse Macabre, démoniaque de la première à l’ultime mesure, palpite comme un écho occidental de la Nuit sur le Mont Chauve. L’approche du Boléro est presque précautionneuse, en habile prélude aux déclamations crescendo portées par un souffle souverain. L’on écoutera avec grand intérêt les œuvres de Debussy qui occupent la moitié de cette compilation. Sans doute, d’autres interprètes auront su brosser une Mer plus démontée ou un Faune plus charnel, mais Silvestri séduit par le sentiment d’évidence qu’il réussit à imprimer à ces partitions.

Constantin Silvestri appartient à cette génération trop ignorée du grand public et à laquelle la stature – réelle et fabriquée - d’un Karajan a fait tant de tort. On peine, il est vrai, à associer son nom à une formation renommée. C’est pourtant avec la Philharmonie Tchèque qu’il grave en 1953 une Rhapsodie Espagnole de Maurice Ravel explosive et langoureuse. Dommage que le son des musiciens pragois soit mal servi par un spectre sonore trop étroit.

samedi 21 janvier 2012

Cinq plus trois : les symphonies de Pascal Bentoiu


Enfin ! Pascal Bentoiu, prolifique compositeur né en 1927, est aujourd’hui honoré par Electrecord d’une édition intégrale de ses symphonies. On désespérait de la capacité du label roumain à renouveler enfin son catalogue, après tant d’offres décevantes, d’interprètes fatigués ou de compilations ouvertement commerciales. Voilà chose faite avec cette découverte passionnante.

Ce coffret intitulé « 8 Simfonii şi un Poem » (8 Symphonies et un poème) ajoute le poème symphonique intitulé Eminesciana III, en hommage au poète romantique Eminescu, au cycle symphonique intégral. La notice – en roumain et en français, s’il vous plaît, et de la main même du compositeur – éclaire l’auditeur sur les neuf partitions ici présentées. Dans la suite de l’article, je ferai appel entre guillemets à ce texte de qualité. Le coffret porte la référence EDC 972-976.


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Cette notice surprend par l’explication du « grand projet » qui présida à l’écriture de ce vaste cycle. Pendant un peu plus de 20 années, de 1965 à 1987, Pascal Bentoiu réalisa patiemment un plan d’ensemble anticipé avec soin.

La première symphonie fut en effet une sorte d’exercice préparatoire à l’écriture de l’opéra Hamlet. Son caractère austère est en contraste complet avec la joviale deuxième symphonie. Ayant sous les yeux deux œuvres si dissemblables, le compositeur posa le plan de ses trois futures symphonies : celles aux numéros impairs seront « introspectives, voire tragiques » ; quant aux autres – les numéros 2 et 4 – elles se devront d’être « extraverties, explosives, parfaitement libres ».

Voilà dessiné le premier « grand projet symphonique » de Pascal Bentoiu. Il fut entièrement réalisé en 1979 avec la réalisation de la 5e Symphonie. Cette expérience de composition s’avéra fertile. Le compositeur avait enrichi sa palette de nouvelles techniques. Il décida de les mettre en application dans un nouveau cycle de trois symphonies :

« Incité par la technique modale que j’avais mise au point à l’occasion des Quatuors op. 27, j’ai imaginé un nouveau groupe de trois symphonies apparentées, cette fois-ci, aux beaux-arts : la 6e à la peinture, la 7e à l’architecture et la 8e à la poésie ».

Voilà pourquoi les symphonies de Bentoiu se décomposent selon les propres mots de l’auteur en deux cycles, obéissant chacun à un canevas anticipé et mis en application avec rigueur. Entrons dans le détail de cet étonnant Cinq plus Trois.

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La première symphonie op. 16 (1965) est en trois mouvements Allegro vivace, Adagio et Allegro. L’absence de Scherzo illustre le dessein austère de la partition, dans laquelle l’auteur s’est efforcé de construire une œuvre cohérente sur un matériel thématique délibérément restreint. Un « sérieux exercice d’orchestration » ? On pourrait en douter tant l’œuvre est habile, sans jamais s’enfermer dans une filiation stérile de maîtres du passé ou d’imitations pseudo-folkloristes. Connaît-on un autre exemple de symphonie composée en guise d’entraînement, quand un Brahms repoussa tant d’années l’achèvement de son premier opus dans le genre ?

Comme les autres partitions à venir, cette symphonie inaugurale affirme une modernité tranquille et accessible. La sévérité des deux premiers mouvements est accentuée par des tensions non résolues, que laisse éclater l’Allegro final dans une série de variations.

Neuf années plus tard (1974), la deuxième symphonie op. 20 offre un étonnant caractère de joie sans arrière-pensées. On sait combien il est difficile pour un créateur d’exprimer la bonne humeur sans verser dans la bêtise, la complaisance navrante, le « rire de l’ange » de Milan Kundera. Rien de cela ici. Pascal Bentoiu exacerbe son art pour lui imprimer accents de musique populaire contemporaine, de jazz et peut-être même de music-hall. Le finale Allegretto giusto est un remarquable chant de jubilation tendu vers la péroraison des cuivres jusque-là muets. Je verrais volontiers dans la plus interprétée des symphonies de Pascal Bentoiu l’hommage enjoué d’un maître européen à ses pairs américains.

La troisième symphonie op. 22 – impaire, donc sévère – est écrite deux années plus tard (1976). Bentoiu invente : « elle se compose de séquences de gestes musicaux, successivement présentés en structures majeure, mineure et atonale ». Son premier mouvement est parcouru par une course éperdue qui passe de pupitre en pupitre. Le mouvement central, lent, est une vaste passacaille développée en 18 variations, « peut-être déprimante ». Le Finale bouillonnant laisse enfin s’exprimer une mélodie dépouillée qui s’éteint sur « douze accords complexes, identiques, toujours plus espacés ». La conclusion porte en exergue les mots de Matthieu 24:30 :


et tunc apparebit signum Filii hominis in caelo

Alors le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le ciel (traduction de Louis Segond) 


La pastorale éthérée des premières mesures de la Symphonie n° 4 op. 25 (1978) se développe en une polyphonie complexe avec chants de glockenspiels, cloches et gamelans. Comme dans un rêve, la joie naïve des violons semble répondre à l’atmosphère idyllique de la 2e Symphonie. Le mouvement s’achève par la réexposition du matériel initial. Le curieux Lento dessine une sorte de jardin enchanté sur modes byzantins, alors que l’Allegro final surprend par la vivacité de ses cordes sur basse électrique, avant de s’éteindre dans l’écho de battements de cœur.

Cette œuvre, remarquable par son instrumentation – percussions imposantes et guitare basse – est la dernière des symphonies en forme classique de 3 ou 4 mouvements. En effet, la Symphonie n° 5 op. 26 (1979) qui termine le cycle est aussi la première d’un nouveau style encore plus libre. Elle s’affranchit du découpage caractéristique en 3 ou 4 parties avec son unique mouvement d’une vingtaine de minutes. Cet Adagio se déploie selon une idée si simple qu’on s’étonne qu’elle n’ait pas été exploitée auparavant : selon un principe chronologique, nous entendons les différentes techniques musicales depuis les plus simples - la monodie des origines, chantée par la clarinette - jusqu’aux fondements complexes de l’atonalisme et la sérialisation pour s’achever par « l’explosion du langage ». Dans cet intervalle nous aurons goûté à la polyphonie de 2 à 14 voies (6e minute), puis à l’harmonie (9e minute), à l’accord parfait de l’orgue (15e) et au chromatisme (18e). Idée à la fois simple et mémorable, réalisée ici avec un art consommé. Il serait séduisant de voir dans cette œuvre le résumé d’un millénaire d’histoire musicale occidentale, idée que Pascal Bentoiu récuse pourtant dans son texte.

On pouvait craindre que cinq symphonies conçues selon un schéma préétabli n’offrent en définitive qu’un art sans passion, étouffé par sa rationalité. Il n’en est rien. L’écriture de Bentoiu regorge de vie et d’idées intéressantes. Chacune de ses symphonies est originale, sans imitations ni redites.

L’on note avec un certain étonnement l’absence de toute référence nationaliste dans cette musique. Au rebours de ses pairs, Bentoiu inscrit son art dans la ligne générale d’une musique occidentale détachée des contingences patriotiques. Cette ouverture à l’universel nous la rend attachante. Nous savourons ici une musique écrite par un Roumain, mais pas une musique roumaine.



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Le « poème-concert » Eminesciana III est contemporain de la 3e Symphonie (1976). Le compositeur illustre la Troisième Epitre de Mihai Eminescu, dans laquelle le poète narre la Bataille de Rovine. En 1394, Mircea l’Ancien, prince de Valachie, mène un combat contre les armées ottomanes quatre fois plus nombreuses – et remporte la victoire. Le conflit musical oppose le pluri-modalisme pastoral, autochtone, aux « tracés et harmonies sérielles » de l’envahisseur. Comme dans le poème et dans la vérité historique, les éléments autochtones l’emportent.

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La symphonie « Couleurs » (1985) ouvre le cycle des trois œuvres à titre, chacune étant consacrée à un art. Cette 6e Symphonie consacre à travers ses mouvements « une sorte d’ascension allant de l’obscurité à la lumière ». Elle débute par Noir (« obscurité totale avec de vagues scintillements »), continue par Rouge, avec « la poussée du sang dans les artères et les veines » symbolisée par le chant des altos. Vert évoque la nature avec ses appels de cors. Jaune, inspiré par le tableau de Van Gogh Poiriers en fleurs, surprend par son approche grave. La mélodie des violons parcourt la gamme tout au long du morceau pour achever dans l’extrême aigu. Bleu commence sur les mêmes cimes éthérées pour dépeindre un univers sans contraintes, comme un vol dans l’azur. L’éclat « diamantin, transparent » de Blanc termine la symphonie. Les dernières mesures, « lumière de l’âme », offrent un final apaisé.

La septième symphonie « Volumes » (1986) est d’inspiration architecturale. Elle est plus austère que l’œuvre précédente. Ses deux mouvements contrastés « nous ont semblé apparentés aux deux quasi-hémisphères du Parlement de Brasilia ». Il est vrai que le premier d’entre eux est sobrement tourné vers le bas, alors que l’autre est ouvert sur le plein ciel, principe peut-être illustré par l’étonnante progression orchestrale de l’Allegro attisé par les percussions omniprésentes.

La huitième et dernière symphonie « Images » est de loin la plus longue de tout le cycle. Son exécution dépasse l’heure. Elle est écrite une année après « Volumes », en 1987. Chacun de ses cinq mouvements porte le nom d’un poète.

Virgile. Les vaisseaux troyens remontent le Tibre. La musique évoque la progression des navires en cette terre d’exil, accompagnés par le chant des oiseaux. Apothéose qui annonce la fondation de Rome par Enée.

Dante. Accompagné de l’ombre de Virgile, le poète décrit Lucifer prisonnier des glaces. Les nombreux trémolos représentent peut-être le vent glacial produit par les ailes du démon.

Shakespeare, avec les espiègleries d’Ariel (La tempête). L’insouciance de cette section est altérée par des passages plus noirs, en évocation du monstre Caliban.

Goethe. Sa dédicace de Faust inspire ici une lancinante introspection confiée aux cordes seules.

Vous revenez à moi, flottantes visions, que, dans ma jeunesse, je vis apparaître un jour à mon regard troublé : puis-je essayer de vous enchaîner aujourd’hui ? 

Le sonnet posthume La descente des eaux d’Eminescu est une parabole de l’existence, avec les chants insouciants de sources jusqu’à leur oubli final dans la mer amère. Pour la dernière partie, Pascal Bentoiu a choisi ce thème comme pendant au premier mouvement, quand Virgile chantait la renaissance au terme d’un voyage au rebours de l’onde. Un « rayon de lumière » est apporté sur la fin avec les premières strophes du merveilleux poème Au ciel, les étoiles vocalisées par une soprano.

Les cordes murmurent par deux fois, dans les dernières mesures de l’œuvre, un curieux motif de huit sons : sol-sol-do-ré-la-fa-si-do, « les fondamentales harmoniques des huit symphonies » dans leur ordre de composition. Avec ce geste ultime, l’auteur embrasse d'un regard rétrospectif le vaste cycle symphonique commencé plus de vingt années auparavant.


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Les trois dernières symphonies affermissent le sentiment laissé par le cycle des cinq premières. Elles sont plus exigeantes, certainement, mais aussi plus profondes. On devine à travers elles un auteur d’une très grande culture, attentif à son époque comme à l’histoire de l’art. Sa musique, même quand elle reste accessible dès la première écoute, reflète cette intelligence. Jamais elle ne verse dans la complaisance ou les effets faciles.

Tout amateur de musique contemporaine (mais les années 1960, est-ce toujours du « contemporain » ?) se devrait de connaître ces partitions. On souhaite qu’une prochaine réédition d’Electrecord accorde davantage d’attention à la mise en valeur de ce coffret, par exemple en ajoutant un titre en langue anglaise ou française, tant il serait dommage de limiter l’audience de cette musique aux seuls mélomanes roumains.

En guise de PS - et les interprètes ?

On aura beau tourner et retourner le coffret de cinq disques, impossible de trouver mention des interprètes et des dates d’enregistrement. Pour cela il faudra consulter le verso de chaque pochette de CD ! J’ai donc choisi de recopier ci-dessous les détails manquants afin d’éclairer l'amateur. Il serait agréable qu’Electrecord parachève la démarche de bonne volonté qui a rendu cette édition possible, en cessant de négliger ce genre de « petites choses » toujours embêtantes pour le mélomane de base, qui aime bien savoir à quels interprètes il aura affaire, d’autant plus que cette liste, où l’on note de sérieux orchestres et chefs roumains, n’a rien de déshonorant.

Symphonie n° 1 op. 16, 1965 19’57
Allegro vivace 6’20
Adagio 6’15
Allegro 6’39
Orchestra Filarmonicii din Cluj (Orchestre Philharmonique de Cluj), dir. Erich Bergel (04/1968)


Symphonie n° 2 op. 20, 1974 23’10
Allegro piacevole 5’38
Giusto 3’55
Lento 6’16
Allegretto giusto 7’05
Orchestra Simfonică Radio (Orchestre Symphonique de la Radio Roumaine), dir. Iosif Conta (11/1975)


Symphonie n° 3 op. 22, 1976 35’58
I 8’36
II 16’20
III 10’49
Orchestra Filarmonicii “George Enescu” (Orchestre Philharmonique “Georges Enesco”), dir. Mircea Cristescu (03/1978)

Symphonie n° 4 op. 25, 1978 26’21
Allegro 13’48
Lento 7’25
Allegro 4’52
Orchestra Simfonică Radio (Orchestre Symphonique de la Radio Roumaine), dir. Iosif Conta (12/1979)

Symphonie n° 5 op. 26, 1979 22’37
Quasi lento
Orchestra Simfonică Radio (Orchestre Symphonique de la Radio Roumaine), dir. Paul Popescu (03/1983)


Symphonie n° 6 op. 28 « Culori » (« Couleurs »), 1985 38’05
Negru (Noir) 8’01
Roşu (Rouge) 4’34
Verde (Vert) 4’35
Galben (Jaune) 7’00
Albastru (Bleu) 5’53
Alb (Blanc) 7’30
Orchestra Filarmonicii din Cluj (Orchestre Philharmonique de Cluj), dir. Cristian Mandeal (07/1987)


Symphonie n° 7 op. 29 « Volume » (« Volumes »), 1986 22’57
I 14’08
II 8’38
Orchestra Filarmonicii din Timişoara (Orchestre Philharmonique de Timişoara), dir. Remus Georgescu (06/1987)

« Eminesciana » III op. 23, 1976 19’40
Orchestra Simfonică Radio (Orchestre Symphonique de la Radio Roumaine), dir. Iosif Conta (05/1977)

Symphonie n° 8 op. 30 « Imagini » (« Images »), 1987 61’11
Vergilius (Virgile) 14’32
Dante 10’02
Shakespeare 8’25
Goethe 11’28
Eminescu (Eminesco) 16’12
Orchestra Naţională Radio (Orchestre National de la Radio), dir. Horia Andreescu (10/2005) – Soprano : Irina Iordăchescu.

samedi 19 novembre 2011

Festival Enesco 1958 : Oedipe

On est heureux et surpris de trouver l’édition officielle de la première roumaine d’Œdipe, unique opéra d’Enesco. Heureux, car l'oeuvre reste une rareté, en dépit d’un regain d’intérêt sur quelques scènes internationales. Surpris, puisque cette production de l’Opéra de Bucarest dirigée par Constantin Silvestri est restée depuis 1958 inédite au disque ; certains pensaient même qu’elle était définitivement perdue, d’où sa dimension légendaire dans le petit cercle des admirateurs d'Enesco.

Première interrogation : pourquoi un album de deux CD quand l’édition officielle Electrecord de 1964, avec Mihai Brediceanu à la baguette, en contient trois ? S’agit-il d’une version expurgée ? Un coup d’œil sur les minutages ne démontre qu’une différence de neuf minutes entre les deux interprétations. Cet écart ne remplit certes pas un CD : l’explication est qu’Electrecord n’a pas cherché à combler la capacité des disques, quand la Radio Roumaine propose deux galettes bien garnies.

La captation publique du 22 septembre 1958 bénéficie d’une bonne monophonie, un peu saturée par moments. La voix de baryton de David Ohanesian, qui étrenne ici une longue carrière centrée sur l’incarnation du rôle-titre, est parfaitement mise en valeur : à titre d’exemple, l’on écoutera avec le plus grand intérêt le monologue du 2e acte (piste 9), ou encore le début du dernier acte.

Silvestri porte à bout de bras une œuvre qu’il a tant préparée. Mais le pouvoir voyait d’un mauvais œil cet opéra et sa dimension mythique, doublée d’allusions supposées à « l’espace mioritique » du poète Lucian Blaga. 1958, l’année du Festival, est celui des procès contre les intellectuels. La presse ignore le succès musical et public de l’opéra d’Enesco. Comment un artiste pourrait continuer à servir une musique jugée indésirable ? Silvestri devait dès lors choisir son propre destin, au-delà du rideau de fer. Jamais plus il ne reviendra dans cette Roumanie qu’il a tant honorée à travers son art.

L’album comporte un très intéressant extrait des entretiens avec Gavoty, où Enesco joue au piano le passage de l’énigme de la sphinge et la réponse d’Œdipe. Une réelle performance, mais trop brutalement coupée au montage. D’un point de vue technique, quelques raccords hasardeux (entre les tableaux II et III du 2e acte par exemple) auraient pu être évités.

Notice intéressante que l’on aurait aimé voir accompagnée d’un livret. A noter que la transcription en langue roumaine du texte d’Edmond Fleg, réalisée par Emanoil Ciomac, a reçu l’aval officiel du compositeur.

Référence
Editura Casa Radio ECR 268

samedi 12 novembre 2011

Festival Enesco 1958 : Silvestri, Arrau

On découvre avec grand intérêt dans la collection Festival Enesco 1958 un album consacré à la musique roumaine contemporaine.


Alfred Mendelsohn est un nom fréquemment cité dans les encyclopédies, mais absent des catalogues discographiques. La 6e symphonie de ce compositeur débutait le concert de l’Orchestre National de la Radio, avec à sa tête Constantin Silvestri, le 19 septembre 1958. Le choix de cette œuvre revêt une signification particulière. Ecrite l’année de la disparition d’Enesco (1955), elle se veut un hommage au père de la musique savante roumaine.

Le style de Mendelsohn n’est cependant pas celui de son modèle. La symphonie surprend par sa facilité d’écoute, la qualité de son orchestration, son architecture robuste. On peut goûter sa verdeur roborative, à défaut d’une profondeur affirmée. Son mouvement initial (Ben moderate. Allegro ma non troppo) est une sorte de pastorale culminant en un hymne cuivré (6e minute). La danse fantastique du Scherzo –Allegro con brio est aussitôt suivie d’une marche funèbre (Lento doloroso, 3e mouvement). La dernière partie du finale (Con brio, brillante), très extravertie, emprunte en le transformant son thème héroïque à la 1ère symphonie d’Enesco. L’ovation du public rend justice à la ferveur de Silvestri et de ses musiciens de l'Orchestre de la Radio.

Les Trois Danses Roumaines de Theodor Rogalski ne sont pas une découverte : cela fait longtemps que ces miniatures symphoniques de qualité sont disponibles dans les rayons, sous la baguette d’Horia Andreescu. L’on regrette tout de suite le son étriqué de cette nouvelle parution. Que s’est-il passé entre la symphonie de Mendelsohn et les danses de Rogalski pour que le spectre sonore soit réduit à un tel point ? Faut-il incriminer le travail de restauration ? L’imbroglio ici offert à nos oreilles ne rend justice ni aux talents d’instrumentateur de Rogalski, ni à ceux d’interprète de Silvestri.

Le second CD est consacré à Brahms, qu’Enesco admirait tant. Claudio Arrau se rappelle certainement que sa première prestation publique s’est faite sous l’égide de George Georgescu, au sortir de la Grande Guerre. Dans le Deuxième Concerto pour piano du maître allemand, Silvestri s’affirme accompagnateur hors pair. Son orchestre, en dépit de ses faiblesses techniques, répond à un Claudio Arrau très soucieux de souligner les contrastes d’une œuvre poétique et martiale. Le passage piu adagio du mouvement lent est servi avec tout le sentiment que cette musique si délicate mérite.

Mais pourquoi le report a-t-il si sauvagement écourté les deux premiers mouvements ? L’auditeur est victime du même coup de Jarnac que sur le CD Georgescu, quand on aurait aimé savourer l’écho orchestral dans la salle de l’Athénée.

En compléments, Enesco raconte à Gavoty sa rencontre avec Brahms. On se demande pourquoi la Radio roumaine a jugé intéressant, pour finir le CD, de reproduire la courte déclaration d’Arrau dans la parfaite ligne de la doxa communiste, entre le rôle de la musique pour la paix et la merveilleuse clairvoyance du public bucarestois.

Référence : Editura Casa Radio 272

Note

mercredi 9 novembre 2011

Festival Enesco 1958 : récital Oïstrakh

La collection de la Radio Roumaine sur le premier Festival Enesco comblera les admirateurs de David Oïstrakh, qui apparaît sur trois des quatre albums consacrés aux concerts de l’Athénée. Le 20 septembre 1958, le violoniste russe présente un récital de musique de chambre, en duo avec le pianiste Vladimir Iampolski. Un concert d’une ampleur certaine – près de 80 minutes – composé, comme on le verra, de pièces parmi les plus exigeantes du répertoire, aussi bien pour les musiciens que pour le public.

La Sonate en sol mineur de Tartini « Didone abbandonata » est moins connue que les « Trilles du Diable », sans aucun doute à cause de la légende sulfureuse qui entoure la genèse de ce dernier morceau. On mesure à l’audition l’injustice de cette situation, tant d’un point de vue musical la partition défendue par Oistrakh et Iampolski mérite tous les éloges.

Incomparablement plus célèbre, la Sonate de Franck est une œuvre maîtresse du répertoire d’Oïstrakh. Il faudra ajouter aux quatre ou cinq versions déjà disponibles cette captation lumineuse dans laquelle l’esprit poétique et tourmenté de César Franck s’épanouit sans heurt.

Deux regrets : Fritz Kreisler a cru bon de réviser la Fantaisie op. 131 en do de Robert Schumann, et David Oïstrakh a cru bon d’ajouter cet arrangement d’un quart d’heure au programme. Un jeu irréprochable pour une partition contestable, tant on préfère écouter Schumann tel qu’il a été écrit. Mais il est vrai que l’époque voulait que l’on retouchât sans vergogne un compositeur fort injustement décrié pour ses faiblesses.

Les trois Mythes de Karol Szymanowski d’après Ovide renouent avec l’Antiquité. En inscrivant ces pièces au récital, le violoniste voulait vraisemblablement saluer le pays où l’auteur des Métamorphoses finit ses jours. Cette musique entre deux âges et sans concession – un peu à la façon d’Enesco d’ailleurs, dont on se prendra à évoquer plus d’une fois ici les extraordinaires Impressions d’enfance – réclame une profonde attention de l’auditeur. L’on admire le soin apporté à chaque nuance de ce discours musical exigeant et d’apparence aride.

La rhapsodie Tzigane de Maurice Ravel offre un final extraverti à ce programme un peu sévère. David Oïstrakh s’empare de ce morceau d’une virtuosité cauchemardesque pour le jouer de la façon la plus naturelle que l’on puisse s’imaginer. Un tour de force pour parachever un concert qui ne l’est pas moins.

En complément, un extrait des entretiens d’Enesco et Gavoty sur la virtuosité, et un interminable panégyrique de la musique roumaine par David Oïstrakh, que l’on imagine dicté par des raisons idéologiques. Discours sans fond et donc inutile.

Référence : Editura Casa Radio 269

mardi 8 novembre 2011

Festival Enesco 1958 : Silvestri, Enesco, Oistrakh

Peu de temps avant son exil définitif de Roumanie, Constantin Silvestri s’investit corps et âme dans la musique d’un maître qu’il aimait tant. Enesco par Silvestri : il existe dans l’histoire de l’interprétation musicale des associations qui respirent l’évidence. Avant de créer l’opéra Œdipe lors du même festival international de 1958, le chef d’orchestre présente le 5 septembre un récital consacré à deux œuvres de maturité d’Enesco – on lui sait gré de nous épargner une n-ième version des Rhapsodies – et à Beethoven.

On a souvent rapproché l’Ouverture de concert sur des thèmes dans le caractère populaire roumains op 32 en la majeur – Uvertura de concert pe teme în caracter popular românesc, chaque mot est ici important – de l’écriture de Béla Bartók. Pourtant cette pièce sévère, et pourrait-on dire cruelle, avec son thème grimaçant qui revêt des atours fantastiques, évoque tout aussi bien le métier de Dimitri Chostakovitch. Voilà une œuvre lucide de l’après-guerre, sans gloire ni optimisme. On mesure la clairvoyance d’Enesco.

L’art de Silvestri est ici entravé par un orchestre de la Radio un peu pataud, peut-être victime du trac. L’autre interprétation de cette ouverture qu’il nous a laissée, captée en studio avec le même ensemble un rien plus vif (Electrecord EDC799/800, dates d’enregistrement non précisées), rend mieux justice au caractère sardonique de la partition.

Le constat s’inverse avec la troisième suite orchestrale Paysanne (Săteasca) mieux venue dans la version live du Festival que dans le double album déjà cité. Sans doute l’une des plus belles incarnations de cet œuvre majeure, animée d’un supplément d’âme qui faisait défaut à l’Ouverture.

Le deuxième CD présente le concerto pour violon de Beethoven avec David Oïstrakh en soliste. Le virtuose russe a enregistré à de multiples reprises cette œuvre avec toute la maestria, le lyrisme et l’humour dont on le sait capable. Je laisse à plus savant que moi le soin de démêler les avantages et défauts de chaque enregistrement ; on peut toutefois souligner ici la différence de classe entre le soliste et l’orchestre, qui n’a pas le lustre de la Philharmonie : décalages des vents, cordes souffreteuses, sonorités rauques… Silvestri fera incomparablement mieux chanter Vienne après son exil.

En complément, un extrait des entretiens d’Enesco avec Bernard Gavoty (sur le vibrato) et un témoignage de David Oistrakh sur ses rencontres avec le maître roumain. Ce double CD est introduit par l’indicatif du festival où l’on reconnaîtra le thème de la 1ere symphonie d’Enesco.

Référence : Editura Casa Radio 270

dimanche 6 novembre 2011

Festival Enesco 1958 : Georgescu, Menuhin, Oistrakh


J’ai évoqué ici la très longue carrière de George Georgescu. Ce chef déjà âgé redevient à la fin de l’année 1953 titulaire de la Philharmonie de Bucarest, à laquelle il décide d’associer le nom de George Enescu après la mort du compositeur. On devine quelle énergie il fallut aux musiciens bucarestois le 18 septembre 1958, dans le cadre du premier festival dédié au grand créateur, pour soutenir un programme d’une telle exigence : une symphonie moderne de près d’une heure, le Concerto de violon de Brahms, celui pour deux violons BWV 1043 de Bach et la complexe Toccata de Silvestri.

La deuxième symphonie « avec cloches » d’Aram Khatchatourian est, comme tant d’autres musiques soviétiques de cette époque, une fresque de guerre. Chants cuivrés accompagnés de timbales, cantilènes patriotiques, épisodes puissants et funèbres – l’on note la citation du Dies Irae dans l’Andante Sostenuto – et apothéose expressive. Cette œuvre bien écrite semble avoir perdu au fil des âges son pouvoir de séduction. L’histoire de l’interprétation a plutôt privilégié le legs de Chostakovitch ou Prokofiev en la matière, sans parler d’autres auteurs moins célèbres. La symphonie de Khatchatourian lasse par sa dimension et son discours énergique mais trop convenu.

La conception de Georgescu rend pleine justice aux intentions du compositeur. Le chef encourage de la voix ses musiciens dont il parvient à exprimer toute la force lyrique et virtuose. Une prestation instrumentale de très haut niveau.

Le Concerto de Brahms rappelle que le chef roumain est l’élève et légataire d’Arthur Nikisch. Georgescu dirige selon la tradition germanique, tout en puissance et avec un soin particulier des articulations. Une approche qui paraît aujourd’hui datée mais qui a longtemps représenté la quintessence de l’art interprétatif brahmsien. Le final s’en ressent, loin du caractère enjoué que d’aucuns savent lui imprimer, d’autant plus que certains passages semblent mal équilibrés. Question de captation sonore ? Le violon de Menuhin est admirable de maîtrise.

Une vision concentrée mais sans grain de folie. Un regret supplémentaire : on aurait aimé que le report ne coupe pas si brutalement l’accord final du mouvement initial et laisse le beau son de la philharmonie s’épanouir dans la salle de l’Athénée.

L’apparition de David Oïstrakh sur la scène au côté de Menuhin fut l’un des points culminants du Festival. L’on connaît la version miraculeuse d’Enesco lui-même avec le tout jeune Menuhin, en 1932. Monteux dirigeait. En 1958, Georgescu remplace Monteux, et Oïstrakh tient la partie d’Enesco au deuxième violon soliste. Rencontre au sommet, sans doute, et que les commentateurs d’un « dégel » entre l’Est et l’Ouest crurent bon de souligner en tant que geste politique. Musicalement, un témoignage sur la façon dont Bach pouvait être perçu au milieu du XXe siècle, qui pourra paraître en dépit de sa maîtrise instrumentale trop daté en 2011.

La Toccata de Constantin Silvestri est un morceau motorique comme la première moitié du siècle les appréciait – à la fois étude sur le rythme et course à l’abîme. Une partition ciselée par Georgescu et ses musiciens, en salut confraternel à celui qui allait quatre jours plus tard diriger la première roumaine de l’opéra Œdipe.

Le CD se termine avec un extrait des entretiens entre Enesco et Gavoty pour la radio française (1951), dans lequel le Roumain évoque sa rencontre avec Yehudi Menuhin. Le passage n’est pas un inédit, mais on est heureux de réécouter ici le maître rappeler combien la reprise en mains de l’enfant prodige fut parfois nécessaire.

La courte déclaration de Georgescu est plus anecdotique.

Un album essentiel aux amateurs du chef d’orchestre historique de la Philharmonie bucarestoise, ou aux mélomanes curieux des œuvres symphoniques de Khatchatourian ou Silvestri, gratifiées ici d’un remarquable panache.

Référence : Editura Casa Radio 271

Archives Festival Enesco 1958

Il faut sans doute mettre au compte du processus de déstalinisation – période dont on sait aujourd’hui qu’elle fut davantage trompe-l’œil que réelle démocratisation – la fondation en 1958 du Festival International Enesco de Bucarest (Festivalul Internaţional "George Enescu"). Cette manifestation culturelle est régulièrement assurée depuis lors, sa dernière édition remontant à cet automne.

La Radio Roumaine a enfin la bonne idée d’exploiter ses archives. Je ramène de Bucarest cinq albums de deux CD chacun, avec une partie des concerts captés en septembre 1958. On ignore si les autres concerts seront édités plus tard ou s’ils sont définitivement perdus. Ainsi le récital d’ouverture sous la baguette de Georgescu, avec la première symphonie d’Enesco dont le thème héroïque sert depuis d’emblème sonore à la manifestation. Je pense aussi à l’orchestre de Philadelphie. Son chef Eugene Ormandy, né Jenö Blau, avait tenu à honorer l’invitation du directeur de la Philharmonie bucarestoise. Certainement d’autres trésors attendent leur révélation. Cela sera l’occasion, espérons-le, d’une future moisson.

La collection se présente bien : couvertures cartonnées avec l’image de l’Athénée, salle historique de la capitale roumaine, sur imprimée par la signature d’Enesco. Notices solidaires de la jaquette, présentation en roumain et en anglais (on aurait aimé aussi en langue française, au regard du rapport qu’Enesco avait avec notre pays). Prix très accessible : 7 euros environ chaque exemplaire. Les minutages et dates d’enregistrement sont précisés.


























lundi 17 octobre 2011

Enesco en ligne

La radio roumaine a la bonne idée de mettre en ligne une partie du catalogue Enesco par lui-même. Ce matériel est disponible directement et sans frais depuis le site de Radio România Muzical, à l'adresse http://web.srr.ro/stream/demand-album.shtml?id=211&album=eaf6e9e186c439f1fb14a4b0852a010a.

Interprétations de très haut niveau, sans doute déjà disponibles au gré des rééditions, mais que l'on est heureux de retrouver ici rassemblées depuis un même portail. Un grand merci à G. Murnu pour la nouvelle.

Par ailleurs la phonothèque de la radio a enfin décidé d'exploiter ses archives, semble-t-il, puisque l'on trouve depuis peu en CD des concerts donnés lors du premier Festival Enesco, en 1958.


A noter que la "première" d'Oedipe est en réalité la première audition en Roumanie, et en langue roumaine, de cet opéra déjà créé vingt-deux années plus tôt et en français à Paris. On se réjouira de retrouver en version officielle cette interprétation mythique dirigée par Silvestri, que seuls quelques passionnés se partageaient grâce à des réseaux underground. D'autres interprètes de légende (Oistrakh, Menuhin, Arrau, Georgescu...) se partagent l'affiche.

Les CD sont complétés par des extraits de discours d'Enesco ou de ses interprètes. Un très prochain voyage à Bucarest me permettra de juger sur pièce la qualité de cette édition.

vendredi 13 mai 2011

Enesco dirige Enesco

Enesco, certes violoniste et compositeur avant tout, savait aussi faire chanter les orchestres. Les vieilles cires où il accompagne le jeune Yehudi Menuhin, dans les années 1930, sont justement célèbres. Ses autres enregistrements en tant que chef sont décevants : quand la prise de son n’est pas précaire, les musiciens qu’il dirige n’ont pas les moyens techniques de répondre à ses exigences. Il faut donc mesurer l’importance du CD Forgotten Records qui nous donne à écouter Enesco par Enesco, et de surcroît dans des conditions fort acceptables. Ainsi les deux Rhapsodies Roumaines, ici jouées par la Société des Concerts Colonne, ne sont à ma connaissance disponibles dans aucun autre enregistrement conservé du chef. Nous avions bien la Première Rhapsodie captée en public en avril 1946 avec l’Orchestre Symphonique d’Etat d’URSS (Lys 312), mais elle est isolée, tout comme la Deuxième Rhapsodie donnée au pupitre de l’Orchestre de la Radiodiffusion française en 1951 (Besançon, hommage à Dinu Lipatti, Tahra 426).

Ainsi donc Enesco retrouve au début des années 1950 l’Orchestre Colonne. La relation est ancienne : à la fin du siècle précédent, l’orchestre avait fait découvrir aux Parisiens l’écriture élégante et caractérisée du petit Mozart roumain. Curieuses retrouvailles. Le vieil Enesco dirige des œuvres de jeunesse muni du métier conféré par une longue existence vouée à la musique. Les Concerts Colonne n’offrent pas, dans la Première Rhapsodie, l’agilité des musiciens moscovites. Mais la version, bénéficiant d’une captation lointaine, offre un son moins empâté – voire chambriste – qui rend justice aux articulations révélées avec grand soin par le chef.

La seconde Rhapsodie Roumaine est-elle une œuvre de jeunesse ? On aurait peine à le croire tant la vision d’Enesco tend à ériger cette pièce en une vaste et nostalgique clameur. La Rhapsodie prend alors les atours d’un poème symphonique à l’argument secret. Aussi indifférent que l’on soit aux hypothèses sur les intentions d’un interprète, l’on ne peut s’empêcher d’évoquer ici l’hommage rendu au pays natal - par-delà les âges, les espoirs vaincus et le terrible rideau qui désormais déchire l’Europe.

Le Dixtuor est dédié à une formation réunissant deux quintettes à vent, où le cor anglais remplace l’un des hautbois. L’œuvre, luxuriante, est à rapprocher de l’Octuor pour cordes. Elle donne à entendre cet Enesco à la fois aisé (l’incipit est quasi brahmsien) et facilement déconcertant, pourrait-on dire, à l’instar de plusieurs œuvres de cette période. Nulle faiblesse d’écriture ici, comme l’on affectait alors – certains l’affectent toujours – de le croire. Dans son livre Capodopere Enesciene, Pascal Bentoiu explique que cette sensation insolite provient de l’alternance entre passages modaux et tonaux. Derrière un style d’apparence classique, Enesco est un authentique découvreur. La partition s’affirme en digne héritière des divertissements mozartiens et romantiques, aucunement versée dans le pastiche cependant. Elle se révèle très bien écrite, notamment le premier mouvement dont l’architecture est remarquable.

Une interprétation avec les solistes de l'Orchestre National de la Radiodiffusion Française, à mettre au même niveau que la référence donnée par Constantin Silvestri avec des musiciens roumains (EMI ou Electrecord).

Un CD Forgotten Records Ref. fr 517, reprise des microsillons Remington R-199-207 et R-199-107.

dimanche 27 mars 2011

Nouveau CD Silvestri chez Forgotten Records

C’est une histoire sans fin. On aura beau l’avoir entendue dix, cent, mille fois ou plus encore, rien n’y fait. La Symphonie du Nouveau Monde possède le rare privilège de pouvoir émerveiller à chaque écoute. Je ne tomberai pas dans le lieu commun qui voudrait qu’une œuvre d’art puisse s’imposer de la même façon au novice comme au mélomane aguerri. Rien de tel avec la dernière symphonie de Dvořák. Sa richesse est telle que tout amateur y trouve des raisons, différentes et bien réelles, de s’exalter. Le paradoxe est qu'une fréquentation assidue ne parvient pas à modérer cette flamme, bien au contraire.

On pourra rechercher les causes de cet enchantement dans l’intense foisonnement mélodique de la partition, l’intelligence de sa construction ou des raisons extramusicales. J’ai parlé sur ce site de la ferveur humaniste que l’on prête, à tort ou à raison, à une œuvre dont le sujet inconscient dépasse de loin les circonstances qui l’ont vues naître. Peut-être faudra-t-il en définitive admettre que cette œuvre possède quelque chose qui défie l’analyse rationnelle. Certains appellent cela le génie.


Les premières mesures, sous la direction de Constantin Silvestri, retiennent l’attention. Le chef roumain choisit d’accentuer le caractère désolé de l’introduction avec de discrets sforzandi. L’intention peut surprendre tant l’enjeu est risqué. Dvořák connaissait intimement les rouages de l’orchestre, étant lui-même passé par la fosse et ensuite monté sur l’estrade de chef. L’introduction se doit d’être prise en ce qu’elle est, sans artifices ni vibratos, quasi atone, afin de préparer l’élan héroïque du premier thème.

L’intention du chef n’est toutefois pas d’accaparer la partition. Son approche du mouvement initial, très appliquée, rend pleine justice à la musique. Des choix mélodiques flattent l’oreille : le contre-chant des bois, avant l’exposé du troisième thème (mesures 128 et suivantes, 3’34), est ici donné par-dessus la ligne des violons d’habitude privilégiée. Autre passage lumineux quand les flûtes et hautbois en quatuor expriment leur jubilation (mes. 353 et suivantes, à partir de 7’07). Le choix a-t-il été dicté par le souci de mettre en valeur la prestigieuse école française des vents ? Des bois qui se permettent même quelques curieuses arabesques (les flûtes à 6’38, au début de la mesure 324 ; puis lors de la répétition, mesure 332).

La vision de Silvestri est à la fois volontaire et gorgée de lyrisme, si bien que sous sa direction ce mouvement initial est l’un des plus exacerbés qu’il m’ait été donné d’entendre. Les sons parfois un peu âpres de l’orchestre français servent son discours. La National mène le mouvement initial vers une coda époustouflante, que l’on est heureux d’entendre ici sonner comme le diable, comme il se doit d’être. Dès les premières notes, le chef s’inscrit entièrement dans la perspective de ce summum orchestral porté par toute l’énergie dont l’orchestre de la radio pouvait être capable.

Est-ce le rôle dévolu aux bois ? Les contrastes si soudains exacerbés par le chef ? Curieusement, l’on se prend à trouver ici des échos de la si dissemblable 8e symphonie.

Le célèbre Largo est parcouru d’une intense sensibilité que Silvestri s’efforce d’accentuer par un rubato léger (complainte de la flûte, un poco piu mosso, mesure 46, 4’12). A ce jeu, l’orchestre peine à suivre les intentions du chef (mesures 54 et suivantes à 4’50 : les pizzicati des contrebasses en décalage avec la mélodie). Les musiciens français sont moins à l’aise dans les passages intimistes, à l’image du défaut de phrasé des deux cors en sourdine (3’50, mes. 42). La petite harmonie, elle, reste au meilleur de son art. Silvestri réussit les deux derniers mouvements, malgré un pupitre de violons un peu à la peine dans le redoutable Scherzo. L’Allegro con fuoco, porté à bout de bras, confirme une approche impétueuse et d’une grande expressivité.

Silvestri démontre combien il a compris cette musique. L’on ne compte plus les grandes interprétations de la Symphonie du Nouveau Monde. Celle-ci doit-elle en faire partie ? Sans aucun doute, ne serait-ce que pour le premier mouvement, que l’on aura rarement entendu comme une telle course vers une apothéose magistralement révélée.

Le jeune Enesco connaissait Dvořák. Vraisemblablement pas personnellement, car rien dans ses souvenirs ne laisse supposer qu’on lui aurait présenté le maître de Bohême lors de ses études à Vienne. Mais le jeune Roumain admirait un artiste qu’il a joué toute sa vie. Dès 1904 il inscrit le Quatuor Américain au premier programme de la nouvelle formation qu’il vient de fonder avec ses amis chambristes. Trois décennies plus tard, il dirige le Concerto pour violon avec son élève Yehudi Menuhin, dans une version de légende. Pour Enesco, Dvořák était « l’un des plus grands orchestrateurs qui aient jamais existé », dût cette opinion heurter un milieu français un peu trop imbu d’esprit cartésien et de chauvinisme.

Est-ce pour remuer les trop sages âmes parisiennes qu’Enesco écrit au début du XXe siècle ses deux Rhapsodies ? La première rhapsodie obéit aux canons du genre, avec son introduction placide et sa guirlande de danses populaires. Hora, sârba, chants de berger et citation de l’Alouette (Ciocârlia) si chère aux laoutars. Mais cette pièce n’est pas qu’une juxtaposition de cartes postales. L’effondrement général « à la Ravel » de la dernière partie démontre à quel point le jeune Enesco était déjà maître de son art et entré de plain-pied dans la cour des auteurs d’exception.


Silvestri est l’un des meilleurs serviteurs de cette musique qu’il admirait tant. La rencontre avec la Philharmonie Tchèque, en 1956, tient de ces rendez-vous miraculeux dont l’histoire du disque a conservé quelques témoignages. Jouée, notons-le bien, sans la moindre désinvolture, cette première rhapsodie est parée des mille feux d’une des plus remarquables formations symphoniques de son temps. Le dernier complément du CD (mais peut-on raisonnablement parler de compléments quand il s’agit de tels joyaux ?) est la deuxième et dernière rhapsodie roumaine d’Enesco. Souvent mal comprise et de ce fait exécutée selon un tempo trop vif (erreur notamment commise par Dorati), cette œuvre contemplative est ici dominée par une force tranquille parfaitement dosée.

Voici donc une nouvelle parution de très haut rang au catalogue Forgotten Records. A noter que la Symphonie provient d’un microsillon La Voix de son Maître enregistré en 1957, à ne pas confondre avec celle qui suivra deux années plus tard. Les deux Rhapsodies, déjà reportées en CD par Supraphon au début des années 2000 (SU 3514-2 00), semblent aujourd’hui indisponibles.

Références
Un CD ForgottenRecords fr 499, report techniquement irréprochable des LP La Voix de son Maître FALP459 (Dvořák) et Supraphon LPM 310 (Enesco). Voir les détails sur le site ForgottenRecords.


dimanche 11 octobre 2009

Vasile Năsturică

[Mon papier sur le Taraf Vasile Năsturică a été accepté par le principal quotidien roumain, Jurnalul Naţional. Voici la version publiée dans l'édition du 11 octobre 2009. La traduction a été réalisée par le journal.]
http://www.jurnalul.ro/stire-lada-de-zestre/seara-pariziana-pe-acorduri- lautaresti-523481.html

Taraful lui Vasile Năsturică a fost primit cu mare bucurie de publicul prezent la Theatre de la Ville, din Paris, la sfârşit de septembrie.

Cei cinci muzicieni, sobru înveşmântaţi în alb şi negru, au ştiut cum să capteze atenţia celor câteva mii de spectatori pentru mai mult de o oră. Lăutarii români au cântat în faţa unui public entuziast. Astfel, Vasile Năsturică, violonist şi lider al tarafului, a încercat să regăsească spiritul lăutarilor de odinioară, a căror muzică este tot mai mult dată uitării.

Cvintetul, format din vioară, acordeon, chitară, ţambal şi contrabas, a fost acompaniat când şi când chiar de vocea instrumentiştilor. Nu m-am putut abţine să nu-i compar pe muzicienii români cu artişti ai celor mai importante ansambluri apărute în ultimii ani, artişti care au cedat în faţa modei şi s-au aliniat aşa-numitei "world music", ansambluri susţinute de promovări agresive de marketing.

Ei bine, muzica lui Vasile Năsturică şi a colegilor săi, veritabili artizani ai sunetului, care trăiesc cu intensitate fiecare moment petrecut pe scenă, are o frumuseţe care se impune prin ea însăşi. Pe scena de la Theatre de la Ville, între două solouri, violonistul aflat în centrul grupului întoarce spatele publicului, un gest pe care îl face doar pentru a-şi îndruma mai bine companionii, pentru a le da suflet şi suflu.

Pe scenă, în timp ce cântă, muzicanţii nu se feresc să vorbească între ei în şoaptă sau să-şi aprecieze printr-un zâmbet un coleg care a reuşit să smulgă aplauze sălii. Cum să-ţi închipui muzică mai plină de viaţă când fiecare moment din spectacol îţi oferă sentimentul unei creaţii unice, irepetabile, oferite unui public privilegiat?

NEMULŢUMIREA LUI ENESCU
Locul important dedicat muzicii lăutăreşti în programul spectacolului (fascinant fiind solo-ul de vioară din partitura "Sârba lăutărească", ca un ecou al suitei pentru vioară şi pian "Impresii din copilărie" a lui George Enescu), a netezit calea cântecelor populare româneşti (Suită de jocuri) şi câtorva cântece de pahar, atât de bine interpretate vocal şi acompaniate la acordeon de Ion Cinoi.

Trebuie spus că francezii nu fac o distincţie clară între aceste influenţe muzicale. Confuzie întreţinută de influenţele care provin din zona denumită generic "Europa de Est" şi care înglobează Balcanii, Ungaria, naţiunile slave din nord şi până în Ţările Baltice. Cum să înţelegi, pornind de la asemenea generalităţi, subtilitatea influenţelor din muzica lăutarilor români, adânc înrădăcinate în inima României, dar şi provocarea artistică susţinută cu atâta măiestrie şi ardoare pe scena de la Theatre de la Ville?

George Enescu, român până în măduva oaselor şi parizian ocazional, deplângea confuzia sistematică pe care cei mai mulţi francezi o fac între muzica ţigănească şi cea populară românească. Şi asta pentru că ambele stiluri muzicale există independent de foarte multă vreme, fiecare cu caracteristicile sale proprii şi bine stabilite. Epoca de aur a muzicii ţigăneşti, care nu îşi are rădăcinile în timpuri imemoriale, aşa cum s-ar putea crede, a influenţat o întreagă generaţie de interpreţi de renume. Iar această moştenire prestigioasă este revendicată chiar de artiştii din Taraful lui Vasile Năsturică.

Publicul a fost, cu siguranţă, încântat să asculte "această mână de tradiţionalişti încăpăţânaţi", aşa cum i-a numit cu umor etnomuzicologul Speranţa Rădulescu, directorul artistic al grupului. Lucru perfect adevărat, pentru că îţi trebuie încăpăţânare ca să aperi cu atâta pasiune un repertoriu ce contravine tendinţelor muzicale moderne, fără a face concesii, fără goana după rezultate facile obţinute uneori cu muzica timpului nostru, pe cât de zgomotoasă şi enervantă, pe atât de insipidă.

PARIUL CU TRADIŢIA
Publicul nu s-a înşelat ovaţionând muzica şi jocul de scenă ale lui Gheorghe Petrache sau virtuozitatea ţambalistului Gheorghe Răducanu, care aduce aminte, într-o manieră puţin diferită, de cele mai frumoase interpretări ale lui Toni Iordache (n.r. - cel supranumit şi Zeul Ţambalului). Însă laudele sunt pe drept meritate de întregul taraf, al cărui program a culminat cu două bisuri, susţinute cu o energie debordantă.

Ar fi fost suficient să fiţi martorii entuziasmului cu care spectatorii francezi şi români deopotrivă s-au înghesuit la sfârşitul spectacolului în jurul artiştilor pentru a obţine un autograf, ca să realizaţi şi singuri în ce măsură a fost încununat de succes aşa-numitul "pariu tradiţionalist".

dimanche 4 octobre 2009

Anatol Vieru (1926, Iaşi - 1998)

Forte et précoce personnalité musicale, A. Vieru reçoit dès 1946 le prix de composition George Enescu pour la Suite dans le style ancien, écrite pour ensemble de cordes. Ce n'est pourtant qu'ensuite, de 1946 à 1951, qu'il est disciple au Conservatoire de Bucarest de Leon Kleper, Paul Constantinescu et Theodor Rogalski. A. Vieru est aussi élève du chef et compositeur Constantin Silvestri. Il rejoint ensuite Aram Khatchatourian au Conservatoire de Moscou, où il reste 5 saisons. Son oratorio Mioriţa (1957) et surtout son Concerto pour violoncelle (1962), premier prix de composition de la Reine Maria José de Genève, confirment sa stature de compositeur de premier ordre, couronné par le prix américain Serge Koussevitski en 1966 et de nombreuses autres distinctions en Roumanie et à l'étranger (prix Herder de l'Université de Vienne).

Il est titulaire d'une bourse Deutscher Akademischer Austauschdienst (D.A.A.D) à Berlin Ouest, comme ses compatriotes Tiberiu Olah et Ştefan Niculescu, également représentants de la vitalité novatrice de l'art musical roumain. Tout comme eux, A. Vieru a su contourner les limites stériles des conventions idéologiques pour concevoir un catalogue d'une étonnante richesse, à la fois classique et visionnaire. L'on note à son actif plusieurs opéras, des cantates, cinq symphonies et huit concertos, cinq quatuors à cordes, deux sonates, de nombreuses pièces instrumentales et chorales, de la musique électronique et des musiques de film.


Sources
  • Creaţii Simfonice Româneşti, CD 1, UCMR-ADA Oa 10326, notice d'Oltea Şerban-Pârâu. Orchestre de Chambre de la Radio Roumaine, dir. Ludovic Bàcs pour Memorial.
  • Symphony No. 2, Psalm, Symphony No. 4, CD Olympia OCD 449, notice de Luminiţa Vartolomei.

samedi 3 octobre 2009

Ştefan Alexandru Niculescu (Moreni, 1927 - 2008)

Le long apprentissage musical de Ş. Niculescu au Conservatoire de Bucarest (1941-1946, puis 1951-1957) lui permet de côtoyer d'éminentes personnalités musicales. Muza Ghermani-Ciomac, Forica Musicescu et Grete Miletineanu lui enseignent le piano, George Breazul et Ion D. Chirescu la théorie et le solfège, Mihail Jora et Marţian Negrea l'harmonie, Mihail Andricu la composition, Nicolae Buicliu le contrepoint, Tudor Ciortea les formes musicales, Theodor Rogalski l'orchestration, Nicolae Parocescu et Emilia Comişel le folklore. Entre ces deux périodes d'études artistiques il est inscrit à l'Institut de Constructions Civiles et Industrielles de la capitale roumaine. En 1966, il participe au laboratoire de musique électronique Siemens à Munich et aux Internationale Ferienkurse für Neue Musik à Darmstadt. Cette expérience est renouvelée les trois années suivantes.
D'abord professeur de piano à Bucarest (1958-1960), il devient chercheur à l'Institut d'Histoire de l'Art de l'Académie Roumaine jusqu'en 1963 avant de rejoindre l'Université de Musique où il sera successivement assistant, lecteur, conférencier et professeur titulaire de la chaire de composition. Ş. Niculescu devient membre de l'Académie Roumaine en 1996.
Sa carrière prestigieuse, partagée entre la Roumanie et l'Allemagne, lui vaut de multiples distinctions, de la part de l'Union des Compositeurs (1975, 1977, 1981, 1983, 1985, 1986, 1988, 1998 et 1994 pour le Grand Prix), des Académies roumaine (1962) et française (1972), du Festival de Montreux-Vevey (1985), de la fondation Herder de Vienne (1994), etc.
La majeure partie de son œuvre est consacrée à la musique de chambre, mêlant occasionnellement instruments traditionnels, percussions et synthétiseur, ainsi qu'à la musique orchestrale (cinq symphonies, écrites de 1975 à 1996 ; diverses pièces dont un Hommage à Enesco et Bartók, 1980). Ş. Niculescu est aussi l'auteur de musiques de scènes et d'un opéra pour enfants (Cartea cu Apolodor, 1975), de cantates, chœurs, mélodies, musiques de film.

Ş. Niculescu incarne la quintessence de l'avant-garde musicale roumaine. Il est à la fois héritier et continuateur d'Enesco, Bartók, Stravinski, mais aussi Webern et Messiaen. Harry Halbreich le compare favorablement à ses contemporains, pourtant bien plus connus, comme le Polonais Witold Lutosławski ou le Hongrois György Ligeti, suggérant la portée universelle de son legs.

Sources
  • Viorel Cosma, Muzicieni din România, vol. VII, Editura muzicală, Bucureşti, 2004 - ISBN 973-42-0366-5
  • Creaţii Simfonice Româneşti, CD 1, UCMR-ADA Oa 10326, notice d'Oltea Şerban-Pârâu. Orchestre Symphonique de la Radio Autrichienne (ORF), dir. Arthuro Tamayo pour Deisis.